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jeudi 21 novembre, 2024

Egypte, Libye, Tunisie : Tariq Ramadan et les Révolutions arabes (1/3)

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Les dix commandements, les Révolutions arabes et Tariq Ramadan (1/3)

par Omar MAZRI,

Tariq Ramadan

Tariq Ramadan affirme, haut et fort, partout en France et à l’étranger, « Ce sont des soulèvements populaires c’est une évidence, qui ont été accompagnés de techniques de mobilisations non-violentes, et dont le but était de renverser les régimes, mais pas nécessairement de changer le système. » Il ne se rend pas compte qu’il enfonce une porte ouverte par les sceptiques depuis le début de la révolution, il ouvre une autre porte celle-ci placée sur sa trajectoire par la communication américaine et ouvrant droit sur la porte du département d’état américain de Madame Hilary Clinton.

Dans une première partie nous allons aborder les aspects suivants de la rhétorique de Tariq Ramadan que j’analyse en trois parties :

  • Jeu de mots et occultation des maux
  • Sentiment démocratique ou démocratie
  • L’absence d’analyse dialectique avec ou sans l’angle islamique
  • Arabe de service, démarcation futile et sabotage de l’histoire
  • L’Islam référent idéologique ou auxiliaire d’usage?
  • La bonne question du « pour qui et pourquoi » et sa captation
  • L’indifférenciation vieux procédé de la lutte idéologique et de l’exclusion
  • Cheikh Google et la récupération
  • Contre l’innocence créatrice le chaos fécond
  • Les « Révolutions » arabes : Mystique ou mystification ?

Jeu de mots et occultation des maux

Il ouvre, ces derniers mois, ses conférences, ses écrits, ses interviews en assenant d’emblée à un auditoire acquis ses assertions axiomatiques : Il n’y a pas de révolution arabe, je ne crois pas à la révolution arabe. C’est sa liberté de choisir son référentiel idéologique. Mais nous avons toujours pensé qu’un intellectuel de talent ne doit pas prendre en otage ses auditeurs, du seul fait de son prestige, pour imposer son point de vue personnel au lieu de démontrer par un raisonnement rigoureux et des faits incontestables. Il peut se démarquer dans le microcosme médiatique contre l’avis des millions de Tunisiens, d’Égyptiens, de Yéménites, de Bahreïni qui ont la conviction de mener une révolution et qu’ils sont prêt à lui sacrifier leur temps, leur vie… et c’est ce qu’ils ont d’ailleurs fait même si les résultats espérés ne sont pas encore au rendez-vous.

Musulmans, nous sommes tenus de juger les gens sur les faits et laisser les visées du cœur à Allah. Pourquoi se mettre en situation de celui qui sait au dessus de celui qui fait ? Pourquoi nier le fait révolutionnaire arabe, occulter l’événement historique mené par les populations toutes classes confondues et toutes idéologies confondues allant jusqu’à leur confisquer les mots comme s’ils n’ont pas le droit de posséder leur vérité, leurs mots, leurs aspirations ? Derrière cette négation des mots du peuple, est-ce que se cache seulement le malaise des intellectuels musulmans, lorsqu’ils sont sincères et ne sont pas au service d’agendas occultes, qui prennent conscience qu’ils non ni pensé ni accompagné ni fait ce que le petit peuple a fait et ils tentent par éviction de l’effort des autres de mettre leur Moi sous les feux de la rampe. Est-ce qu’un intellectuel est au service de sa gloire quitte à semer le doute et la confusion ou bien est ce qu’il est au service de la clarification, de la pédagogie, de l’engagement auprès des opprimés sans voix et sans tribune ? L’intellectuel Musulman sait par le Coran la compétence symbolique humaine de tisser du sens par le pouvoir de nommer. Il doit savoir par l’étude de la lutte idéologique menée contre les peuples arabes et leur émancipation que celui qui a la compétence de nommer et d’imposer ses symboles a gagné la bataille non seulement de la communication mais celle de l’initiative historique et des références conceptuelles et idéiques pour s’imposer comme le monopole du savoir qui permet de comprendre le phénomène social, politique, économique ou idéologique. Nous assistons donc à un véritable hold-up idéologique qui consiste à réinterpréter par le discours la réalité du terrain.

Par ailleurs, quel est le sens que Tariq Ramadan donne au terme révolution ? Si on se réfère au dictionnaire la révolution serait un mouvement dont le point de retour coïncide avec le point de départ. Est ce que c’est la volonté des peuples de se sacrifier en vain? Est-ce-que Tariq Ramadan n’est-il pas en train de revenir au point de départ alors que nous sommes déjà dans une autre étape pour la simple raison qu’il a pris le train très en retard ou que son référentiel est décalé par rapport à la réalité du terrain? Devrions-nous nous soumettre à l’ordre académique ou au système médiatique qui confère un statut d’intellectuel à la rhétorique ou au contraire nous soumettre à la volonté des peuples arabes qui sortent de leur léthargie et brisent le silence ? Quand un peuple arabe dit sans peur, sans envie de revenir en arrière, qu’il veut être un homme libre, vivant dignement, récupérant son droit à la parole, que ses enfants ne soient plus les domestiques des puissants ni des étrangers et qu’ils doivent aller à l’école et profiter du progrès, ce peuple a accompli la plus grande révolution : Il a vaincu sa peur et son silence, il s’est fixé lui-même des objectifs et il s’est engagé dans un processus de transformation. En un temps très court, il a récupéré son humanité que des siècles de colonisation et des décades d’oppression ont anéantie. N’est ce pas cela aussi la voie démocratique, celle du peuple qui se prend en charge, qui refuse d’être asservi, qui veut un autre avenir même s’il est dépossédé des mots, des concepts et de la rhétorique de l’intellectuel. Quel est le sens du jeu de mots entre soulèvement et révolution quand le peuple arabe a pris en charge tout seul la résolution de l’enjeu des maux qui le ronge.

Sentiment démocratique ou démocratie

La démocratie dont Tariq Ramadan semble faire le point focal de son discours et le critère de la révolution est un autre débat plus technique mais surtout plus philosophique et sur ce point ses compétences sont sollicitées pour expliquer les dénominateurs communs et les divergences voire les antagonismes entre l’Islam et la démocratie libérale. Il a utilisé le terme de sentiment démocratique pour exprimer son sentiment sur l’absence de démocratie dans l’acte révolutionnaire arabe et par conséquent son mépris sur la révolution arabes considérée comme nulle et non avenue. Malek Bennabi s’est libéré de la démocratie de façade que l’Occident veut nous vendre comme mode de dépersonnalisation en disant deux choses simples qui fixent nos urgences et que les peuples arabes ont compris. La première chose : Établir une société de devoirs et non une société de privilèges. La seconde chose : Le sentiment démocratique est cette culture, ce désir, cette norme, cette émotion qui vient de l’intérieur du moi individuel et de la conscience sociale et politique des gouvernants et des gouvernés pour que le gouvernant éprouve de la honte s’il s’imagine ou se voit opprimer le gouverné, et pour que le gouverné éprouve de la dignité et refuse de se laisser opprimer. C’est cela le fondamental qui vous a échappé et qui continuera à vous échapper car vous êtes inscrit dans un autre registre qui n’est pas servir l’Islam et les Musulmans mais se servir de l’Islam pour servir votre image.

Au-delà de ce fondamental, la suite du débat sur la démocratie et la révolution arabe est un débat philosophique, éthique et technique sur les mécanismes, les lois, les procédures et les institutions qui instaurent la règle d’or de l’Islam : la Justice. C’est la justice dans le social, le droit, l’économie, le politique, l’administration et l’ensemble des interactions humaines qui va donner un contenu, une dimension, une esthétique, une éthique et des limites à la liberté, à la responsabilité, à la démocratie ou plus exactement à la Choura. Le problème central, philosophiquement parlant est l’homme pour qu’il retrouve l’Honorificat original lui donnant toute sa dignité humaine, sociale, politique, économique, intellectuelle, morale ainsi que sa vocation de Khalife agissant librement. Aller sur cette voie est un acte révolutionnaire. En excluant la femme et l’homme arabe de son débat et en se focalisant sur un concept américanisé « la mobilisation non violente » il s’est exclu de la Révolution arabe et s’est placé dans ce que la terminologie occidentale appelle la réaction.

Le monde Musulman attend de l’intellectuel musulman vivant en Europe une réflexion approfondie non sur les inepties telles que l’Islam est-il soluble dans la démocratie occidentale ou la démocratie est Kofr mais de donner un contenu moderne à la Choura dans un État de droit sans importer ce que les anarchistes américains appelle la polyarchie (la dictature des élites, des nantis et des médias) et faire que le processus électoral soit efficace et que ce qu’on appelle la démocratie soit réellement participative, décentralisée et allant au cœur de ce qui fait ou défait le pouvoir politique : l’économie et les finances. La démocratie est une fois de plus une affaire de philosophie si on admet que la philosophie c’est l’étude du rapport de l’homme à Dieu, à l’homme, à l’environnement social, politique, économique, médiatique, écologique et culturel de l’homme et de ses activités humaines. Les ouvriers algériens de Renault et de Berliet ou du bâtiment et des fonderies ont apporté à la conscience nationale des idées acquises auprès du syndicalisme français dont pourtant ils étaient exclus. Pourquoi un intellectuel à qui tout est ouvert ne ferait-il pas l’effort d’apporter une contribution plus franche, plus généreuse et plus performante aux débats qui traversent les sociétés arabes?

L’absence d’analyse dialectique avec ou sans l’angle islamique

Pour un intellectuel qui se veut de « haut niveau » et « porte parole » de l’intelligentsia musulmane, on s’attendait à trois choses fondamentales. 1 -L’analyse dialectique des antagonismes idéologiques, politiques et socio-économique qui ont donné naissance au soulèvement. 2 – Les attendus de la dynamique socio-politique qui annoncent l’accélération, l’aiguisement et l’extension des contradictions et des revendications pouvant conduire à une continuité et un aboutissement révolutionnaire. 3 – Comment faire face aux risques de confinement à un mouvement sporadique qui s’épuise ou à la prise en main du mouvement par la contre révolution ou la contre insurrection par l’impérialisme américain qui le fait sortir de sa trajectoire et le faire porter par un changement de façade. Nous n’avons pas eu droit à cette analyse sauf à la volonté de dire que ce n’est pas une révolution mais un soulèvement. Vous vous inscrivez de fait dans la lutte idéologique menée par l’impérialisme qui veut nier le fait révolutionnaire en attendant de le contenir ou de le saborder. Il se peut que je suis trop stupide ou un ringard attaché aux années de gloire de la lutte anti impérialiste et que je ne puisse pas comprendre le discours évolué et ouvert. Il se peut et dans ce cas je ne porterais tort qu’à moi-même et à une dizaine de lecteurs aussi arriérés que moi. Mais il se pourrait vous ayez tort et les conséquences de vos paroles sur vos fans sont d’un préjudice irréparable. L’Islam offre un cham inexploré d’analyses dialectiques pour comprendre et agir sur les mécanismes d’oppression, de changement et de libération des peuples. Ce sont ces mécanismes que les jeunes et les peuples sont en attente d’écouter et la logique veut que c’est le philosophe qui est le mieux placé pour les extraire du texte coranique et en faire une théologie de lutte anti impérialiste au lieu de se focaliser sur des mots qui fascinent mais qui ne sont sur le plan de la sémantique, de l’idéologie ou de la praxis révolutionnaire d’aucun apport faute de contenus et de méthodologie

Tariq Ramadan enfonce toutes les portes ouvertes sauf celles qui s’ouvrent sur la dialectique des contradictions sociales et politiques qui rend ces révolutions dans le monde arabe comme nécessaires et incontournables. L’intellectuel au service du peuple va tenter d’éclairer la dynamique populaire pour rendre le processus révolutionnaire irréversible jusqu’à son aboutissement à moins qu’il y ait dans le monde musulman non seulement des divergences doctrinaires mais aussi sémantiques sur la vocation de l’intelligence, de la parole et de l’écriture. L’histoire des peuples et de leurs révoltes ainsi que la dialectique montrent deux évidences. La première évidence est que la Révolution est un long processus, elle peut partir d’un cadre idéologique qui l’a préparé ou elle peut prendre en marche le train d’une une rébellion ou d’un soulèvement pour l’encadrer et lui donner l’encadrement idéologique et politique ainsi que les moyens de luttes, la hiérarchisation des priorités et des objectifs, la définition de la communication et les interlocuteurs d’éventuelles négociations tant à l’intérieur des factions au sein de la révolution qu’avec les tenants du pouvoir encore en place, chancelant ou tombé pour assurer la transition et l’édification a continuité d’un état rénové et d’une société épurée en rupture avec les pratiques et les mentalités du passé. La seconde évidence est la singularité d’une révolution par rapport à une autre ainsi que les points communs. La Révolution française, la Révolution bolchévique, la Révolution bolivienne, la Révolution algérienne, la Révolution iranienne et les soulèvements arabes ont des particularismes socio-historiques et culturels et des fondamentaux universels qui font qu’on ne peut importer ni planter une révolution sans les conditions objectives et subjectives qui lui donnent naissance. Les peuples arabes, les syndicats brimés et les partis d’opposition noyautés par les services ou vivant dans la clandestinité n’ont pas le temps dans le feu de l’action de voir ces évidences ni d’anticiper et il me semble que c’est là où intervient le rôle de l’intellectuel qui joue le rôle de l’éclaireur sur le plan idéique, idéologique et politique. Il est au service de l’Arabe effectuant sa révolution et il doit dans son combat se démarquer de l’Arabe de service. Dans un cas comme dans l’autre, nous sommes dans la posture dessinée par nous et pour nous à travers l’effet pygmalion positif ou l’effet pygmalion inversé que je définirais plus bas.

Arabe de service, démarcation futile et sabotage de l’histoire

Le système médiatique est tellement bien construit, sans nous et contre nous, qu’il nous pousse à nous démarquer sachant qu’il est difficile de se démarquer sans tomber dans la caricature ou le stéréotype. Pour bien comprendre, tentons de donner une définition de l’Arabe de service et faisons-en une grille de lecture médiatique : l’Arabe qu’on montre bien volontiers parce qu’il correspond à l’image qu’on voudrait montrer, qui selon le cas se présente comme celle de l’épouvantail repoussant ou se présente comme celle du bon chic bon genre attrayant et rassurant. Dans un cas comme dans l’autre, l’intention est de gommer la réalité des arabes et d’occulter les arabes bien réels et bien authentiques. Un ami sociologue et ethnologue m’a fait une remarque sur les asiatiques et en particulier les vietnamiens qui ont connu le colonialisme et ses méfaits pervers sur l’identité et sur le morcellement géographique de leur pays, ils n’ont pas produit de Vietnamien de service. Le vietnamien qui a choisi d’être français se présente et se comporte comme un français. S’il est interpellé sur un sujet il répond comme un français et s’il interpelle, il interpelle sur les problèmes vécus par les Français dont il partage la classe sociale. Si c’est un Vietnamien du Vietnam, jamais il ne lui viendrait l’idée ou le mot sur la langue pour porter atteinte à son peuple, à son histoire, à ses valeurs. Il semble qu’il y a un grand travail de décolonisation de nos mentalités et de libération de la schizophrénie culturelle. C’est une piste de travail !

Malek Bennabi l’intellectuel au service de l’Islam, de la libération des peuples a montré que le colonialisme est méthodique pour bloquer l’émancipation des peuples : toute son œuvre est une mise en scène, un truquage pour donner à la physionomie du pays colonisé un air «indigène». Tout écueil que pourrait rencontrer son œuvre est écarté systématiquement. Il élimine la véritable élite – non pas celle que sa faveur particulière a désignée pour représenter le peuple colonisé – mais l’élite naturelle qui témoigne des plus hautes vertus d’un peuple. Afin qu’elle ne se reforme pas, qu’elle n’émerge pas de nouveau, on installe tout un système de perversion, d’avilissement, de destruction, dirigé contre toute dignité, toute noblesse et toute pudeur. Et c’est ainsi que le peuple colonisé se trouve campé dans un cadre artificiel dont le moindre détail contribue à maintenir en porte-à-faux l’existence des individus. Cette technique de la désorientation est en fait un véritable sabotage, qui s’adapte continuellement aux situations nouvelles, qui se dresse en face de toute initiative et de toute énergie neuve pour les capter et les détruire.

La «renaissance musulmane », ne pouvait donc manquer de susciter chez le colonisateur l’intérêt le plus passionné. Il est facile de deviner quels éléments de perturbation, quels facteurs d’inharmonie le colonialisme va introduire dans la société musulmane moderne. Son pouvoir et son ambition illimités lui ont inspiré la pensée folle et tragique d’arrêter la marche de la civilisation dans les pays colonisés. En face du modernisme – du tajdid – il va dresser un archaïsme artificiel comme une scène de théâtre, où les figurants, marabouts, pachas, alems ou universitaires truqués, devront jouer la scène de la «tradition islamique», – «tradition» qui devient le mot d’ordre de toute la politique coloniale. A chaque instant, le colonialisme clame à l’histoire des peuples colonisés le mot de Josué: «Stat Sol», «Arrête-toi, Soleil.»…

Guidé par la pensée sacrilège d’arrêter la marche des peuples vers la lumière, le colonialisme n’hésita pas à mêler le sacré à l’impur pour sauver ses intérêts matériels…

Quoi qu’il en soit, c’est par de tels moyens de déviation, de corruption, de falsification, que le colonialisme entend faire la «politique coloniale» et se rend ainsi responsable d’une grande part du chaos du monde musulman. Dans ce domaine, il n’est pas possible de se dégager du détail, de résumer, de condenser en quelques expressions systématiques. Le système ne se sépare pas du détail, qui fournit un témoignage direct et concret sur la responsabilité du colonialisme. Mais d’autre part, nous n’avons pas la prétention – qui serait saugrenue – d’exprimer ici tous ces détails discordants qui s’introduisent sans cesse dans la vie musulmane comme des grains de sable dans les rouages d’un moteur. L’œuvre coloniale est un immense sabotage de l’histoire…

L’Islam référent idéologique ou auxiliaire d’usage?

Tariq Ramadan cultivant la rhétorique et l’art de ménager la chèvre, le loup et le choux, répond à la question sur l’Islam dans ces soulèvements : « je ne dis pas que l’islam « doit être » un référent, je dis que l’on n’a pas le choix. Avec ces soulèvements, on a écarté les islamistes en oubliant qu’il s’agissait de pays majoritairement musulmans. Qu’on le veuille ou non, l’islam est une référence dans ces pays. »

Pourquoi ne pas prendre le courage de dire que nous assistons à une « Sahwa », un éveil islamique, dans le sens où le Musulman dans le monde arabe prend conscience de son devoir de se mettre en marche et de réclamer, même d’une manière confuse et inorganisée, qu’il veut vivre dans la dignité, la justice et la prospérité et pour cela il doit se débarrasser de ses tyrans – qui l’ont opprimé – au service du capital et du sionisme dont ils étaient les vassaux. Pourquoi ne pas profiter de l’opportunité pour expliquer en quelques mots l’obligation islamique de refuser l’oppression et de lutter pour la Justice ? Je peux comprendre qu’il ne cherche pas le clivage ni la confrontation pour conserver l’accès à la parole sur les grands médias.

Je ne peux pas comprendre, car sans doute je suis sentimental, remplis de ressentiments et vide de stratégie de communication, qu’on puisse au nom de l’Islam ouvrir cette fois la porte des clercs, celle qui conduit au Saint Siège et se prononcer d’une manière tranchée et opposée au consensus depuis 15 siècles sur l’homosexualité, l’avortement et autres problèmes qui sont spécifiques de la société occidentale et de sa permissivité et qu’elle nous a légué comme tares. L’Église a du mal à gérer ces nouveaux phénomènes de société mais Tariq Ramadan les banalise. Les Athées dans le monde musulman n’abordent pas ces problèmes considérés comme tabous sauf l’esprit ouvert et tolérant de Tariq Ramadan qui les aborde sans complexe comme si c’étaient les urgences et les priorités de la communauté musulmane. Je l’invite à lire l’excellent livre « Le jeu de l’art moderne » du professeur émérite en civilisation française à l’université du Caire, Zeinab Abdelaziz, et voir qui est derrière les perversions morales, les dérives sectaires et la promotion de la laideur et de la monstruosité dans le monde. Il doit se montrer prudent, réservé car si il ouvre la porte à Satan comme le dit Franz Kafka « Quand une fois on a accueilli le Mal chez soi, il ne demande plus qu’on lui fasse confiance ». La jeunesse musulmane qui a fait de vous son idole risque de ne plus vous accorder sa confiance. Mais la manière arrogante dont vous traitez les commentaires qui ne vont pas dans le sens qui sublime votre ego et approuve l’hypothèse unique de votre traitement des révolutions arabes présage votre trajectoire dans le firmament étoilé tant que sciemment vous refusez de vous inscrire, au moins par la parole et le coeur, dans  » la commanderie du bien et la condamnation du blâmable  » qui est la vocation du Musulman.

Je suis peut-être ignorant mais j’ai toujours pensé que l’Islam est venu parfaire les mœurs en agissant en amont par l’éducation de l’homme et la réforme politique, sociale et économique et non agir comme un clerc pontifical pour légiférer, trouver excuse et céder à la pression consumériste y compris celle du sexe, de la drogue, de la violence, des jeux de hasard. Est-ce que l’Occident manque de curés et de laïcs pour parler des fléaux sociaux pour appeler un intellectuel musulman à la rescousse ? Est-ce que cet intellectuel qu’on appelle pour raconter un islam inversé qui n’est ni dans le Coran ni dans la Sunna ni dans la culture musulmane a vocation de séculariser les Musulmans ? Quelle est la vocation du Musulman face aux non Musulmans ? Trouver des solutions pour vivre ensemble dans un espace apaisé où chacun accepte la différence de l’autre tant que celle-ci ne met pas en cause sa propre identité par la violence ? Parler de la foi en Dieu, du monothéisme, et des fondamentaux de l’Islam et ce n’est qu’une fois la foi attestée que le débat peut porter sur des choses et des phénomènes dont le regard et la solution islamique hors de l’acceptation de ses fondamentaux risque de choquer faute de grille de lecture, faute de croyance…

Je dois avouer mon incapacité à suivre et à comprendre la logique de Tariq Ramadan, de voir les conséquences positives de son discours aussi bien sur la communauté musulmane que sur cette marée humaine de plus en plus paumée dans un monde incertain et peuplé d’incertitude et de nihilisme. Ce qui est plus surprenant c’est le silence des docteurs en « Usul al Fiqh » qui laissent faire et laissent dire ce qui peut porter atteinte au credo de l’Islam mais qui s’empressent de saluer, de bénir et de se réjouir de ce qui touche à la vie et à la dignité du Musulman et en particulier quand les coups sont donnés par l’OTAN ! Étant, par la grâce d’Allah, hors système et n’attendant rien de personne et comprenant que le système connait toutes nos tares et toutes nos failles et qu’il ne fait que les entretenir je ne dévoile ni secret ni ne fragilise la communauté musulmane en disant que les doctes personnes se taisent car chacune dans un partage de territoire et de rente religieuse vaque dans l’orbite dans laquelle les forces centrifugeuses l’ont mises sans avoir le courage de se remettre en cause et de se poser la question qui fera tomber tout l’édifice construit sur ses orbites : quelle est la mission de l’intellectuel musulman?

Même si l’intellectuel affirme entre guillemet politiquement correct que l’Islam pourrait être le référent dans les pays arabes il donne sans aucune équivoque cette référence à la morale « Qu’on le veuille ou non, l’islam est une référence éthique dans les pays arabes ». L’Islam est évidé de sa dimension politique, économique, civilisationnelle pour être une religion, une morale, une conscience enfouie au cœur de l’individu sans rapport avec le législatif, la gouvernance. C’est le rêve des détracteurs de l’Islam depuis 15 siècles. L’Algérie a payé le prix de 200000 morts et 20000 disparus pour qu’il n’y ait plus de référence à l’Islam autre que morale ou maraboutique.

Ben Badis, Al Ibrahimi, Hassan al Banna, Sayed Qutb, Mohamed al Ghazali diront tous, sous des formes différentes, la vérité constatée par Malek Bennabi et que ne veut ni voir ni évoquer notre intellectuel et qui est pourtant cruciale dans le rapport des Révolutions arabes au monde occidental et vice versa : « Le colonialisme sait que la religion demeure l’unique, l’ultime moyen de refaire la santé morale d’un peuple qui a perdu, dans la crise de son histoire, tout ressort moral. Si aujourd’hui il y a quelque chose qui vibre encore dans l’âme musulmane, quelque chose qui la rend capable de se transformer et de se dépasser, c’est bien l’Islam. Aussi le colonialisme s’attaque-t-il partout à cette puissance de résurrection. L’Islam devient donc l’objet de toutes les restrictions, de toutes les surveillances… »

La bonne question du « pour qui et pourquoi » et sa captation

Dans un champ sans contradicteur ni balise fixant les limites Tariq Ramadan préfère enfoncer les portes ouvertes et se poser les questions qu’il veut dont il a les réponses qui lui conviennent à un auditoire acquis à sa cause : « pour qui et pourquoi ces soulèvements arabes ? » La porte ouverte, bien entendu, exclut de l’analyse les Arabes, les conditions qui les ont poussés à se révolter et les raisons objectives ou subjectives de la possibilité de se faire récupérer par l’impérialisme. La porte ouverte nous assène comme un matraquage idéologique ce que l’Occident veut entendre : C’est l’Occident et à leur tête l’Amérique, ces dieux de l’Olympe, qui ont planifié et organisé les soulèvements pour changer les régimes vassaux en prenant le risque d’avoir des déconfitures, des surprises, des dérapages comme si l’impérialisme est stupide de préparer un changement dont il n’est pas le chef d’orchestre et dont il n’a pas écrit minutieusement la partition et soigné le décor. J’ai l’impression de voir Kafka écrivant le drame des Musulmans « La bête arrache le fouet au maître et se fouette elle-même pour devenir maître, et ne sait pas que ce n’est pas là qu’un fantasme produit par un nouveau nœud dans la lanière du maître. »

La vérité dans la rue tunisienne et égyptienne est tout autre. Le soulèvement a eu lieu à l’insu des américains et des français dans des pays pourtant acquis à eux montrant une fois de plus la vérité coranique sur la fragilité de la demeure de l’Araignée qui en dévorant ses mâles géniteurs se retrouvent dans la situation des autistes « sourds, muets », ils n’ont rien entendu ni vu venir les annonciations des révolutions arabes. Pris par l’Afghanistan, l’Irak, Gaza et l’Iran, ils ont eu un moment d’inattention sur l’Afrique du Nord. Ils n’ont rien vu venir. Ils ne sont pas infaillibles. Ils sont vulnérables. Ce ne sont pas les actions terroristes qui vont les terrasser mais la liberté que les peuples leur arrachent des mains de leurs vassaux usés par leur pouvoir arbitraire, la corruption de leurs élites et l’insenséïme des appareils de sécurité et de médiatisation.
C’est une insulte aux morts, aux blessés et aux manifestants tunisiens et égyptiens que leur dire qu’ils n’étaient que des pantins articulés par l’impérialisme pour changer la tête du régime en Tunisie et en Égypte. C’est accorder trop d’intelligence à un Occident en déclin en lui donnant cette omniscience et cette omnipotence et c’est être naïf ou faire semblant d’être naïf que de voir en lui ce qu’il n’est pas et d’oublier qu’il voit dans les intellectuels occidentalisés ce qu’ils sont réellement : Des pantins. Le peuple prenant en main son destin s’impose comme partenaire qu’il faut amadouer par des promesses d’aides alimentaires ou comme adversaire en lui envoyant la flotte américaine au large de ses côtes. C’est pourtant si simple de dire que lorsque l’Occident ne veut pas d’un chef d’Etat il ne se complique pas la vie, il l’isole et le pousse à faire des concessions sinon il réalise des manœuvres de subversion, sinon il fomente un coup d’Etat par les généraux et les maréchaux qui sont à son service, et puis, en dernier recours, il l’assassine comme il l’a fait pour Patrice Lumumba, Allende et Kadhafi. Prendre des risques de lancer une révolution ou un soulèvement populaire contre son caniche qui refuse de partir est un scénario hollywoodien. Moubarak et Ben Ali ne sont pas Allende, Hugo Chavez ou Kadhafi. L’Amérique peut vouloir rajeunir ses Arabes de services et son désir peut coïncider avec une révolution populaire qu’elle tente de domestiquer et de récupérer n’est pas impossible. Si la probabilité d’un tel événement n’est pas à écarter, sa réalisation éventuelle ne le confirme pas mais prouve le contraire quand on voit les ballets diplomatiques et les déclarations contradictoires. Il faudrait reprendre les archives du Journaliste anglais Robert Fisk et reprendre ses analyses en temps réels à partir de Beyrouth ou du Caire pour voir le fiasco américain.

Michel Collon, Gilles Munier, Escobar et tant d’autres ont au moins le mérite de montrer les mécanismes d’oppression et de lutte entre l’opprimé arabe et l’oppresseur capitaliste dans ces révolutions arabes sous un angle non islamique. Nos intellectuels musulmans préfèrent se placer dans la situation des idiots utiles qui relaient le travail de sape idéologique et de diversion contre la « Sahwa », l’éveil, des peuples arabes qu’il voudrait voir maintenu dans leur Wahn (faiblesse) et leur insouciance de chien battu et d’ânes corvéables. Tariq Ramadan fait dans la désinformation subtile : Il refuse le terme de printemps arabe alors que d’autres avant lui ont refusé le terme de révolution de Jasmin et leur connotation symbolique avec les révolutions colorées dans les pays de l’Est. Il le fait tardivement ! Il semble oublier que dans les pays de l’Est le travail de changement ne s’est pas fait en quelques semaines. C’est un long travail entrepris conjointement par le Vatican, la CIA et certaines élites occidentalisées depuis la guerre froide s’appuyant sur une jeunesse qui cherchaient la vie facile et opulente du mode de vie présenté par la propagande américaine et s’appuyant sur les apparatchiks embourgeoisés qui cherchent une formule pour donner légitimité et impunité à leurs rapines. Le reste était de la poudre aux yeux pour donner légitimité aux nouvelles élites de l’Europe de l’Est en mettant en scène les mouvements populaires.

La situation du monde arabe est radicalement différente de l’Europe de l’Est sur le plan sociologique, historique, religieux et politique. Nous avons eu l’exemple de l’échec de la révolution « verte » en Iran qui s’est pourtant appuyée sur la bourgeoisie et les jeunes occidentalisés. La culture du nouvel ordre mondial fondé sur l’uniformisation des marchés, des modèles de consommation et de l’indifférenciation des cultures continuent de butter sur l’équation du monde musulman et la solubilité ou non de l’Islam dans le capitalisme. Ils sont entre de nouvelles Croisades et l’insertion par le consumérisme. La voie n’est ni facile pour eux ni pour nous car la nature de l’Islam est antagoniste avec le capitalisme et en même temps le capitalisme est négateur des différences qui exigent une cohabitation dans un rapport d’intelligence et de solidarité. Le capitalisme dans sa phase primaire ou aboutie reste fondé sur le rapport de force, le rapport entre dominant et dominé, le rapport au profit. Vouloir les concilier est soit une méconnaissance de l’Islam soit une méconnaissance du capitalisme soit une bonne connaissance des portes qui ouvrent la voie au succès mondain et éphémère.

Avec du talent, une intelligence et quelques connivences ont peut jouer à la cible tout en faisant de la diversion comme par exemple intervenir sur les révolutions arabes au moment où la question de la Charia se pose en Libye par des gens armés par l’OTAN pour éradiquer la souveraineté d’un pays et se trouver face à une énigme : Ce peuple est musulman et les nouveaux seigneurs de guerre ne peuvent que leurrer leur peuple en leur évoquant la Charia mais ce terme, son contenu et ce qu’il évoque comme antagonisme historiques, moraux et religieux pose problème et remet en cause la guerre en Libye dans l’opinion occidentale qui commence à la voir de plus en plus confuse, sans but stratégique, sans mobiles réels… Les médias savent qui appeler pour rassurer ou pour faire peur aussi bien dans le clan des Arabes que dans leur propre clan.

L’indifférenciation, vieux procédé de la lutte idéologique et de l’exclusion

Tariq Ramadan cultive un sentiment de victimisation et de stupidité des Arabes otages d’un complot international pour enlever toute légitimité à la rue arabe et répondre avec beaucoup de savoir faire aux questions que se posent les Arabes et les Occidentaux sur le double jeu des américains et des Arabes de service dans le monde arabe où on voit des traitements différenciés d’une manière flagrante entre ce qui se passe au Bahreïn et en Libye, en Tunisie et au Yémen. Tariq Ramadan ne tombe pas dans le piège des schismes et il en profite pour charger Qaradhawi, le gourou idéologique et religieux des Frères Musulmans pour se blanchir des reproches sur son appartenance aux Frères Musulmans mais en même temps il utilise le procédé de la lutte idéologique : Indifférencier, banaliser. Il lui faut donc dire que les révolutions arabes sont la semence et le produit des États-Unis. Dans la foulée il se fait un plaisir cachotier de traiter les Français de stupides et il doit y avoir un règlement de compte plus personnel qu’idéologique. D’ailleurs les médias français ne lui gardent pas rancune car ils ont besoin de ses explications pour rassurer leur lectorat et leur audience.

La vérité qu’il faut dire aux Arabes est simple, sans dramatiser ni compliquer ni jouer à celui qui tenu aux secrets des dieux : L’impérialisme et tout pays occidental sont des états constitués, depuis longtemps déjà, sur le rapport de force et le rapport d’intelligence efficace ; tout est terrain à conquérir, à dominer, à vassaliser, à manipuler selon leurs intérêts. Moi j’attends de l’intellectuel occupant le devant de la scène de montrer aux élites arabes et au peuple comment se prémunir de la nuisance capitaliste et comment construire de la veille stratégique et des experts fiables pour déjouer les stratagèmes des doctrines et des disciples de Kissinger, de Zbignew Brezinsky ou de Thomas Friedman dans la contre-révolution, la contre-insurrection et la vassalisation des pays et de leurs élites politiques, culturelles et économiques. Notre drame c’est d’aller au facile c’est-à-dire constater l’évidence et dénoncer ce qui est de « bonne guerre » dans un monde construit sur le rapport de domination et de prédation pour ne pas aborder le difficile en l’occurrence comment riposter, comment résister, comment donner l’impulsion à la Sahwa pour qu’elle sème les grains du changement qui la libère de l’emprise idéologique de l’impérialisme et de l’emprise financière et économique du capitalisme et de ses institutions le FMI et la Banque mondiale. Allah n’a jamais dit à Mohamed (saws) à et à ses compagnons que leurs défaites ou leurs erreurs étaient imputables à leurs ennemis mais à eux-mêmes comme Il l’a déjà signifié à nos parents Adam et Ève depuis leur confrontation avec Satan.

Cheikh Google et la récupération

Donner crédit à Cheikh Facebook, Cheikh Twitter et Cheikh Google, la nouvelle trinité, de créer le mécontentement, de l’organiser et de le conduire vers un changement voulu par l’Occident, c’est ignorer la réalité du monde arabe et ne la voir que sous le prisme occidental. Le cyber espace, cette conciergerie planétaire, contient aussi des aspects positifs et incitateurs au changement. Ils sont comme le pamphlet écrit en papier, en papyrus ou en argile qui ne peut avoir impact que s’il y a un lien entre ce qu’Allah a appelé la Raghba, le désir, cette attraction entre le désirant et le désiré. Les désirant du changement dans le monde arabe sont plus nombreux que les Arabes fréquentant avec assiduité le Net. Le désiré depuis sa crise morale, sa défaite en Irak, en Somalie, en Palestine, au Liban, en Afghanistan, et ses mensonges n’est plus objet de désir mais objet de répulsion. Les managers du nouvel ordre mondial et leurs alliés occidentalisés du monde arabe veulent indifférencier, oblitérer l’Arabe et ses souffrances en maintenant présente dans le discours de nos intellectuels cette idée furtive, subtile et nocive que le désir de l’arabe est celui de l’Occident, le désirant arabe et le désiré occidental partagent les mêmes valeurs, la même histoire, les mêmes revendications, le même avenir. Bourdieu qui n’est pas musulman a eu le courage en analysant le drame algérien de dire la vérité que son travail de sociologue fait monter en surface : La confrontation entre deux projets de sociétés.

La Révolution arabe, même si elle n’aboutit pas encore à produire ses fruits, a cassé ce désir inculqué à ses élites en prenant la décision d’exprimer le désir des peuples arabes qui veulent la liberté, la dignité et une autre société libérée du mimétisme. Même la revendication démocratique exprimée dans les manifestations, il ne faut pas la prendre dans son acceptation occidentale. L’Occident dominant a imposé ses mots mais il n’a pas encore imposé le contenu et la culture de sa démocratie, de sa modernité, de sa laïcité. Le monde arabe en se soulevant, exprime par les mots du dominant son refus de se soumettre comme un dominé aux Maîtres du monde et à leurs vassaux. Malek Bennabi a expliqué comment Allah dans Sa Miséricorde a voulu, au-delà du paradoxe apparent, nous laisser sous-développés et mal comprenant pour ne pas être des clones de la société occidentale. Notre malheur porte le ferment de notre devenir indépendant et notre oppression porte la promesse de refonder la civilisation selon les valeurs de l’Islam. Chaque fois que les peuples arabes bougent, ils bougent sur cette direction même si le mouvement semble trop lent. Pour l’idéologue et le penseur c’est voir et anticiper l’avancée des lignes dans cette direction.

Aller donc dans le sens d’une cyber révolution et faire l’impasse sur la révolution dans les villes et les campagnes ce n’est plus faire de l’analyse mais c’est procéder à de la mystification, à de la désinformation et à de la confusion. Comme le pamphlet ou les assemblées secrètes les messages électroniques et les forums sont les outils du présent et comme ceux du passé ils préparent, accompagnent et suivent un mouvement dans sa communication mais ils ne peuvent remplacer le désir du changement lui-même qui est propre à la culture d’un peuple et à ses conditions objectives et subjectives ontologiques et sociales propres à lui. Une révolte comme un soulèvement ne s’importent pas comme une voiture, un livre ou un ordinateur. On ne transpose pas une révolution hors du cadre qui l’a enfanté, maturé et propulsé. L’intellectuel doit s’attacher à observer ce cadre, ses ferments, sa direction de mouvement et son rythme tout en veillant à voir les obstacles mis ou qui vont être mis sur la route de cette révolution pour l’avorter, la dénaturer, la retarder ou la confisquer…

Celui qui a suivi et écrit chaque semaine ou à chaque événement important sait que l’Occident est entré en jeu médiatiquement non pour aider mais pour confiner les mouvements populaires en Tunisie et en Égypte à la jeunesse et à sa capacité de maîtriser les nouvelles technologies de l’information. Il ne l’a pas fait de gaïté de cœur mais il poursuivait un objectif idéologique : Faire oublier à dessein le caractère populaire, ouvrier, paysan et intergénérationnel des manifestations. On fait oublier que même si la mobilisation initiale s’est faite sur Twitter et Facebook, son efficacité et sa dimension populaire s’est jouée sur le terrain. Le terrain en Tunisie était les zones enclavées et paupérisés dont les jeunes ont convergé vers la Casbah, le cœur de la vielle ville arabe. En sur dimensionnant l’outil des NTIC et en le focalisant sur la jeunesse instruite on a voulu faire oublier que le régime policier tunisien et égyptien comme tous les appareils sécuritaires arabes disposent de la panoplie la plus en pointe technologiquement, devançant celle des jeunes qui d’ailleurs ne sortent pas du MIT américain mais des quartiers des villes, des villages et des campagnes arabes. Le but est d’occulter la véritable lutte – la lutte de volonté – et de nier l’énergie et le réservoir d’énergie qui sous tendent une lutte : Pour quelle cause se battre et pour quelles valeurs.

Les instruments et les choses de la modernité ou de la post-modernité ne donnent pas à leurs possesseurs l’esprit et la dynamique de la modernité ou de la post-modernité qui sont avant tout les facultés cognitives et organisationnelles de s’adapter aux défis de son temps. Sur ce plan l’Occident a perdu une bataille stratégique car il a équipé et formé des systèmes sécuritaires qui se sont effondrés dans leur confrontation technologique et territoriale à la volonté populaire de changement. Citer l’employé de Google comme le cerveau de la Révolution Égyptienne c’est exprimer du mépris envers le peuple égyptien et considérer ces jeunes comme des traîtres à leur pays alors qu’ils ne sont poursuivis par aucune juridiction. Il faut être stupide pour ne pas voir le prix Nobel de la paix délivré à la jeune militante yéménite. L’Occident et Tariq Ramadan semblent oublier cette vérité hégélienne que tout philosophe étudiant la dynamique d’une révolution doit connaître : « On entend le vieil arbre qui tombe mais on ne voit pas les jeunes pousses qui montent ». La lutte idéologique sait créer des écrans de diversion, des sas de mise en sourdine, des héros, des idoles…

Ignorer cela relève d’un état morbide et accusateur qui ne sied pas à un intellectuel qui prétend à l’excellence et qui au premier test d’analyse s’effondre alors que rien n’indique que la Révolution s’est effondrée. Elle continue sa lutte et les principaux bastions de l’ancien pouvoir sont déjà tombés même s’ils ne sont tous tombés. Dans un champ de bataille et dans une organisation militaire, ce type de comportement qui sème la suspicion, la confusion et la propagande ennemie, serait considéré comme une désertion ou une intelligence avec l’ennemi.

L’imam al Khomeiny n’a pas attendu Cheikh Google pour définir avec pertinence et justesse la mission des intellectuels musulmans qui allaient conduire puis continuer l’effort révolutionnaire dirigé contre l’Amérique et dont le Shah n’était qu’un pion : « Tous ceux qui sont épris de liberté doivent, avec une vision claire et éclairante, montrer aux peuples bafoués des pays opprimés du monde musulman et du tiers monde le moyen de donner une gifle à l’impérialisme […] Vous avez le devoir par tous les moyens possibles, de rendre le peuple plus conscient, de dévoiler les multiples perfidies des appareils du Taghut et de faire connaître au monde l’Islam qui engendre la justice […] Tenez-vous sur vos propres jambes et gardez-vous de vous appuyer sur les étrangers à l’Islam […] Délivrez l’humanité de la domination injuste de cette minorité fourbe et intrigante qui, par des complots et des scandales, a étendu son injuste domination sur les habitants du monde ! » Sayed Qutb disait la même chose : « O les esclaves, libérez-vous du joug des États-Unis, de la Russie et de l’Angleterre ». Si l’intellectuel ne sait pas avec précision qui sont les acteurs, quel est l’enjeu, quel est le champ de bataille, qui est l’ennemi de qui et l’ami de qui, pour désigner Google comme l’artisan et faire oublier que ce n’est qu’un outil, il doit impérativement changer de vocation, changer de thème de sujets ou changer de moteur de recherche.

Omar Al Mokhtar, Abdelkrim al Khattabi et l’Émir Abdelkader ont-ils attendus les médias pour se soulever ? Le média ne peut créer un oppresseur ni un opprimé et encore moins la dialectique de haine mutuelle et d’opposition qui les unit jusqu’à la destruction de l’oppresseur ou la soumission et l’humiliation de l’opprimé. Le média ne peut ni créer ni organiser ni être un acteur dans la rencontre entre les conditions sociales et politiques d’une révolution et les possibilités idéologiques, morales et historiques de cette révolution. Le média peut raconter le miracle du moment mystique de l’histoire mais il ne peut être le cœur humain ni la volonté divine qui se rejoignent pour donner à l’histoire un sens mystique. Le média peut expliquer, analyser, accompagner, témoigner mais il ne peut se substituer ni à la volonté divine ni aux conditions objectives et aux possibilités objectives et subjectives qui dans leur rencontre créent la dynamique de l’oppression ou celle de la libération. Imputer à Google les soulèvements populaires et confiner ces soulèvements aux seuls jeunes c’est ignorer la réalité sociale du jeune qui combat par procuration morale pour la dignité bafouée de ses parents et qu’il voit souffrir depuis qu’il a vu le jour. C’est aussi ignorer le caractère populaire intergénérationnel de ces révolutions populaires.

Donner la paternité d’une révolution ou d’un soulèvement à Google c’est désinformer l’opinion et faire le jeu des fabricants d’opinions qui juxtaposent les mots et les images pour faire référence à l’Occident, à sa technologie et sa stratégie de communication pour tenter de récupérer une révolution arabe et menacer l’Iran. Tomber dans ce jeu c’est montrer son mépris pour les peuples arabes et être aveugle sur les retombées, inchaa Lâh, de ces révolutions, si elles aboutissent, à des conséquences sur la pensée, la géostratégie et le devenir des peuples au-delà des retombées qu’a eu la Révolution française en son temps sur l’Europe. L’Occident n’est ni le nombril du monde ni le monopole des valeurs pour que nous soyons conduit comme des troupeaux vers ce qu’il veut que nous regardions. Libérons-nous de la fascination que le doigt occidental exerce sur notre regard, et que son image exerce sur notre imaginaire vidé de notre identité et de notre culture par l’œuvre dévastatrice de ses vassaux qui ont tué en nous l’idée de liberté, de dignité, d’amour propre, d’autonomie de pensée et d’action. Le média ou l’image peut inciter à l’embrasement mais il ne peut être le combustible. Il peut trafiquer l’histoire et falsifier les images mais à ce moment là ce n’est plus un média mais une subversion et ceux qui l’ont suivi, des subversifs, des idiots utiles ou des moelles épinières.

Oublier qu’en Tunise, par exemple, la cyberdiscidence a commencé en 1998, juste après la chute du Mur de Berlin, 12 ans avant cette prétendue prise en charge par « la mobilisation non violente » des Révolutions arabes c’est un raccourci qui ne sert ni la cause arabe ni le crédit de l’intellectuel qui est totalement en marge de l’histoire du monde arabe.

Contre l’innocence créatrice, le chaos fécond

Cheikh Zendani du Yemen a qualifié de Bara’a ibda’îya (l’innocence créatrice, la pureté innovatrice, l’imagination féconde) la Révolution arabe en étant au cœur du monde arabe et en étant désigné comme l’ennemi de l’Amérique à abattre. Contre la stratégie du chaos organisateur et de la régression féconde imaginée par les laboratoires américains, les peuples arabes ont reposé la question islamique au-delà des discours traditionnels bigots, apologétiques ou polémistes. Il s’agit de se réapproprier son identité par un mot simple « Isqat an Nidham » (renversement du régime) car le sentiment existentiel sait que ce sont ces régimes qui en s’alignant sur l’Occident ou en devenant ses vassaux ont démoli son identité, son avenir et ses richesses. Les peuples arabes ont été imaginatifs, créatifs et courageux. Ils viennent d’imprimer un sens nouveau à l’histoire par leur énergie unifiée et cohérente : La quête de la liberté, la volonté de changer le cours de l’histoire, le désir d’être un nouvel être ontologique et social. Ils viennent de montrer à nos intellectuels et à nos savants que l’Islam n’a pas besoin de théoricien ni de bigots ni de rhéteurs mais de liberté pour offrir sa générosité, sa noblesse et sa créativité à l’humanité. Les peuples arabes aspirent à la liberté. Laissons-les conquérir cette liberté et vous verrez fleurir l’Islam libérateur et civilisateur. L’Occident impérial connait l’histoire du monde et ses civilisations et il fera tout pour nous empêcher d’être des hommes libres et il mettra toujours sur notre chemin des intellectuels qui vont se relayer pour nous dire vous n’avez pas besoin de liberté, vous ne saurez quoi faire de votre liberté ou vous êtes redevables à la France ou à l’Amérique ou à l’Angleterre de la liberté octroyée puis confisquée.

Il est surprenant de voir un intellectuel musulman donner crédit aux thèses de gauche et de droite, apportant la détraction idéologique et politique aux « Révoltes » arabes pour se donner bonne conscience de leur soutien aux dictateurs des peuples arabes et effacer les souffrances de la rue arabe qui sait par sa mémoire collective que l’Occident colonisateur a une partie de responsabilité dans ses malheurs et qu’il ne peut ni les soulager ni en être la solution. Celle-ci passe par une autre voie. Le rôle de l’intellectuel est d’être à l’écoute de la rue arabe et d’en être le porte parole pour lui dire je vous ai entendu et voila comment nous devons tous ensemble anticiper sur les événements et créer de la synergie pour édifier une solution viable et faisable. Il est encore plus surprenant de ne pas voir dans le discours des intellectualistes l’allusion à la contigüité historique dans l’aire de civilisation musulmane qui est derrière ces « révolutions ». N’est-ce pas que l’occupation de la Palestine en 1948 a donné lieu à la révolution égyptienne puis à la révolution algérienne en conjuguant les mêmes douleurs, le même passé, les mêmes valeurs ? N’est-ce pas que la révolution iranienne et les émeutes dans le monde arabe sont venues après les accords de camp David qui ont vu Kadhafi rompre ses liens diplomatiques avec l’Égypte comme un « fou ». N’est-ce pas étrange de voir que ces insurrections arabes sont venues après l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan et surtout après deux agressions impitoyables contre le Liban et contre Gaza ? Tariq Ramadan fait l’impasse sur ces évidences historiques et croient qu’il peut nous déposséder de notre mémoire en faisant valoir l’intelligence des autres, ceux-là mêmes qui nous agressent ?

Juste après la tragédie de Gaza et le silence complice de la Ligue arabe et de ses principaux dirigeants, j’ai écrit « Gaza : la Bataille du Forqane » dans lequel ma mémoire de colonisé qui a vaincu l’OTAN s’exprime sans détour ni faux fuyant : « La bataille du Forqane a montré le fossé qui existe entre les peuples arabes et musulmans et leurs gouvernants. Par leur silence devant le massacre de Gaza les dirigeants arabes ont perdu toute boussole et ont rompu tous les liens avec leurs peuples qui les identifient à Israël. La victoire du HAMAS est perçue autant comme une défaite d’Israël que des régimes arabes.

La rue occidentale et arabe a exprimé son rejet de la politique sioniste, son refus de continuer à reconnaître un état fantoche, sa prise de conscience de la tragédie palestinienne et son désir de mettre fin à cette tragédie. Les peuples sont de plus en plus en contradiction avec les élites politiques et intellectuels dont ils ne comprennent ni le silence ni le soutien à Israël. Les élites vont se trouver sur cette question et tant d’autres mis discrètement en quarantaine ou totalement désavoués non seulement sur la politique étrangère mais intérieure.

Enfin il y a eu trop d’énergies contradictoires, déclarées ou refoulées, en si peu de temps qu’il est impossible que l’histoire continue à se dérouler « normalement ». Gaza est un moment historique plus fort que la chute du mur de Berlin ou l’effondrement de l’URSS et plus fort que la fin de la seconde guerre mondiale. Gaza annonce des changements majeurs dans les rapports entre opprimés et oppresseurs. Les contradictions vont s’aiguiser, les luttes vont durcir, les consciences vont s’affiner et la suite ne relève que de la loi de la dialectique qui gouverne le monde. Le Prophète dans des situations semblables disait : « O crise aggrave toi ! Tu vas aboutir à une issue bénéfique ». Les choses ne peuvent pas rester en l’état. Les régimes arabes qui vont s’accrocher au statut quo actuel doivent s’attendre à un Tsunami qui va les balayer de la surface de la terre. Les élites occidentales qui vont continuer d’occulter la réalité palestinienne ne font que conjuguer la crise financière et son corollaire la crise économique avec la crise morale réveillée par la guerre contre Gaza…

Quand l’opprimé ne trouve pas de tribune ni de soutien il ne faut pas lui reprocher la radicalisation de son discours et sa nature de plus en plus subversive du fait de son confinement à une clandestinité plus fermée et plus militante faisant fi des règles diplomatiques et de la rhétorique politique. Ceux qui reprochent au HAMAS et à d’autres mouvements islamiques leurs discours qui sont à l’opposé du « politiquement correct » doivent plaindre leur propre inertie et leur propre lâcheté qui n’ont pas permis à l’opprimé ou au colonisé d’avoir une tribune pour s’exprimer… Le châtiment divin les atteindra sans doute par des catastrophes écologiques et sociales sans précédent pour les pousser à s’interpeller sur le sens de la vie et sur le devoir d’assister l’opprimé…

Nul ne peut enlever de la pensée arabe et musulmane la continuité de la guerre en Afghanistan, en Irak, au Liban et en Palestine. Nul ne peut nier le lien géostratégique entre la lutte pour le contrôle du poste frontalier Rafah en Palestine et celle du col de Khaybar en Afghanistan. C’est le même combat, les mêmes enjeux, la même stratégie que seuls les arabes et les musulmans frappés de paresse intellectuelle et de lâcheté ne veulent ni voir ni y trouver des liens… »

Les « Révolutions » arabes : Mystique ou mystification ?

J’ai écrit plus de 300 pages d’articles et de chroniques suivant pas à pas les « Révolutions » arabes et j’ai publié en début juin une lecture coranique sur le succès ou l’échec probable des mouvements arabes « Les « Révolutions » arabes : Mystique ou mystification ? ». Je ne me suis pas substitué aux peuples, je leur ai donné ce que les Musulmans invalides ou pauvres ont donné au Prophète (saws) et à ses compagnons menant leur Jihad contre le Taghut de l’oppression : les larmes et la présence par le cœur et l’esprit. Je ne me reconnais pas dans le discours de Tariq Ramadan qui d’ailleurs n’a pas besoin de ma reconnaissance pour assoir sa légitimité et sa réputation. Je ne lui refuse pas d’avoir une vue divergente, il n’y a jamais eu de tribunaux d’inquisition en Islam. Ibn Rawandi du temps du Calife al Mamoune pouvait exprimer son athéisme sans risquer sa vie la société musulmane était suffisamment forte pour ne pas craindre ce genre de philosophes et elle disposait d’homme de talents qui refutaient les détractions et les atteintes à ses valeurs. Je lui apporte tout naturellement la contradiction. Ce n’est pas seulement ma liberté dont j’en use à bon escient. C’est mon devoir d’expliquer et de clarifer à une jeunesse en quête – sur le plan intellectuel et politique – d’une idole pour combler son orphelinat, panser ses stigmatisations et se trouver des héros qui lui donnent une fierté.

Je vais donc reprendre, dans la seconde partie, quelques points de l’intervention de Tariq Ramadan et son thème de prédilection « la mobilisation non violente » qu’il a utilisé pour se vendre comme héros et occulter l’héroïsme des masses arabes que les apprentis intellectuels et les fans fascinés par le verbe ne semblent pas voir.

Omar Mazri | www.liberation-opprimes.net

Egypte, Libye, Tunisie : Tariq Ramadan et les Révolutions arabes (2/3)

Egypte, Libye, Tunisie : Tariq Ramadan et les Révolutions arabes (3/3)

Rédaction

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3 Commentaires

  1. Votre texte est important. J’avoue que moi aussi, à un moment, j’avais cédé aux sirènes multiples qui essayaient de réduire les mouvements arabes en « révolutions colorées ».

    Ce qui se passe encore en Egypte plaide le contraire…

    Je ne suis pas intellectuelle, j’ai pour seule grille de lecture mon vécu, mon intuition et Allah qui nous demande de témoigner de la Vérité…

    D’un autre côtén et cela ne peut me venir que d’Allah Qui m’a Créé, j’ai des « penchants sélectifs », je m’explique : il est des êtres qui ne me donnent pas envie de les lire bien que j’adore lire. Tarek Ramadan en fait partie.

    Dernièrement, sur Oumma.Com, il y a eu une polémique sur les Frères Musulmans, et donc Tarek en tant que fils d’un personnage de ce groupe fut évoqué et il m’est apparu alors évident, que ce Monsieur a gagné le coeur de nombre de nos jeunes parce qu’ils ont cru qu’il était comme eux victime d’injustice.
    L’Occident forge ses armes longtemps à l’avance avant de s’en servir au moment opportun.
    Il me semble, à mon humble avis, que l’une de ces armes est Tarek Ramadan qui à longtemps occupé l’espace médiatique comme « diabolisé » d’abord, comme l’homme à « abattre », ce qui a suscité une vague d’empathie chez nombre de musulmans et lui a fait gagner « ses lettres de noblesse ».

    Aujourd’hui, il joue parfaitement le rôle de l’arabe et musulman de service en propageant la pensée impérialiste.

    Pourquoi ne parle-t-il pas de la Syrie, comment, à l’instar de la Libye, le mouvement revendicatif est détourné et armé et comment s’y engouffre ceux qui sous prétexte de nous porter secours ne cherchent qu’à mieux nous dominer quand ce n’est pas nous assassiner.

    Pourquoi n’évoque-t-il pas que si demain Bachar al Assad tombe, ce sera la fin de la Syrie qui entrera dans une longue guerre civile et que le grand vainqueur sera l’entité-Israël dont le premier acquis sera al Joulan (le Golan) et TOUTE SON EAU sans compter les multiples retombées…

    Allah Iqawina, wa Yansourna 3ala 3adyana wa Yadj3al kaydahoum fi nahrihim, amine ya Rabb al 3alamine !

  2. Salam 3Alaykoum, M. Mazri

    J’ai visionné la vidéo de Tarek Ramadan. Effectivement, le monsieur est très adroit. Pour ce qui est des soulèvements, c’est juste, on ne peut parler de révolution en l’actuel état des choses.

    Il a l’art de souffler le chaud et le froid et, au passage, assassiner (Kadhafi, Gamal Abd-Nasser), mais pour ce qui est du mouvement du 6 Avril et d’Al Baradei ce n’est pas faux. Beaucoup ont écrit sur ces formations dispensés à des jeunes dont des Egyptiens.

    Son art est justement là, il sait qu’il ne s’adresse pas à un public de gogos, donc son discours est savemment construit, des vérités que beaucoup connaissent et dont il ne peut faire l’impasse, en passant, égratigner la personnalité d’hommes morts qui ne pourront jamais le contredire. Grossir le trait de la « folie » et de la « dictature » de Kadhafi largement diabolisé ainsi.
    Souffler le chaud et le froid.
    Il se garde comme vous le soulignez d’analyser ce pourquoi le peuple tunisien et ensuite égyptien se sont soulevés.
    Bien sûr, il ne peut ne pas évoquer le Bahrein et Al Qaradawi, ni que l’Arabie sans l’aval des States ne peut rien. Comme dit précedemment, il distille des vérités que s’il venait à les taire, il perdrait automatiquement la confiance de ceux qui boivent ses dires comme d’autres boivent le petit-lait.

    Bien sûr ce faisant, il jette l’opprobe sur la réalité de la révolte ne la présentant que comme « téléguidée », là il est carrément malhonnête intellectuellement.

    Et cerise sur le gâteau, il se garde, par contre de dire que « …Washington a identifié les Frères Musulmans comme alliés potentiel du Conseil militaire (n’oublions pas que l’armée égyptienne reçoit des subsides conséquentes des Etats-Unis) contre la classe ouvrière égyptienne… » d’après l’article de Patrick Martin : Les soulèvements au Moyen Orient – http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=25558

    Je vous donne un autre lien concernant l’Egypte : Au Caire transition pilotée ; Rubrique l’art de la guerre par Manlio Dinucci – http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=25788

    Pour la Tunisie des articles de Robert Bibeau qui valent d’être lus :

    http://www.centpapiers.com/le-plan-americain-de-%c2%6grand-moyen-orient%c2%bb-bat-de-l%e2%80%

    http://www.ism-France.org/analyses/le-printemps-de-tunis-article-14916

    http://www.mondialisation.cz/index.php?context=va&aid=27422

  3. J’ai oublié une chose importante, il évoque la brouille de Al Baradei avec l’oncle Sam.
    Sachant que les « jeux de rôles » sont amplement utilisés, je pense aussi que la chasse aux sorcières dont il a été victime n’est peut-être que pour mieux nous faire adhérer à son « idéologie »

    J’ai des doutes même en ce qui concerne Erdogan mais là est un autre sujet…
    Salam

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