I – DEFINITION
On entend par codéveloppement toute action d’aide au développement, quelle qu’en soit la nature et quel que soit le secteur dans lequel elle intervient, à laquelle participent des migrants vivant en FRANCE, quelles que soient les modalités de cette participation (celle-ci peut intervenir à une ou plusieurs étapes du projet : conception, étude de faisabilité, financement, réalisation, évaluation).
Le codéveloppement peut concerner aussi bien les immigrés qui désirent retourner dans leur pays pour y créer une activité que ceux (hommes d’affaires, universitaires, médecins, ingénieurs notamment) qui, tout en étant durablement établis en FRANCE :
- soit sont disposés à investir dans leur pays d’origine pour y promouvoir des activités productives et y réaliser des projets sociaux (école, centres de santé, etc) ;
- soit souhaitent faire profiter leur pays d’origine de leurs compétences, de leur savoir-faire et de leurs réseaux de relations.
II – LES ENJEUX
Ce sont habituellement les aspects négatifs des migrations qui sont mis en avant. Pourtant, elles peuvent aussi constituer une chance pour les pays de départ comme pour les pays d’accueil.
Les communautés de migrants représentent, en effet, à un double égard, un potentiel qui
peut être valorisé pour aider au développement de leur pays d’origine :
- ils rapatrient des fonds très importants (supérieurs à l’APD, équivalents à 3 % voire 5 % du PNB de leur pays d’origine et 10 % à 20 % du budget de l’Etat). Si ces fonds étaient davantage utilisés pour des investissements productifs, ils auraient un effet de levier non négligeable ;
- une partie des migrants a acquis des qualifications élevées, souvent dans des domaines où leur pays souffre de manques.
Pour les pays d’accueil, qui bénéficient déjà de leur travail, les migrants peuvent être des
médiateurs, des intermédiaires, grâce auxquels ils peuvent asseoir leur influence dans les pays d’origine, voire refonder sur des intérêts partagés pour l’avenir une relation souvent basée sur l’héritage du passé.
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III– LES PRIORITES DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE CODEVELOPPEMENT
Une Communication présentée en Conseil des ministres le 8 octobre 2003 par le Ministre
délégué à la coopération et à la francophonie, M. Pierre André WILTZER, a arrêté deux grandes priorités de la politique française de codéveloppement, correspondant aux deux principaux enjeux précédemment décrits :
- la canalisation de l’épargne des migrants vers l’investissement productif dans leur pays d’origine ;
- la mobilisation des diasporas hautement qualifiées au bénéfice de leur pays d’origine.
V – TYPOLOGIE DES ACTIONS POSSIBLES
Outre les actions correspondant aux deux priorités arrêtées par le Conseil des ministres, le codéveloppement peut comporter des actions dans deux domaines pour lesquels la coopération française dispose déjà d’une expérience ancienne :
- les projets d’aménagement local (auxquels sont très attachées les associations de migrants) ;
- les aides à la réinsertion (pour lesquelles existe une demande, notamment de la part de personnes en situation d’échec en FRANCE et désireuses de rentrer chez elles, mais qui ne peuvent s’y résoudre que si ce retour s’effectue dans la dignité).
1) La promotion de l’investissement productif
Deux objectifs essentiels sont poursuivis :
- inciter les migrants à consacrer à l’investissement productif dans leur pays d’origine une part plus grande des fonds qu’ils rapatrient ;
- faciliter l’accès au crédit pour les micro-sociétés ou PME qui, souvent issues du secteur « informel », ont des marchés et sont capables de les satisfaire, mais ne peuvent mettre en valeur ces potentialités, faute des financements nécessaires à leur expansion. Le micro-crédit n’est plus suffisant pour leurs besoins, et les banques ne leur font pas encore confiance, parce qu’elles n’ont pas eu le temps de faire leurs preuves et ne disposent pas des garanties habituellement demandées (alors même qu’elles seraient en fait en mesure de rembourser un prêt).
Les réflexions en cours sur la manière d’atteindre ces objectifs portent en particulier sur
- la mise en place de circuits de transferts des fonds des migrants fiables, rapides et peu coûteux ;
- l’organisation de systèmes de cautionnement mutuel ;
- la mise à disposition de banques de lignes de refinancement et de fonds de garantie (dans le cadre de conventions définissant les obligations respectives des banques et de la coopération) ;
- la création d’un Plan d’épargne développement (ou Plan d’épargne projet), qui serait calqué sur le Plan d’épargne logement, mais servirait à réaliser des investissements dans les pays d’origine.
2) La mobilisation des compétences des élites de la diaspora
L’appellation DSTE (Diasporas scientifiques, techniques et économiques) tend à s’imposer
pour désigner les élites hautement qualifiées des diasporas.
Leur mobilisation peut intervenir sous forme de missions de courte durée, qui peuvent être répétées à intervalles réguliers (des enseignants peuvent ainsi dispenser des cours, des médecins réaliser des opérations particulièrement délicates, des chercheurs diriger des thèses, etc…). Dans des cas exceptionnels, la coopération peut prendre en charge un complément de salaire pour des cadres disposés à rentrer au pays pour y exercer des responsabilités importantes. Pour les enseignants et chercheurs a parfois été évoquée la possibilité de créer des « doubles chaires », qui leur permettraient de partager leur temps entre la FRANCE et leur pays.
3) Projets d’aménagement local
Des cofinancements peuvent être consentis pour des projets que des associations de migrants projettent de réaliser dans leur région d’origine, mais qu’elles ne sont pas en mesure de financer entièrement (école, centre de santé, électrification rurale, petits barrages agricoles, etc.)
4) Aides à la réinsertion (terme désormais préféré à celui d’aides au retour)
Ces aides concernent des migrants désireux de retourner dans leur pays d’origine pour y
créer une activité (petit commerce, agriculture, artisanat, taxi, etc). Elles peuvent consister en : conseils pour la mise au point et le suivi du projet, financement (compris entre 4000 et 7000 euros selon la qualité du projet). Les intéressés bénéficient d’un visa de circulation.
V – LES STRUCTURES
Un « Ambassadeur délégué au codéveloppement » a été nommé en décembre 2002. Il est
rattaché administrativement au Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères, et fonctionnellement au Ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Il est secondé par deux collaboratrices à mi-temps et une secrétaire.
VI – LES MODES D’ACTION
L’Ambassadeur délégué n’a vocation, ni à être opérateur, ni à gérer des crédits, ces
missions incombant aux services compétents dans les domaines considérés. Il lui appartient de proposer des stratégies, de donner des impulsions et de jouer un rôle de catalyseur. Il peut aussi avoir l’initiative de programmes concrets, mais il partage cette prérogative avec les SCAC et services d’administration centrale, et ce sont en tout état de cause les SCAC et services qui élaborent le détail des programmes et assurent leur mise en oeuvre (celle-ci est très décentralisée : les crédits sont déconcentrés dans les Ambassades et les projets sont sélectionnés par des comités mixtes comprenant des représentants de l’Ambassade, des autorités, collectivités locales et associations du pays concerné ; pendant la phase de mise en oeuvre, l’Ambassadeur délégué, pour sa part, assure la liaison avec les communautés de migrants en FRANCE).
VII – LE CHAMP GEOGRAPHIQUE
Des programmes sont en cours d’exécution ou d’élaboration avec trois pays : SENEGAL,
MALI, MAROC, et un quatrième est en cours d’élaboration avec les COMORES.
Des échanges sont actuellement en cours avec un certain nombre d’autres pays intéressés , et 2005 verra l’élargissement du champ géographique du codéveloppement.
CONCLUSION
Le codéveloppement se situe à la confluence de trois problématiques essentielles : les
migrations internationales, la mondialisation, et le développement. Les défis qui se posent dans ces trois domaines concernent aussi bien les pays du Nord que ceux du Sud, et des solutions viables ne pourront être trouvées que dans le cadre du dialogue et du partenariat entre les Etats concernés, en associant les sociétés civiles à ce dialogue.
Par ailleurs, la participation des migrants et de leurs associations, par le biais du codéveloppement, à notre action d’aide au développement contribue à leur meilleure intégration dans la société française (de par les liens noués avec des services officiels et des associations françaises de solidarité). Le FORIM (Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations) est à cet égard une institution exemplaire, unique au monde, qui est un lieu de concertation entre associations de migrants et administrations françaises sur la politique d’aide au développement.
Le codéveloppement est maintenant un concept crédible, autour duquel un consensus s’est peu à peu forgé dans les organisations internationales, y compris désormais au G8.