BERLIN – Quand Thomas de Maizière, le Ministre de la Défense allemand a dit à une rencontre de réservistes de l’armée, le mois dernier, qu’il considérait la stratégie US d’utilisation de drones pour des assassinats ciblés « une erreur stratégique » sa remarque n’a pratiquement pas été relayée médiatiquement.
Seule l’édition en ligne d’informations de la télévision publique allemande ARD a rapporté l’histoire. D’après leur journaliste, Mr. de Maizière avait dit qu’il pensait qu’il était peu sage que des commandants US dirigent de telles attaques à partir de leurs bases aux Etats-Unis.
Des demandes répétées à l’association des réservistes pour avoir la transcription complète du discours sont restées sans réponse. Et le Ministère de la Défense n’a pas non plus publié les remarques.
Mr. de Maizière n’est pas le seul politicien en Europe à se sentir mal-à-l’aise avec l’utilisation fréquente US de drones sans équipage pour viser ce qu’on appelle des suspects de terrorisme en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen. Mais beaucoup sont réticents à parler de leurs doutes. La chancelière allemande Angela Merkel ; la cheffe de la politique étrangère Catherine Ashton; et le nouveau Président français, François Hollande, sont parmi les nombreuses autorités, à ne pas vouloir critiquer publiquement la pratique du contrôle à distance, d’assassinats ciblés.
« Nous devrions, bien sûr, nous poser des questions sur l’utilisation de drones dans le contexte du droit international, » a dit Reinhard Bütikofer, un dirigeant du Parti vert et un législateur allemand au Parlement européen.
« Il existe une sorte de détachement moral sur la question parce que, dans le cas de l’Allemagne, nous n’avons pas de drones armés, de sorte que le contexte légal est rarement mis en question, » a-t-il ajouté.
Même quand plusieurs nationaux allemands, accusés d’être des militants ayant entrepris une formation dans des camps terroristes au Pakistan, ont été tués dans une attaque de drones US au Pakistan en 2010, le gouvernement allemand a minimisé l’incident.
Dans une réponse officielle à des questions de partis d’opposition dans le Parlement allemand, le gouvernement a répondu à presque tous les récits, soit qu’il n’avait pas d’information fiable ou que l’information qu’il avait était confidentielle.
Par contre, l’administration Obama a dû commencer à expliquer la question des attaques de drones car des organisations des droits humains, des experts de la sécurité et l’armée se sont mis à demander à la Maison Blanche de justifier sa légalité. John O. Brennan, le chef du contre-terrorisme du président, a fait un discours majeur sur la question en avril. Il a dit que les attaques ciblées ne contrevenaient pas au droit international parce que les Etats-Unis avaient agi en auto-défense depuis les attaques terroristes à New York et à Washington le 11 septembre 2001.
Mr Brennan avait ajouté que la Maison Blanche faisait tout son possible pour équilibrer sécurité et transparence.
Des experts de la légalité disent, cependant, que la plupart des assassinats ciblés sont exécutés par la CIA. L’agence n’est pas soumise à la même transparence ou responsabilité que le serait l’armée. « Les lois de la guerre n’interdisent pas aux agences de renseignement de prendre part à des opérations de combat, » a dit James Ross, le conseiller en légalité de Human Rights Watch. « Mais les états ont l’obligation d’investiguer sur des allégations crédibles de crimes de guerre et finalement de fournir réparations aux victimes d’attaques illégales, et cela est difficile dans le cas d’agences de renseignement ».
A part les questions légales, l’administration Obama a aussi été accusée de laisser filtrer des détails sur les attaques secrètes de drones pour récolter une distance politique pendant la campagne d’élection présidentielle. Les républicains ont sévèrement critiqué l’annonce de la Maison Blanche, la semaine dernière, que le vice-leader d’Al Qaeda, Abu Yahya al-Libi, avait été tué dans une attaque de drone au Pakistan.
Des analystes suggèrent que l’Europe préfère rester aveugle aux attaques de drones parce qu’elle considère que les militants islamistes visés par les Etats-Unis comme un danger pour l’Europe aussi. Avoir ce danger éliminé, pèse plus que les scrupules qu’elle peut avoir pour la méthode utilisée.
Les pays de l’UE ont leur propre intérêt à tacitement trouver des excuses à ces tactiques, » a dit Nathalie Van Raemdonck, une chercheuse invitée de l’Istituto Affari Internazionali, un centre de recherche indépendant à Rome. « Puisqu’ils ne sont impliqués dans aucune opération, on ne peut pas les accuser de jouer un rôle quelconque dans les assassinats ciblés. Les Européens sont contents de laisser les US faire leur sale boulot. »
Néanmoins, les gouvernements européens ne sont pas unis sur la question. La Grande Bretagne a des drones armés en Afghanistan, et d’autres pays européens les emploient aussi dans des buts de surveillance, et donc la question des assassinats ciblés ne les concerne pas directement. Les gouvernements insistent sur cela pour expliquer leur silence.
Des analystes disent que cette approche est à courte vue. Les Etats-Unis ont l’intention d’armer les drones de surveillance italiens en Afghanistan au début de l’année prochaine. La France a des projets pour des drones militaires de reconnaissance et des missions d’attaque. L’OTAN essaie de pousser les états-membres à financer des drones de surveillance qui finalement pourraient aussi être armés.
Tout aussi important, la Chine, la Russie et d’autres pays non-occidentaux travaillent aussi au développement de drones armés.
Ceci pourrait conduire à une situation de liberté pour tous à moins que des normes pour l’utilisation de ces armes soient acceptées, disent les experts de la légalité. Il est temps, a dit Mr. Bütikofer, le législateur du Parlement européen, pour l’Europe de briser le silence.
JUDY DEMPSEY
SOURCE : http://www.nytimes.com/2012/