Sur un bateau avec Tariq Ramadan, à travers un diner, le Collectif Contre l'Islamophobie en France (CCIF) transforme la lutte contre l'islamophobie en spectacle pour plaisanciers dans les pures traditions de l'Union des Organisation Islamiques de France (UOIF) : http://www.islamophobie.net/
On retrouve bien sûr quelques éléments du réseau islamique sans ancrage social, mais à fort tapage médiatique. On retrouve les contradictions des notables de l'Islam en France. Sur la Seine, est-ce-que vraiment tout n'est qu'artifice de communication? N'y aurait-il pas de présence dans cette assemblée d'honorables personnes se consacrant corps et âmes à leur religion et à leur communauté avec amour et dévouement selon le principe coranique :
{Nous vous nourrissons pour l'amour d'Allah}
Ce serait de l'Islam-folie et non lutte contre l'Islamophobie ! Nous sommes dans le devoir de poser des questions si nous voulons nous libérer de la culture du consentement factice et indolent.
Sommes-nous toujours dans la pure tradition d'un islam qui veut des moratoires (Fatwas républicaines) contre la la lapidation et la polygamie mais qui devient complaisant lorsque l'OTAN bombarde la Libye et se prépare à bombarder la Syrie et sans doute plus tard l'Algérie et l'Iran pour éradiquer toute reminenscence de résistance et installer l'Islam spécialiste de la rhétorique fermé à l'esprit critique mais ouvert aux anglos saxons dans la pure tradition des bédouins de l'Arabiue saoudite et du Qatar?
Depuis le 11 septembre 2001, plus de dix millions de Musulmans ont été occirés au nom de la Justice implacable alors que nos intelligences cherchent un bouc émissaire au lieu de construire un programme de résistance contre le mensonge et le sionisme.
Sommes-nous dans l'institutionnalisation de l'autosatisfaction réalisée par de gros moyens financiers et dans l'art de coopter ceux et celles qui sont en quête de considération à travers des shows à l'américaine, mais qui face à des compétences lourdes de sens osent leur couper la parole pour revendiquer leur temps de parole alors que l'humilité, la sagesse et l'intelligence du Moujahid et du Moujtahid exigent d'écouter l'intelligence, l'expérience avérée par des années de Jihad sans concessions. Des aînés qui ne veulent que transmettre leur expérience et leur vérité à des jeunes qui auraient dû avoir la patience d'écouter et avoir l'intelligence de céder leur temps de parole. Ils auraient pris option pour un investissement qu'il leur appartenait par la suite de mettre en application puis de réinvestir par du savoir enrichi par un retour d'expérience qui ne s'apprend ni dans une université, ni dans une association ni en quelques mois et encore moins en un instant sur une péniche.
La réalité du mouvement associatif et des mouvements politiques est connue, bien décriptée en France autant dans son instrumentalisation que dans son formatage des esprits. Il était attendu que le Musulman ayant compris les enjeux cachés de l'Islamophobie se libère de cette réalité et construise une nouvelle ingénierie car il est comptable devant Allah, il est responsable d'une communauté qu'on implique dans le communautarisme pour reproduire la politique de l'indigénat que les "indigènes" formatés à l'anglo saxonne ou à la française n'arrive toujours pas à comprendre. Si les Musulmans veulent exercer leur vocation coranique de témoins auprès des hommes, ils doivent se libérer du ghetto communautaire surtout qu'il a prouvé ses échecs partout dans le monde. Ce qu'on nous montre en Angleterre n'est qu'une illusion qu'on veut importer en France sous forme de discrimination positive. Aux Etats-Unis et en Angleterre, les communautés sont sous le contrôle des gourous, lesquels travaillent pour les services de Sa Majesté en oeuvre sur l'ensemble de la planète mise sous contrôle de la City et de ses laboratoires qui parviennent à intégrer des figures mususlmanes pour se donner du crédit et de l'audience.
La lecture du texte de cette manifestation festive sur l'Islamophobie et le visionnage de la vidéo montrent incidemment qu'il y a une floraison de contre sens qui s'emboitent les uns après les autres pour monter une forêt artificielle comme les ilots de Dubaï et de Doha. La cerise sur le gâteau c'est lorsque le comité des festivités islamiques met en évidence l'aide apportée aux victimes de l'Islamophobie alors que l'Islamophobie nous a mis dans une posture victimaire que nous devons pourtant refuser, car l'Islam, par ses textes et sa praxis, refuse le syndrome de victimisation. Toute démarche victimaire et toute idéologie qui veut inscrire la victimisation comme instrument politique ou comme soumission au réel n’est pas conforme à l’Islam qui refuse l’humiliation, la servilité, la perfidie et la bassesse :
{Ne perdez donc pas courage, ne vous affligez point alors que vous êtes les supérieurs, si vous êtes croyants. Si une blessure vous atteint, les autres gens furent sûrement atteints d’une blessure pareille. Et ces jours, Nous les Alternons parmi les hommes, afin qu’Allah Voit ceux qui sont devenus croyants, qu’Il Prenne des témoins d’entre vous – Allah n’Aime point les injustes – et pour qu’Il Purifie ceux qui devinrent croyants, et qu’Il Anéantisse les mécréants. Ou bien pensiez-vous entrer au Paradis sans qu’Allah ne Voie ceux qui ont lutté d’entre vous et sans Voir les persévérants ?} – S3 – V139 à 142
Allah (swt) étant Omniscient, Omni-voyant et Omni-oyant, le verbe voir dans ce verset signifie que les actes seront rendus dans le futur, visibles, lisibles, expression de témoignage et inscription dans la mémoire collective comme une vérité qui se cristallise au moment du dénouement de la crise comme il est dit dans la sourate Youssef lors de la rencontre d’un Prophète vertueux offrant les possibilités de civilisation avec un roi juste offrant les conditions de la civilisation : { Al àna hasshassa al Haqq }. Les plus « chanceux » seront visibles par leur proximité des Prophètes sous l'ombre d'Allah, car ils auront mérité le statut de martyr, ce témoignage de sang. La visibilité au sens coranique va dépendre de la pertinence, de l'opportunité, de la cohérence, de l'efficacité, de l'utilité sociale, de l'épreuve subie, de la licéité de nos actes et de notre sincérité et vertu lors de leur intention et de leur exécution. Cela est nécessaire, mais non suffisant, car c'est le dessein d'Allah qui va fixer leur terme, la durée, l'étendue et l'intensité de leur visibilité, de leur effet et de leur enchainement avec d'autres causes. Ceci rend la notion de réussite et de succès relative, voire insignifiante, par rapport au vouloir d'Allah. Je prends, à titre pédagogique les énoncés coraniques relatifs au Falah où ma traduction et celle de Zeineb Abdelaziz sont en concordance : il ne s'agit pas de confiner le Falah au succès mondain ni à la réussite sociale, mais à la culture. C'est la bénédiction qu'Allah accorde à tous nos travaux qui deviennent des cultures de vertu, de beauté, de sincérité, de foi, de miséricorde, de dignité, de prospérité, d'intelligence, de sens, de bien, de maitrise sur le territoire, de production d'idées, de liberté, de satiété, d'humilité, de spiritualité et de tout ce qui est inestimable dans l'échelle de l'existence, car il sort de la mesure mondaine et de la norme sociale. Voici par exemple ce verset où le Falah a ce sens de culture :
{ Prenez garde donc à Allah autant que vous pouvez, écoutez, obéissez et dépensez, cela est meilleur pour vous-mêmes. Et quiconque se prémunit contre sa propre avarice, ceux-là alors sont ceux qui cultivent. } At Taghabun – v11
S'élever d'un cran dans le rang spirituel, dans l'amour d'Allah et dans le respect imposé aux autres qui ne se réalisent que comme signe d'agrément d'Allah et non comme manifestation tangible matérielle est le meilleur des Falah, car il offre le salut final :
{ Ni peur pour eux et ils ne seront point chagrinés }
L'Islamophobie bien comprise devrait nous permettre donc de refuser toute démarche victimaire, car d'une part nous sommes supérieurs par cette culture du Falah et d'autre part, car paradoxalement nous avons déjà trahi la culture du Falah et par conséquent les buts de l'Islamophobie sont partiellement déjà atteints. En effet, nous ne méritons au regard des autres ni pitié ni compassion, car leur stratégie est de dramatiser notre misère et de ridiculiser notre festif pour nous placer comme des bourreaux terroristes ou des idiots utiles relayant les Pygmalion qu'elle a façonnés et les prescriptions qu'elle a données. La majorité des notables musulmans à un moment ou à un autre de leur « militantisme » ont été les idiots relais de l'Islamophobie en s'alignant pas sur l'axe des « islamo otanesques » qui démembrent le monde musulman. Nous vivons en méfiance au regard des autres et en défiance dans le regard que nous portons sur nous-mêmes et nos ennemis ont les moyens de nous terroriser et de nous fragmenter sans que nous ne remontions aux sources de nos malheurs : les causes endogènes qui fabriquent le Wahn et l'inconséquence. Pour l'instant, nous n'entendons que de rares voix exprimer leur crainte, leur critique, le reste est toujours dans la béatitude du néant qui affiche son contentement sans examen de conscience, sans bilan d'action. La dissimulation qui est le socle de la victimisation n'est pas un attribut de la personnalité musulmane qui a pour vocation :
{Dites la vérité émanant de votre Seigneur}
Bien entendu, c'est un devoir pour tous d'éclairer les authentiques combats contre l'Islamophobie s'inscrivant dans la défense de l'Islam alors que pour d'autres il s'inscrit dans leur confort bourgeois et leur système de rente et de star. Entre une péniche sur Scène et une salle municipale à Nanterre, nous restons à proximité des pauvres, mais généreux qui ont produit des idées et qui ont raclé leur fond de tiroir pour s'offrir un repas dans la simplicité. Notre symbole est fort : nous nous sommes réunis dans un haut lieu de l'émigration algérienne et de la persécution des militants de la libération de l'Algérie. La décolonisation des esprits et des territoires n'est pas achevée. Comme le dit si bien le sémiologue Umberto Eco l'auteur du best-seller « le Nom de la rose » : l'image est destinée à être provocation à la réflexion et non une invitation à l'hypnose.
À Nanterre, nous avons produit de la pédagogie avec et pour le public des exclus en quête de devenir à qui nous avons offert un plateau d'« experts » pour le laisser juger de leur efficacité individuelle et collective. À Nanterre, nous ne sommes pas un collectif sponsorisé, mais une culture de questionnement et de dévoilement à l'image de l'enseignement prophétique. Nous ne pouvions être dans l'étalement du « franc succès », mais dans le constat de l'échec, car nos exigences ainsi que notre lucidité sur la situation sont un don qu'Allah nous a accordé pour aiguiser notre vigilance et nous libérer des mondanités. Le festif mis en relief depuis déjà des années a montré ses limites et son infantilisme quand on examine les retombées politiques du salon du Bourget qui réunit cent mille personnes sans arriver à ce jour à aiguiser leur conscience ni à les mobiliser sur une praxis politique.
Les plaisanciers de la scène ont affiché un constat de franc succès, nous devons nous en réjouir si tel est le cas. Si tel est le cas, je viendrais sur ces mêmes colonnes leur apporter mon allégeance et mes félicitations. Je viendrais en toute humilité présenter mes excuses pour cette façon sans élégance de porter en dérision un effort collectif qui a mis fin à la culture de l'echec, de la diversion et de la casuistique.
Nous avons estimé que notre table ronde à Nanterre était un franc échec. Il ne s’agit pas du sabordage de son propre travail ni de la quête de la perfection et encore moins du constat de l’insuffisance ou de l’absence de moyens. Il s’agit, par ce constat sans complaisance, d’instaurer la culture de l’humilité et l’autocritique des Sahabas et des Tabi’ines qui nous manquent et que nous devons absolument cultiver si nous voulons être prêts à aborder comme eux des questions complexes et ouvrir des chantiers difficiles. Nous n’avons pas manqué de moyens, car les moyens n’étaient à ce niveau ni nécessaires ni décisifs. Nous avons manqué d’organisation, de capacité à produire des idées nouvelles et à constituer des commissions de travail réunies pour prendre en charge un travail de longue haleine qui va de l’analyse des causes, des conséquences et des interactions avec les travaux des autres commissions. Notre échec est dans le décalage entre nos intentions et nos résultats. En faire part est un acte pédagogique pour d’autres initiatives : on ne vient pas pour s’écouter parler mais pour apporter des propositions qu’on a déjà fait murir auparavant, car le but est l’efficacité et non d'organiser une énième rencontre qui chasse l’autre. L’efficacité et l’ingénierie c’est autre chose qu’une déclaration d’intentions aussi nobles soient-elles.
Encore une fois bravo et merci à nos mères, à nos soeurs et à nos filles de Nanterre qui ont prouvé qu'aucun combat et qu'aucune victoire n'a de sens sans la participation de la femme musulmane, car elle est le dernier rempart contre Satan et ses liges. Merci et bravo à elles, car elles confirment la prophétie : « Vous n'aurez le triomphe que par vos faibles ». C'est le corps le plus faible de la communauté musulmane qui a été à Nanterre.
Chacun doit réaliser sa part de bouleau (1), il reste d'autres chantiers, car tous nous devons dépasser nos limites et nous inscrire dans celle de la vastitude qu'Allah a déposé en nous et qui rend nos responsabilités extensibles à l'infini. Nous devons penser agir par l'accomplissement du travail laborieux et sérieux qui ne sera pas accompli par une star éloquente, malgré sa sincérité, mais par un travail de fourmis qui conjuguent la foi, la vertu et le sens des responsabilités. Où sont les efforts collectifs qui mobilisent et mettent en mouvement ces fourmis dont les têtes et les bras sont atrophiés, occupés par le futile, au lieu de se mettre au service de leur salut. Le salut se retrouve dans l'appropriation sociale de l'Islam c'est à dire dans l'appropriation du Coran par la majorité qui le comprend et le met en application pour témoigner de sa vitalité, de sa vérité, de sa présence motrice dans le monde :
{Nulle cité ne devint croyante, après le châtiment, et tira profit de sa foi ! Sauf les gens de Jonas, lorsqu’ils sont devenus croyants, Nous avons écarté d’eux le châtiment de l’avilissement, dans la vie terrestre, et nous les avons laisssé jouir jusqu’à un certain temps.} Younes 98
Le récit coranique montre que la jouissance des bienfaits accordés par Allah intervient souvent après le salut pour les uns et le châtiment pour les autres, ce qui a fait dire à l'imam Ali que les rescapés d'un massacre vivent plus longtemps, plus féconds et plus propères. Cette prospérité elle vient pour Jonas et son peuple de la même façon que pour Adam : Tawbah et Inabah (repentir et retour vers Allah). Il n'y a de retour structurant et benisseur que par l'examen de conscience que la Fitra prenant conscience de la perdition, du danger, de la faute, expose comme un cri ultime, comme un recours à Allah en étant rempli d'humilité qui ne laisse plus de place au triomphalisme ou à l'affichage de son succès ignorant de son drame :
{Nous avons fait du tort à nous mêmes ! Si tu accorde pas Absolution et Miséricorde nous seront certainement parmi les perdus}
Il s'agit d'être perdu et non de perdant. Le Coran pose les termes en termes de salut ultime et non, en termes de pertes ou de gains mondains. Et c'est peut-être là où le monde musulman et la communauté musulmane de France ne parviennent pas à faire le discernement entre les moyens matériels de la culture de la réussite, de la perte de la conscience qui font le perdu celui qui a perdu vocation sur terre et salut dans l'au delà comme ils ne parviennent pas à faire la différence entre le succès mondain et la réussite sociale d'un monde capitaliste avec le Falah, la culture coranique qui met l'être ontologique et social en devenir, en croissance de vertu, d'efficacité, de Jihad fi sabil Allah dans le sens de s'efforcer à agréer Allah. Je ne dis pas que les présents sur la péniche, organisateurs et invités ne sont pas tous dans cette culture du Falah. Je me pose des questions sur les symboles, leur perception et leur traduction en actes fédérateurs, efficients qui remettent en marche la communauté vers son destin et l'accomplissement de sa vocation.
Dans cet ordre d'idée, il me vient à l'esprit ce qui nous manque nonobstant le triomphalisme affiché sur une péniche de location ou un spoutnik de lancement dans le ciel : al bassira. Sénèque l'ancien nous la livre avec la même parabole de l'embarcation : "Un navire en pleine tempête a besoin de cap, de gouvernail, de carte de navigation, de boussole, de vigie". En langage clair il a besoin d'une stratégie pour sortir de sa crise, celle-ci doit avoir des objectifs affichés, des instruments et des moyens pour les atteindre et enfin d'un poste d'observation ou d'une veille pour ne pas se tromper de cap, le dépasser ou aller en dérive. La vigilance est de rigueur. L'éveil des sens devrait être au maximum comme ceux de Jonas dans la gueule de la baleine au fond de la mer. La solution n'est pas dans ses moyens mais dans sa relation avec Allah souverain des cieux et de la terre.
Comme le Prophète (saws), nous n'avons rien à offrir sauf l'exigence et la rigueur pour produire des idées, de l'intelligence collective, de l'action concertée sans oublier un instant de proclamer la vérité même si elle blesse et dérange ceux qui sont en quête d'idoles et d'illusions : minutieuses, assidues et collectives :
« Que la peur des gens n’empêche personne parmi vous de dire la vérité quand il la voit ou lorsqu’il en témoigne, car la parole de vérité n’approchera pas son heure de la mort ni ne diminuera sa part de subsistance ».
La vérité nous oblige à aller la chercher, car elle ne se livre pas à la première lecture ni à la première écriture. Comme la beauté et l'amour, elle est une consécration subtile sans tapage qui n'éclate ni ne s'éclate dans un ciel serein, mais se construit comme une cristallisation dans les méandres limbiques de notre matière grise et de nos contradictions sociales et historiques.
Dans tout travail d’écriture qui prépare puis annonce un succès ou qui analyse et critique un échec, il y a une part de fiction, de réalité et surtout de symboles. Le processus de symbolisation est le processus d’imagination qui met en communication les facteurs culturels, religieux, historiques et autres symboles pour produire du sens nouveau et proposer un projet de fédération des idées, des corps sociaux, des activités humaines qui sont d’accord sur la valeur affective, la charge cognitive et la capacité « imagique » d’un signe, pour que ce signe soit langage, communion, partage et ralliement. Au-delà du caractère provocateur à dessein du jeu de mots sur les plaisanciers et la complaisance sur scène essayons de voir, sur le plan pédagogique, le symbole de la péniche. Nous donnons quelques pistes à explorer et nous laissons le soin au lecteur de tisser le sens et de trouver la conclusion en comparant ce que véhicule le symbole avec ce qui est dit dans la péniche.
Pour l’aristocratie, la péniche est le symbole de la culture de bas étage. Cette même aristocratie a montré ses compétences depuis la Renaissance de récupérer la culture de bas étage et de la marchandiser à son profit en jouant sur la mode et la communication comme la Bouillabaisse, la Pizza, le Couscous et le Méchoui.
Pour les bateliers chrétiens, la péniche est le symbole par excellence du christianisme. Elle représente Jésus marchand sur l’eau, elle représente Jésus le dieu itinérant qui s’arrête au gré du temps pour prêcher la bonne parole. Tous les objets de la péniche sont christiques : le calice, le ciboire, la tonnelle et le pichet qui contiennent le vin, ce sang du Christ, l’échelle de Jacob dont Jésus est le légataire, l’Ascension, les outils du charpentier, les croix ou les objets en forme de crucifix qui rappelle la passion du Christ… La péniche représente alors le nomadisme des chrétiens comme les Gitans et les Roms persécutés malgré l’affichage symbole ostentatoire et ostensible de leur foi.
Dans la grammaire des civilisations des plats pays, la péniche est la mère patrie qui fédère des peuples que la géographie, le climat et les coutumes ont fait des traits d'union entre les Slaves, les Germaniques et les Latins et une zone de confluence et de traversée qui donne au sens de proche et de voisinage un sens particulier qui perdure encore en Belgique pour ne citer que ce pays.
Dans les pays à grands fleuves et à grandes forêts tropicales dans l’Amazonie et l’Asie la péniche est l’harmonie de l’eau qui est un contenu qui épouse toutes les formes de son contenant ainsi celui de la sagesse du déplacement fluide qui passe du Yin au Yang dans un processus de complémentarité et non d’opposition dialectique. Le temps se consomme en harmonie avec l’universel et les éléments de la nature. L’homme n’est ni le centre ni le régulateur, mais une partie de ce tout qu’il ne doit pas perturber en se laissant vivre comme une péniche.
Le symbole de la péniche est très présent dans l’Égypte antique du fait de la présence du Nil moyen de communication et de transport des marchandises et des armées. Il est présent aussi dans la mythologie du roi Osiris qui lors de son règne a été tué et déchiré en morceau par son frère au cours d’un banquet et que sa sœur Isis l'a protégé de la décomposition en le momifiant et en l’envoyant embarqué dans une péniche navigant dans le séjour des âmes vers la destination de la résurrection à laquelle croyaient déjà les Égyptiens. Finalement ressuscité Osiris revient pour installer le roi divinité Horus qui préside sur la destinée de l’Égypte alors qu’Osiris retourne au séjour des morts pour veiller éternellement au séjour des âmes.
La péniche dans l’imaginaire des peuples (sauf les nomades du désert) est le symbole de la vie nomade sans attache, sans ancrage définitif, sans racine, sans adresse fixe. Elle aurait pu être le symbole de la post modernité de la fédération des groupements humains en tribus nomades avec plusieurs adresses, plusieurs pseudonymes, sans centre ni totalité s’agrégeant selon les intérêts de la mode en ilotismes idéiques ou en isolat sociaux culturels sans frontière ni nationalité sans cesse recomposée. Les sémiologues et les experts du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont préféré qualifier la post modernité de Hermès pour l’opposer à Prométhée, le symbole de la modernité. Hermès est le demi-dieu qui aime jouer du pipeau et qui a été chargé de défendre le mécénat, les artistes, les marchands, le spectacle et les voleurs.
La péniche est une évocation de l’emblème de la ville de Paris quand il était un port au milieu de la Seine qui assaillaient par ses crues et ses flots Paris lui inspirant de témoigner en gravant sur la proue de ses armoiries cette devise : « battue par les flots, mais ne sombre jamais ». Tant que les Musulmans ne font pas le travail de déconstruction de leur imaginaire puis de reconstruction de leur foi ils ne pourront jamais trouver le fil fédérateur, libérateur et civilisateur qui fait d'une ville qui était l'expression du Wahn devienne la cité des lumières du monde ou selon l'expression de Taha Hussein la ville des anges et des Djinns et qui fait du haut lieu de l'Islam Al Madina al Mounnawara une ville qui ne produit plus de l'intelligence sous les monarchies et les empires qui se sont succédés depuis que les Anglo-Saxons ont ajouté une couche supplémentaire de médiocrité au Wahn qui a remplacé l'islamité.
La péniche amarrée qui ne va plus sur l’eau peut signifier l’aboutissement d’une errance qui mène à la retraite ou à l’impasse ou signifier un nouveau départ en terme ferme avec un nouveau projet de vie. Elle signifie donc lorsqu’elle est désertée ce que j’appelle poser ses valises et aller sur la terre ferme sans possibilité de retour vers ce qu’on a quitté ou déserté dans la fuite ou dans le désir de conquête d’une nouvelle perspective de vie. Ici, la péniche, abstraction de son caractère festif, plaisancier ou abandonnée n’a de symbole que par le projet que ses occupants communiquent. Il n’y a de projet que si la finalité et les objectifs sont expliqués et les moyens pour y parvenir sont mobilisables.
Dans le dictionnaire psychanalytique des images et des rêves de Tristan-Frédéric Moir, on peut lire : « De toutes les embarcations, c'est le bateau qui apparaît le plus souvent dans nos rêves. En opposition avec un symbole précédent — la barque —, le bateau est le véhicule des vivants, de leur vie, de leur histoire. Il s'agit toujours d'une histoire vécue avec plusieurs personnes, histoire qui va s'inscrire dans un long déroulement temporel (le temps de la traversée). Celle-ci est d'autant plus importante que le bateau est gros. Mais ce voyage ne se fait pas dans le dépouillement. Nous emportons notre culture et nos richesses. Par contre, nous serons captifs de cette cellule le temps du voyage. Par exemple, un couple qui s'unit et qui va engendrer se doit, logiquement, de rester à bord pour assumer les fonctions inhérentes à la vie maritale et parentale. Nous sommes dans une logique proche de celle du soufi qui accorde l’importance à la quête de l’itinérant. Nous ne sommes pas dans une posture statique, mais une démarche dynamique que l’illusion de la péniche ou du bateau immobile ne doit pas occulter lorsqu’on va au-delà de la lecture hâtive et formelle.
La péniche n’est pas évoquée dans le dictionnaire de Malek Chebel qui passe de Pèlerinage spirituel à Pénis sans transition.
La péniche ou du moins son évocation en tant qu’embarcation flottante est évoquée deux fois dans le Coran : dans le récit sur Noé et l’Arche, dans le récit sur Moise et sa mère qui le jette dans son berceau emporté par les flots jusqu’à la berge du palais de Pharaon. Dans les deux cas, le récit coranique intervient pour inculquer la notion de salut et de perdition avec leurs causes, leurs circonstances et leurs effets dans le temps et dans l’espace. Dans les deux cas, le récit coranique est l’annonce de l’Espérance à Mohamed (saws) alors qu’il était persécuté et traité de fou, de magicien et de possédé par le paganisme, les monolâtries et les intérêts politiques et économiques contraires à l’éthique du monothéisme. Je ne cite que cet énoncé pour rappeler que notre culture islamique refuse le pessimisme même dans les moments les plus sombres de notre existence :
{ … lorsque Nous avons inspiré à ta mère suffisamment d’espoir : “Jette-le dans le coffre, puis jette-le dans le fleuve, alors le fleuve le repoussera sur le rivage ; un ennemi à Moi et un ennemi à lui le prendra.” Et Je t’ai comblé d’amour de Moi-même, pour que tu sois formé sous Ma Surveillance : Lorsque ta sœur marchait et disait : “Vous indiquerais-je qui s’en chargera ?” Ensuite, Nous t’avons rendu à ta mère, afin qu’elle soit tranquille et ne s’afflige point. Puis, tu as tué une personne, alors Nous t’avons délivré du souci, et Nous t’avons fortement éprouvé. Tu demeuras des années parmi les gens de Madian, ensuite tu es venu selon une prédestination, ô Moïse, et Je t’ai formé pour Moi-même. Pars, toi et ton frère, avec Mes miracles et ne cessez pas, vous deux, de M’invoquer. Allez tous deux chez Pharaon, il a outrepassé les limites, dites-lui des paroles aimables, il se peut qu’il s’en souvienne ou qu’il prenne garde. » Ils dirent tous deux : « Notre Seigneur, nous redoutons qu’il n’abuse contre nous ou qu’il n’outrepasse les limites. » Il Dit : « N’ayez pas peur tous deux, Je Suis avec vous, J’Entends et Je Vois. Allez tous deux chez lui, et dites : “Nous sommes les deux Messagers de ton Seigneur, envoie donc avec nous les Bani Israël et ne les châtie pas. Nous sommes venus à toi avec un Signe de la part de ton Seigneur, que la paix soit avec celui qui suit la Direction infaillible. Nous, il nous a été inspiré, tous deux, que le châtiment incombera à celui qui démentit et s’écarta.” } Taha 38
Il nous faudrait un jour revenir pour faire une lecture actualisée de cet énoncé dans le cadre du Tamkine Dine Allah dans la mondialisation et de l’émancipation de la communauté française musulmane et non musulmane de la polyarchie qui a dévoyé la démocratie et qui utilise les slogans de liberté, de fraternité et de liberté dans un travail complexe de désymbolisation (l’indifférenciation qui disloque au lieu du respect de la diversité qui fédère)
On ne peut évoquer ces embarcations sans évoquer celle de Jonas qui a manqué de patience et s'est cru dépositaire de la foi pour son salut et non pour le salut de l'humanité. L'erreur d'appréciation du sens du salut, du pourqui et avec qui peut conduire à la perdition de soi :
{Et Jonas est sûrement du nombre des Messagers. Lorsqu’il se réfugia dans le navire chargé. Puis, il tira au sort et fut du nombre des réfutés. Alors la baleine l’avala en une bouchée, en étant blâmable. S’il n’était du nombre des glorificateurs, il serait resté dans son ventre jusqu’au jour où ils seront ressuscités. Alors Nous le Rejetâmes sur la côte aride en étant malade. Et Nous Fîmes pousser auprès de lui un plant de courge. Ensuite Nous l’Envoyâmes vers cent mille, ou plus nombreux. Alors ils devinrent croyants. Nous leur Accordâmes jouissance pour un certain temps.} As safat 139 à 148
Ni un Prophète ni un Waliy ni un intellectuel ne peut se passer de la remise totale à Allah (Istislam et Islam) ni de la désertion du champ de bataille et abandonner sa communauté sous le motif qu'elle soit rebelle, ignorante, mécréante ou pêcheresse. Sa vocation est d'accomplir sa mission de communiquer et de montrer la voie en vivant au milieu des siens, partageant leur charges et leurs souffrances, comprenant leurs fautes et leurs erreurs. Le Prophète est à l'image de la parabole de Jésus qui dit je suis envoyé pour soigner les malades et non les bien-portanst. Al Istislam lillah c'est accepter toutes les lois de Dieu sans les contester ni les mettre en doute ou en discussion profane. La seule chose permise est d'y croire et de trouver des arguments pour rendre ces lois plus explicites pour faire face aux négateurs ou les rendre efficaces et justes dans leur exécution. Le Prophète ne peut servir ceux qui participent au démembrement du monde musulman sans trouver justification morale, juridique et religieuse crédible. Pour l'instant nous n'avons vu que des conjectures et des opinions qui ont donné une voix plus forte aux monarchies du golfe et un alibi à l'OTAN.
Je n'ai pas fait allusion à la parabole de Khidr et de Moussa dans l'étude du Ghyab à travers la Safina des pauvres gens que Khidr a fait sombrer pour qu'elle ne tombe pas entre les mains des armées de Pharaon, comme je n'ai pas fait allusion à Younès et son embarcation. Il faut prendre du temps et tirer enseignement symbolique sur l'eau, la mer, l'embarcation à partir des travaux onirique et symbolique d' Ibn Sirine. J'ai préféré laisser au lecteur le temps et l'espace d'appropriation des symboles et de l'acte de symbolisation par l'ellipse et le non dit qui invite le lecteur vigilant et impliqué à chercher ce qui manque et à continuer le travail d'assemblage par lui même librement sans idole médiatique qui lui tient pour conscience et pour modèle de pensée. Pour ceux qui n'ont pas le temps de lire Ibn Sirine il faut savoir qu'il voit dans l'embarcation le symbole du salut, de la richesse, de la libération d'une prison, de la fin d'un exil, de l'obtention de la chose souhaitée, du retour à la raison, de l'enfantement et de la délivrance de l'oppression, de la maladie et de la souffrance.
Le Hadith As safina que chaque musulman connait repose, à travers l'affichage de la péniche comme emblème du franc succès, la question lancinante du devoir de ceux qui portent l'Islam comme une braise dans la main ou dans la bouche comment faire pour trouver une solution résolue contre le Wahn et l'infantilisme islamique qui sont le facteur endogène de l'Islamophobie. Depuis la défaite d'Ohod, la culture coranique a enseigné la culture de la responsabilité. Les facteurs exogènes ne sont que des amplificateurs, des perturbateurs, des réducteurs, des incitateurs à l'instar de Satan. Le véritable problème est ce nous qui doit être renové, rajeuni et remis en marche :
{ … vous dites : « Comment cela ! » Dis : « Cela vient de vous-mêmes » } Al 'Imrane 165
S'il n'y a pas de solutions à nos maux internes nous continuerons à prendre l'ombre pour la proie.
C'est ce que je souhaite à ceux qui rêvent d'une péniche. Seul Allah connait l'essence des pensées et la visée du regard furtif. Il ne m'appartient pas de juger les gens ni leurs intentions mais de faire des analyses sur leurs paroles, leurs prises de positions et leurs actes visibles. Mes souhaits comme le caractère festif et démonstratif des autres n'enlèvent en rien à nos manquements, à nos défaillences et à l'ampleur de ce qui reste à faire.
Tout briseur d'idoles ne peut que rester choqué devant l'ostentatoire quand le Coran raconte comment et pourquoi Salomon a coupé cous et jarrets à ses juments en parade. Sur une démonstration très formaliste, ma réponse ne peut être une contradiction sur le contenu. Les laissés-pour-compte dans la société, écoeurés par le bling-bling de Sarkozy sont certainement en droit de se dire : « tous les mêmes » et de se poser la question sur le besoin de la haute société, ici et ailleurs, de festoyer en club fermé, alors que le noble Prophète (saws) a vécu à proximité des pauvres partageant leur faim et offrant le peu qu'il avait allant jusqu'à nous léguer son testament où le pauvre est légataire : « Un repas où ne sont pas conviés les pauvres n'est pas béni par Allah »
(1) je parle bouleau et non de boulot car il s'agit d'une image mentale, d'une métaphore pour rappeler l'exigence d'un ancrage avec des racines profondes dans notre communauté et notre élancement dans le ciel comme l'arbre coranique. J'aime les jeux de mots et la bataille de symboles et je rappelle au lecteur averti que le bouleau fait penser au bouleau pleureur et ainsi par évocation de mots, il invite à se démarquer par rapport au sensationnel et conserver la finesse et la subtilité qui refuse la démarche victimaire qui tombe comme une larme faisant sourire les islamophobes qui ont obtenus leurs résultats : mettre les musulmans dans une posture communautariste et victimaire en contradiction avec le discours affiché. Le jeu de mots permet de mettre en relief le lapsus freudien de nos coreligionnaires qui souffrent du syndrome de la schizophrénie sociale et culturelle. Moi-même je suis souffrant de ce syndrome et j'essaye de m'en libérer en le dénonçant et me démarquant dans l'espoir d'atteindre un jour la liberté et l'autonomie qui ne feront jamais de moi, consciemment ou inconsciemment, un auxiliaire de service et de pensée. Nous ne sommes pas victime de l'Islamophobie mais ses instruments, par notre Wahn et notre confusion entre les effets et les causes.