Comme annoncé avant le premier tour des élections présidentielles nous entamons une table ronde sur l'islamophobie ce dimanche 13 mai 2012 dans un haut lieu historique et social de l’émigration algérienne, de ses souffrances et de ses stigmatisations qui perdurent 60 ans après la fin des « hostilités ». Ouverte au public cette table ronde devrait aboutir à la création de groupes de réflexions ad hoc non partisans et hors des arrangements classiques d'appareils. Il s’agit de réfléchir à la possibilité réelle et à la promotion authentique d’un un vivre ensemble apaisé, responsable dans lequel la communauté musulmane exerce ses devoirs et revendique ses droits sans complexe, ni vassalisation, ni repli identitaire, ni bouc émissaire, ni concession au sionisme et à l'impérialisme, ni négation ou abandon des fondamentaux de l'Islam. Bien avant le lancement de la campagne présidentielle nous avons pris acte des enjeux, des clivages, des manipulations et symboliquement nous prenons l’initiative de reposer la question de l’intégration, du rapport à l’Islam ou à l’étranger loin des appareils et des officiels car vivre ensemble ne se décrète pas ni ne s’impose par des lois ni ne se dessine par un jeu de bougnouls en quête de reconnaissance ou par un jeu de pervers en quête de victimes. Le droit à la différence est partie indivisible du droit à l’égalité, à la justice et à la dignité. Ce droit se vit au quotidien, dans les cités, le travail, l’université, l’espace publique et l’esprit de la Res publica (chose publique) où les gens mettent en commun, en unité, à l’unisson, en communauté, en ensemble cohérent ce qui les unit et les renforce sans gommer la loi universelle de la pluralité et de la diversité.
Au-delà du bavardage traditionnel sur l’intégration, la laïcité et sur l’Islam nous avons la conviction qu’ il y a une dynamique idéologique, sociale, politique à mettre en œuvre pour affronter les maux au delà de l'enfermement des mots et des syllogismes fallacieux : musulmans français, français musulmans, musulmans de France, Musulmans en France, Islam et démocratie, Islam dans la démocratie, allogènes et indigènes, et autres dérives ou oppositions sémantiques falsificatrices, réductrices et négatrices qui ouvrent la porte aux impostures et aux imposteurs de tous bords qui participent à la fabrication de l'Islamophobie.
L’islamophobie n’est pas une pathologie psychosociale, une phobie de psychopathe qui se sent étouffé par la proximité de Musulmans conquérants ou agressifs, mais c’est une véritable guerre idéologique, médiatique, psychologique, culturelle s'ajoutant au droit d'ingérence humanitaire, au droit de guerre préventive pour assoir la domination et l'exploitation du sionisme et de l’impérialisme au détriment des Musulmans et des Hommes rebelles au nouvel ordre impérial. Le Français doit prendre conscience que derrière les attaques visant l’autre on cultive en lui la peur et la soumission à un ordre qui le prive de ses libertés comme il prive les autres peuples de leurs richesses et de leur droit au développement et à la dignité. L’Islamophobie – s’appuyant sur les préjugés historiques, les contentieux de la colonisation , les stéréotypes, la stratégie du choc émotionnel, les replis identitaires en période de crise économique ou politique qui provoquent la répulsion des cultures et le rejet de l’autre – est l’art satanique de fabriquer de la méfiance des non musulmans envers les Musulmans et de la défiance entre les Musulmans en jouant sur les facteurs endogènes, en l’occurrence les facteurs qui ont mené le monde musulman à être colonisable par le Wahn (faiblesse et insignifiance) qu’il a hérité de la décadence musulmane, et en jouant sur les facteurs exogènes, en l’occurrence les facteurs de prédation du colonialisme qui ne laissent aucun espace de liberté au Musulman pour se libérer et se reconstruire et ainsi ils le maintiennent dans l’état d’esprit du colonisé, dans la posture de l’auxiliaire de la colonisation, dans la reproduction de la colonialité et dans le maintien des comportements qui poussent à la fragmentation et à la marginalisation hors de l’histoire du monde et de la conscience de l’universel.
Ce n’est pas la posture victimaire contre l’islamophobie qui va libérer le musulman ou lui donner sa place honorable dans le monde en attendant de jouer son véritable rôle de libérateur civilisateur, mais l’identification et l’éradication des facteurs endogènes et exogènes qui ont prise sur la formation de sa personnalité, la configuration de ses actions et la trajectoire de son devenir. Ce n’est pas la posture d’indignation ou de dénonciation de l’islamophobie qui va donner du sens au non musulman écœuré par la manipulation du musulman dans le processus de destruction des libertés individuelles et publiques de tout le monde, ici et ailleurs. Sans une voie d’effort sur lui-même l’humain va se porter préjudice et handicaper le devenir des nouvelles générations en les confinant dans une schizophrénie culturelle ou dans un autisme religieux : ils doivent s’ouvrir les uns aux autres et s’impliquer dans un partenariat avec les femmes et les hommes d’autres confessions, d’autres convictions et qui souffrent de la même exclusion, de la même marginalisation, de la même impuissance. Au-delà du changement proclamé par les officiels le véritable changement se pratique à la base là où les gens se côtoient pour partager un morceau de pain ou débattre d’une idée. Il y a urgence à travailler de concert pour un changement salutaire pour tous selon la formule partenariale qui refuse l’exclusive et l’exclusion : « aidez-moi à vous aider ».
Après le crédo du monothéisme les fondamentaux de l’Islam sont le réalisme, la dynamique et la globalité. Ces fondamentaux, bien compris, doivent nous donner une nouvelle grille de lecture du monde et de la France plus adapté mais aussi plus complexe. Les jugements de valeur, les polémiques, les apologies sont suicidaires en ces temps de crise où les irresponsables, les revanchards et les haineux poussent à la confrontation au lieu de trouver des solutions sur le plan éducatif, social, économique, foncier pour créer et partager les richesses d’une manière transparente et équitable sinon donner à chacun la liberté d’entreprendre sans le contraindre à vivre dans l’assistanat dans une posture qui n’inspire pas dans le regard de l’autre de la compassion et du respect et qui n’inspire pas dans son propre regard autre que l’envie du frustré ou la haine et le désespoir de l’abandonné.
En quelques heures de rencontre nous n’avons ni le temps ni la compétence de détricoter et de trouver tous les fils pour tricoter de nouveau l’histoire et le tissus social, politique et économique. Nous avons par contre le devoir d’exprimer une conscience lucide et saine et une compétence à faire un appel aux bonnes volontés à se questionner sur les ratages mais aussi sur les possibilités non explorées même si la crise dans sa dimension comptable semble exclure toute solution crédible.
Musulman j’ai la culture de l’espérance et de la bonne augure et je me réjouis à l’avance eu égard à la qualité et la à diversité des intervenants qui ont confirmé leur désir de participer à la table ronde sur l’Islamophobie. Leur niveau intellectuel, leur engagement politique, leur qualité d’écriture et de réflexion témoignent de la complexité des facteurs et des enjeux ainsi que de la volonté plurielle à travailler ensemble sur des dénominateurs communs mais aussi à trouver un clivage idéologique plus humaniste qu’hélas les pseudos partisans de l’Islam comme les partisans de la laïcité, ici ou ailleurs ont oublié. La réalité du monde nous démontre pourtant que ce clivage est réel, car on assiste un peu partout dans le monde des majorités se former comme alliance de fait au sionisme et à l’impérialisme dans lesquelles on trouve des islamistes, des libéraux, des progressistes, des nationalistes, des conservateurs. Le même réalisme nous fait voir des minorités qui ont la même diversité de sensibilité idéologique et religieuse mais avec la même perception des ennemis de l’humanité. Leur faiblesse est dans leur incapacité à trouver la ligne de clivage pour créer un front de résistance.
Le fort potentiel du présentiel qui sera à Nanterre aura une valeur symbolique mais aussi pédagogique même si le grand nombre d'intervenants pénalise le temps de parole à des femmes et des hommes d'expérience qui ont sans doute de grandes propositions et de grandes interrogations. Qu'Allah bénisse nos efforts et les mette au service de Ses créatures :
{Agissez! Allah verra vos œuvres ainsi que Son Prophète et les Croyants}.
Omar Mazri