Du sommet d'Annapolis au CNT algéro libyen
Les Arabes, comme de vulgaires marchands de tapis d'écailles vernis, y sont allés pour faire acte de présence exotique. Ayant bouffé depuis longtemps leur acte de naissance, ils n'ont même pas gagné un repas gratis dans un resto de méchoui de mérou en contrepartie des milliards de pétro-dollars qu’ils sont sommés d'investir dans le souk du business de Tel-Aviv et laisser les Gazoui, ces néogazés continuer seuls à dire non au génocide et au déni de reconnaissance de leur victoire démocratique contre le Fatah qui n'a d'ouverture que les concessions gratuites qu'il fait pour jouir comme tous les autres régimes arabes d'un strapontin de vassal dans le jeu des grandes puissances.
Au-delà des questions de frontières de l’entité sioniste, de la capitale du futur Etat palestinien, du statut des réfugiés palestiniens, la manœuvre semble plutôt diriger pour faire oublier l’agression contre le Liban que le Hezbollah a réussi à maîtriser. La manœuvre semble sans doute aussi de liquider la question palestinienne en liquidant le HAMAS et les autres factions de la résistance. La manœuvre semble indiquer une feuille de route que l’Administration américaine envoie au reste du monde : le remaniement du monde arabe est une constante de la politique étrangère américaine avec cette fois les Arabes eux-mêmes qui sont invités à un grand festin qui n’est en réalité qu’un grand repas funèbre qu’ils paient de leur poche, qu’ils exécutent de leurs mains et qu’ils vendent dans le souk des esprits médiocres fascinés par des années de régression dans le discours politique et religieux qui leur fait voir la fin de leur misère dans un événement eschatologique ou dans l’attente d’un Messie même si ce Messie serait l’Amérique impériale, le sionisme ou l’OTAN.
Pour les fascinés comme pour les sans solution, la cause importe peu, elle est confuse dans leurs esprits somnolents. Ce qui importe est le festin et peu importe l’hôte qui convie et le prix à payer puisque la facture finale sera payée par les peuples arabes.
La cuisine c’est l’art d’accommoder les restes et de faire des liaisons. Avant d’être convié au festin d’Annapolis et aux autres festins qui se profilent à l’horizon culinaire, il faut d’abord une recette gastronomique dont nous allons donner quelques ingrédients et quelques techniques de cuisson concoctées dans les chaudrons de l’impérialisme :
Après l’interruption du processus électoral en janvier 1992, une fièvre « mystique » s’est emparée de la classe politique algérienne. Il fallait non plus développer sur le plan social et industriel l’Algérie, ni la sauver de la peste ou du choléra des islamistes, mais de la jeter corps et âme dans les confréries enjolivées dans le vêtement traditionnel des régions algériennes. Vêtement qui ne traduit plus comme d’antan la fierté de l'arabité et de l'islamité mais les vestiges d'une ruralité de plus en plus féconde dans un paysage algérien de plus en plus folklorique et de plus en plus métropolitain par son patchwork de Calculta, de Peshawar, de Mekka, de Paris, de n'importe où pourvu que ça exprime une fragmentation sociale dispersée. Il faut effacer la défaite électorale en ouvrant de nouveau les bordels, les bars, les comptoirs de la rente nationale aux appétits des loups et des renards de la rive latine, atlantique et de la Berbérie de Massinissa, petit copain de Scipion l’Africain.
On a fait de nouveau appel aux souks de la baraka et à la fierté du Burnous qui n’est plus vu pour les circonstances comme un symbole de la décadence de l’algérianité arabo-musulmane par les chantres de la démocratie et de la modernité. Sid Ahmed Ghozali et Bouteflika se sont avérés des experts en Tmarbites : ruraliser et maraboutiser l’Algérie au sens où l’entend l’Administration américaine et comme l’avait compris Ibn Khaldoun, cet homme qui est venu trop tôt ou trot tard pour expliquer la régression du monde musulman.
Le temps a passé entre décennie rouge et amnésie d’ivrognes insomniaques, et le temps a très peu changé dans la langue de bois, et dans les mentalités rétrogrades qui font commerce dans le souk de la « Boulitique » déserté par les algériens saoulés de promesses non tenues et des défis impossibles.
Le pire pour les algériens est de rester sur place. Le meilleur est de décamper pour vivre ailleurs comme un « exfiltré » sans droit, sans papiers, sans envie de retour, sans envie de rester.
L’Occident chimère, pays de nulle part, rêve brisé, fausse perspective pour ne pas sombrer dans la folie des asiles sans médecins et sans médicaments ou dans celle des tribuns mystico pyromanes, s’est lui aussi converti dans la fièvre « mystique des algériens » et cultive dans les esprits des élites musulmanes le culte du marabout pour humilier l’idée. Ils connaissent notre psychologie dans ses profondeurs au point de savoir sur quelle fibre jouer pour nous faire nager dans la béatitude de l’hypocrisie, de la paresse et de la fausse monnaie intellectuelle et politique.
Chez nous la civilisation a du retard, on trouve de vielles filles blondoyasses qui ne peuvent cacher ni leur tuberculose , ni leur dégoût de l’Homme en plein centre d’Alger prés du boulevard martyrisé qui fait face aux bateaux dont personne ne sait s’ils sont en partance ou en provenance du souk de la Baraka, mais qui savent colporter la bonne nouvelle : la fin d’une campagne ici et le début d’une autre là-bas, se ressemblent comme les commerçants du souk de la Baraka et à son jeu « du sauve qui peut social » ou a celui d'un combat sans nom et sans gloire « qui gagne perd ».
C’est une cuisine infecte, mais la lutte idéologique menée par le néocolonialisme la rend succulente pour les esprit formatés en mémoire volatile comme celle d’un poisson rouge dans un bocal.
Nous sommes en 2012, depuis Annapolis il y a eu l’opération Hanouka contre Forqane sous le nom de code « Plomb durci » contre Gaza, la montée en puissance de la Turquie et du Qatar dans le monde arabe, l’opération Odyssée en Libye qui s’est soldée par le lynchage en direct du guide par des « islamistes » portant l’étendard de la confusion. Les « islamistes » un peu partout dans le monde font allégeance à l’Amérique en allant courber l’échine pour recevoir la Baraka de Qaradhawi et du CNT libyen. L’islam n’est plus la lutte de l’opprimé contre l’oppresseur, le triomphe de la vérité sur le mensonge, la libération de l’homme du Taghut et de Satan, mais une rhétorique bavarde et niaise qui fait sonner midi à quatorze heures, qui présente l’agresseur comme le Messie sauveur, et qui s’en fout du peuple comme un poisson dans la soupe s’en fout à quelle sauce il va être mangé : pourvu qu’il y ait le pouvoir, tant qu’il y a l’OTAN, pourvu qu’il y ait l’ivresse tant qu’il y a la Baraka.
Nous avons dédaigné les Bénédictions provenant d’Allah et nous avons toléré une agression pour parvenir au pouvoir alors il est normal que les peuples ne puissent ni voir le projet de Dawla islamiya ni de liberté, ni de dignité mais celui des arrangements d’appareils pour partager la rente du pétrole et rentrer dans l’esprit d’Annapolis : détruire le monde arabe par les Arabes.
La Baraka semble toucher les laïcs éradicateurs et « progressistes » qui semblent maintenant vouloir s’accommoder d’un vivre ensemble avec les « islamistes » et qui insultent en présentant comme agent du DRS ou agent sioniste ou Harki celui qui parle encore de lutte anti impérialiste, de résistance nationale à l’ingérence étrangère. Pour avoir la même Baraka il faut avoir le nez dans la soupe de poissons pourris et se contenter d’être un fonctionnaire de l’opposition : passer vingt ans à insulter un régime et puis s’embarquer vers un port chimérique dans un filet de l’OTAN sans tenir compte de la loi divine:
{Allah ne Change point une Grâce dont Il a Gratifié des gens, jusqu’à ce qu’ils changent ce qui est en eux-mêmes} Al Anfal – v53
C’est le résultat logique de la médiocrité du MSP, du RND et du FLN. C’est le résultat illogique en apparence formelle, mais logique en contenu de politique étrangère américaine : interdire l’arrivée des islamistes en 1992 et les tolérer en 2012. Il faut lire la recette préparée depuis vingt ans ou peut être déjà préparée avant l’indépendance par l’impérialisme et bien entendu connaître ses ingrédients, ses instruments et le voir à l’œuvre. C’est la même cuisine, il n’y a que le décor qui change car il s’adapte. Ce qui est par contre illogique c’est de voir la victime algérienne s’adapter au décor et à la recette de Satan et ne pas voir en lui le commanditaire qui a poussé les mains de certains Algériens à devenir ses couteaux et ses hachoirs pour assassiner le peuple algérien et le spolier de ses richesses, de sa dignité et de son devoir de Khalifat de Dieu sur son territoire national.
Al Islah qui ne se donne pas les moyens d’action de Dhoul Qarnayn reste sans aboutissement. Malek Bennabi a eu l’intelligence de le voir et le courage de le dire. En cela il est dans l’amour de Dieu et de l’homme plus que tout "mystique" ; sinon comment expliquer qu’il soit oublié alors que les autres sont médiatisés. La liberté fait peur. Je vous confie Malek Bennabi, toujours d’actualité, vous verrez que nous sommes en train de bafouer l’esprit et la lettre du Coran. Il nous raconte que rien n’a changé dans les mentalités de « l’islam servile » et de « l’islam maraboutique » qui veulent faire de l’Algérie un hyper marché de Baraka où vont se partager les « islamistes tolérés» et les bureaucrates franco américains la rente du souk de la loterie politique et du baccara idéologique.
Omar Mazri
Malek Bennabi : LE SOUK DE LA BARAKA
Sur la route de Miliana au lieu dit Boumedfaâ, se tient un souk qui fait florées les sept jours de la semaine.
Il ne s’y trouve ni gargotes, ni tentes sous lesquelles les marchands d’épices installent leur éventail en plein air dans les souks ordinaires qui attirent leur chalande pittoresque une fois par semaine.
Non, il n’y a sur la route à cet endroit, qu’une palissade de roseaux derrière laquelle on aperçoit ce genre d’habitation campagnarde, composée d’une ou de deux pièces, qu’on appelle nouwala.
Seulement, devant la palissade, il y a une file de véhicules de toutes sortes.
Le vieil ami qui m’en fait la narration après sa visite au lieu dit, voilà une dizaine de jours, en dénombrait ce jour-là, une trentaine de cars et environ cent cinquante voitures privées ou de louage.
C’est très important, comme vous voyez.
Ces voitures amènent une clientèle de malades, de tous sexes et de tous âges, qui avec des béquilles, qui porté par ses parents à bras ou sur une civière.
Tous viennent chercher la guérison. Celui qui la donne se nomme Cheikh Lakhdar. Il est jeune et correctement mis dans sa kachabia.
On le voit commencer son travail de bonne heure, presque au lever du soleil. Et on le voit repartir vers les quatre heures dans une voiture automobile conduite par un chauffeur.
Il y a du zèle et du style comme on le voit.
Au demeurant, le "cheikh" n’a pas le mauvais goût de tarifier la baraka : on lui met dans le creux de la main ce qu’on veut. Mais le total semble important.
Mon ami, qui a observé la scène avec l’esprit d’un vieux militant islahiste, fidèle à l’époque de Ben Badis, en même temps qu’en commerçant avisé dans l’évaluation des choses, avait estimé la rentrée de ce jour là .à plus de cinq cent mille centimes.
Donc, tout en n’étant pas exigeant, le Cheikh Lakhdar gagne infini ment plus qu’un toubib, docteur en médecine.
Au fait, ce n’est pas le problème du rebouteux qui m’intéresse ici.
L’exploitation de la maladie par des charlatans fait partie de toutes les époques ; elle est identique dans tous les pays.
Ce problème intéresserait plutôt le corps médical ou le ministère de la santé.
Ce qui peut attirer l’attention du sociologue, c’est l’autre aspect qui inspira précisément jadis à Zola son fameux roman sur Lourdes.
J’en parle d’ailleurs à mon aise. Dans un de mes précédents articles sur Ben Badis le mystique, j’avais d’ailleurs montré que je ne nourrissais ni préjugés, ni animosité contre des convictions ou des attitudes qui me paraissent fort honorables.
Au surplus – je saisis l’occasion de le dire ici – si j’ai pu surprendre quelqu’un dans mon article, je dois l’assurer que je n’ai pas trahi l’histoire personnelle du fondateur de l’Islah algérien, qui a lui-même, dans une correspondance remontant à 1925, parfaitement éclairé sa position à l’endroit de la pensée mystique authentique, celle d’un Djouneyd par exemple.
Pas plus que je ne trahis aujourd’hui mes sentiments à l’égard d’une belle œuvre d’éducation islamique comme celle que poursuit une zaouïa d’El Hamel par exemple, dans une conjoncture où le pays doit retrouver le sens de ses valeurs morales et spirituelles.
Mais l’affaire du charlatan en question, n’est ni une mosquée, ni une zaouia. L’exemple du Cheikh Lakhdar n’est d’ailleurs qu’un simple cas, alors qu’on est en présence, semble-t-il, d’un phénomène social qu’on rencontre un peu partout sur toute l’étendue du territoire national.
A Annaba, c’est une Lalla Khadra – on est toujours dans les couleurs du Paradis – qui distribue la baraka quotidienne à des gens qui viennent la chercher sous son toit, en offrant pour cela des zerdas (orgiasmes pantagruélique spécifiques aux peuples affamés et nourris à la valeur spirituelle de l’hospitalité légendaire) propitiatoires.
A Souk Ahras, un autre marchand de miracle retire aux anciens moudjahidine des halles reçues au maquis.
Mais si le moudjahid, qui a vu la balle retirée de sa peau "sous ses yeux" ; a la malencontreuse idée de consulter par la suite un médecin radiologue, eh bien… il retrouvera sa balle gentiment logée au même endroit.
C’est sa punition… a-t-on idée de soumettre la baraka à la vérification des rayons X ?
C’est un peu partout que prospère ce lucratif commerce. Sans parler de cette voyante de Blida qui révèle aux "gens bien" qui vont la voir, les choses "étonnantes" qu’elle voit à travers un œuf.
Mais revenons à Boumedfaâ. C’est là notre centre d’intérêt.
Je laisse de côté, je répète, l’aspect qui intéresse le corps médical ou le ministère de la santé.
Le souk de Boumedfaâ ne m’intéresse que par ce qu’il offre au regard des signes d’une évolution psychologique et sociale très significative.
En effet, si nous nous plaçons dans une optique rétrospective embrassant la période comprise entre l’année 1930, sensiblement celle de la fondation de l’action islahiste, et 1954, celle du commencement de l’action armée, l’histoire de ce pays est un processus ascendant.
Ce sont toutes les énergies morales et politiques, toutes les aspirations, toutes les tensions accumulées durant cette période qui permettront au pays de franchir le cap décisif de son histoire, de s’engager dans sa révolution qui sera précisément une culmination de cette évolution préparatoire.
Le capital révolutionnaire, la veille du 1er Novembre 1954, était essentiellement le fruit de cette évolution dans laquelle l’action islahiste avait joué un rôle primordial.
Si après la révolution nous constatons dans certaines situations des renversements de vapeur, nous noterons par contre la dissipation correspondante d’un certain capital révolutionnaire. Et je m’empresse de dire que ce n’est pas seulement dans un souk comme celui de Boumedfaâ qu’on constate cette dissipation. Ce n’est que par esprit de simplification d’un problème complexe que je fixe l’attention sur un de ses aspects qui révèle des symptômes de régression mettant en cause le principal objectif d’une révolution.
Dans un article, j’ai essayé de montrer que cet objectif consiste essentiellement à "changer l’homme".
J’ajouterai ici que ce changement n’a de signification révolutionnaire que dans le sens du progrès.
Sinon, c’est une régression, un pas en arrière par rapport à la marche d’une révolution.
Or, la situation offerte à Boumedfaâ, nous donne à mesurer l’inconséquence du mouvement islahiste qui a abandonné ses positions de combat au moment même où les thèmes de l’Islah prennent toute leur importance dans un pays qui fait face actuellement à d’incroyables défis.
Le Cheikh Lakhdar n’est qu’un simple symptôme qui donne à peu près la mesure d’une déplorable régression.
Au plus, nous demanderions-nous, où lui a-t-on octroyé une licence pour mener son activité insolite ?
On dit que c’est à El-Asnam ; mais surtout, on est en droit de se demander qui rabat les trente cars et les cent cinquante voitures qui viennent de tous les coins du pays stationner devant sa nouwala ?
La baraka ne se propage pas toute seule aux quatre points cardinaux. Qui a porté jusque là sa renommée ?
Ceux de ma génération me comprennent quand je pose ces questions.
Il y a vingt années seulement, les "khouan" (les frères) qui allaient tous les ans à la Zerda (gloutonnerie festive) du marabout un tel, payaient demi-tarif dans les trains. Et parmi eux, il y avait même des colons "touchés" bien entendu par la grâce.
Mais au moins, on savait alors qui était le metteur en scène.
Malek Benabi – Révolution africaine 27 mai 1967