Je suis tombé sur un article, en trois parties, du journal « le matindz » intitulé « Les dessous de la complicité Bouteflika – Émirats ». Ces articles font l’apologie du livre « Notre ami Bouteflika – de l’État rêvé à l’État scélérat » ainsi que la publicité au directeur de ce journal, Mohamed Benchicou, président du collectif rédacteur du livre.
Je n’ai aucune sympathie pour ce journal qui n’existe que par le monopole de l’État sur la publicité, qui distribue la rente aux journaux servant sa stratégie de communication. Si ce journal et tant d’autres du même gabarit devaient compter sur la qualité du travail d’investigation de leurs journalistes et de l’intérêt du peuple algérien pour leur contenu, il y a longtemps que ces journaux auraient déclaré faillite et mis la clé sous le paillasson.
Ce qui m’a amené à prendre la plume, c’est la capacité de nuisance et de désinformation qu’il laisse dans l’esprit de jeunes en quête de scandales sur une gouvernance incompétente, faute de se prendre en charge et de s’impliquer dans une dynamique de changement. Il y a une volonté délibérée de diversion qu’il faut dénoncer : Haqqoun ourida bihi bàatiloun (Une vérité dont la visée est de faire valoir le faux – Ali Ibn Abi Taleb)
Ce journal et le livre dont il fait la promotion ne donnent pas une réflexion sur la dynamique du changement, mais répondent en apparence à une logique commerciale de la presse à sensation et de l’opposition à dénonciation verbale, mais sans apporter du nouveau sur les pratiques du pouvoir qui n’échappent pas aux gens de la plèbe. Lorsque 300 000 Algériens et l’Algérie avec son histoire, ses ressources et son avenir sont occis par l’incitation à la haine, à l’éradication et à la guerre civile par ce même journal et son directeur, on peut se demander : quelle est la signification des milliards qu’aurait détournés le Président Boutelflika ?
Ce journal dont la nature idéologique n’est plus le trotskisme, mais les affaires comme l’ensemble de la gauche algérienne même si Gilles Perrault appelé à la rescousse, pour donner crédit et notoriété à leur livre, a un passé notoire de trotskiste. Celui qui veut s’intéresser à l’histoire du trotskisme verra comment ce mouvement a été souvent l’écran de dissimulation du sionisme et de la CIA. La meilleure illustration est le rôle des trotskistes en mai 68 qui ont fait tomber le général de Gaule connu pour son refus de l’alliance avec l’OTAN, son refus du sionisme et sa politique d’ouverture avec le monde arabe. L’histoire retient également qu’après l’offensive militaire de Ho Chi Minh en mars 68 contre l’armée américaine au Vietnam, la France était chargée d’ouvrir les négociations entre l’Amérique et Ho Chi Minh en mai 68 et qui ont abouti à la conférence de Paris en 1969. Alors que le monde progressiste et les peuples des anciennes colonies venaient de découvrir ce héros vietnamien, les trotskistes français n’ont pas trouvé mieux que d’organiser une manifestation avec des drapeaux et des banderoles en hommage non pas à Ho Chi Minh, mais à Trotski. Pour Malek Bennabi qui avait analysé l’aspect idéologique des progressistes algériens et français qui refusent aux musulmans le débat idéologique, il y avait une supercherie sioniste et américaine pour faire imposer leur agenda dans une manifestation à la fois anti-impérialiste et reconnaissante à la lutte du peuple vietnamien. On peut légitimement se poser la question sur la place d’un Trotskiste comme Gilles Perrault dans un problème qui relève de l’Algérie et des Algériens.
Le talent, l’engagement, la biographie et la bibliographie de Gilles Perrault ne sont pas des facteurs déterminants pour préfacer un livre écrit par des Algériens attaquant un président algérien en exercice même si ce président est illégitime, corrompu, autocratique. Il y a des principes à ne pas transgresser. J’ai refusé que le général Khaled Nezzar soit trainé devant un tribunal français ou suisse non par sympathie pour lui, mais par dignité pour mes proches qui sont morts pour la patrie et qui ont connu les camps d’internement durant la guerre de libération. Mon refus m’a fait rompre des amitiés solides et anciennes, car l’égard pour l’Algérie, nonobstant son État pitoyable et pour lequel Khaled Nezzar a une part de responsabilité, impose à tout algérien un sentiment patriotique libéré du patriotisme de canailles que certaines personnes dans le pouvoir, dans l’opposition et dans les médias algériens cultivent sans honte ni pudeur. Il n’appartient ni à la France ni à la Suisse ni aux États-Unis ni aux monarchies du Golfe d’interférer dans nos affaires internes : il y va de notre devenir, de notre dignité, de notre souveraineté même si celle-ci est lourdement mise en cause par les gouvernants. Si nous tolérons un instant, dans un livre ou dans une affaire de justice, le droit de regard de l’Étranger sur une affaire relevant du droit algérien et concernant le peuple algérien, même si pour l’instant le droit et le peuple sont les plus grands absents, nous devenons des complices de l’ingérence étrangère qui est la nouvelle doctrine du nouvel ordre mondial pour nous asservir de nouveau. Musulman, je crois en la justice divine : si l’État algérien n’est pas constitué pour rendre justice avec équité et impartialité, les responsables de crimes politiques et économiques, et d’atteinte à la vie des individus ne peuvent échapper à l’impunité de l’histoire et du Jugement dernier.
Enfin, il reste à montrer le paradoxe des trotskistes et des gauchistes algériens. Ils se sont convertis depuis longtemps à l’économie de marché et à l’affairisme qu’ils oublient dans leur analyse de recourir à la dialectique marxiste qui consiste essentiellement à analyser la dynamique sociale, politique, économique et historique d’un système, ses rapports avec la géopolitique, et ses contradictions. Il s’agit d’analyses de processus pour comprendre et pour agir et non de prise de positions partisanes en faveur ou contre des individus. Les progressistes algériens, en rupture avec la culture dialectique et nationaliste des grandes figures du marxisme algérien telles que Mohamed Harbi ou Hachemi Hajerès, sont otages intellectuellement et moralement des appareils bureaucratiques dont ils sont issus et otages de leur culture d’éradication du peuple qu’ils ne pourront jamais représenter, car ils savent qu’ils sont désavoués par ce peuple sur le plan moral, religieux et idéologique. Ils savent qu’ils sont le produit d’un système qu’ils ont servi et défendu. Je ne défends pas le président Bouteflika, dont le bilan n’échappe à personne et je ne vais pas faire de la surenchère sur la situation du peuple algérien. Je m’insurge contre la désinformation qui consiste à présenter un président ou un homme comme bouc émissaire de la catastrophe annoncée. Nous savons tous que ce président est coopté par le système et s’il y a un devoir courageux de demander des comptes et de situer les responsabilités il consiste à analyser le système et les alliances nationales et internationales qui ont permis l’arrivée de monsieur Bouteflika et sa longévité alors que monsieur Boudiaf a fini tragiquement en direct et que le général Liamine Zéroual a jeté l’éponge.
Bien entendu les pseudos progressistes algériens, journalistes et écrivains, ne nous diront jamais qu’ils ont constitué l’ossature de l’appareil bureaucratique de d’État et des appareils économiques du secteur public dont sont issus le secteur privé parasitaire et la presse « libre » qui tous vivent de la rente de l’État et de sa corruption.
Pourquoi alors se comporter comme les pharisiens accusant de fornication l’élément faible de la société juive et laissant les autres péchés dans l’oubli et le silence que Jésus est venu les réformer ?
La réponse est simple et connue par tout le monde, sans jeter l’anathème sur les pharisiens de l’Algérie post indépendance. Elle est simple quand on sait que la bataille que se livrent les différents clans du pouvoir pour la rente et la prébende se fait par deux canaux : le terrorisme contre le peuple et la guerre médiatique. Tout le monde sait pour qui roule notre presse indépendante. Elle ne roule pas pour l’État algérien ni pour le peuple algérien : elle roule pour un clan contre l’autre. Elle ne roule pas pour la souveraineté nationale et la résistance contre la prédation nationale et internationale, mais elle roule pour un enjeu stratégique contre un autre enjeu aussi stratégique.
Le premier enjeu stratégique :
L’Algérie après l’indépendance et jusqu’à la fin de l’ère Chadli était un terrain de bataille entre les nationalistes (toutes idéologies et tendances politiques confondues), les partisans du Makhzen marocain (une république monarchiste avec la même matrice politique, économique et sécuritaire que celle du Maroc) et le Hizb frança, la cinquième colonne qui veut maintenir l’Algérie dans la francophonie sur le plan culturel et politique et le comptoir commercial sur le plan économique et géopolitique.
Le second enjeu stratégique :
Les mêmes acteurs jouent et toujours très mal à qui emmènera l’Algérie dans le giron américano-qatari saoudien ou dans le giron franco-européen. Le second est classique et bien rôdé avec ses clercs et ses appareils au sein des médias, des appareils administratifs et économiques pour maintenir l’Algérie comme comptoir commercial de la France et de ses partenaires européens. Le premier est « moderne » et en voie de puissance pour embarquer l’Algérie comme base coloniale de l’OTAN, pour jouer le rôle de gendarme en Afrique et en supplétifs dans une prochaine guerre contre l’Iran. Cet axe nouveau repose sur le « soft powerment » de Brezinski qui accorde une large part aux islamo nationalistes, aux courants maraboutiques et aux anarchistes de l’Islam infantile qui sont mus par le désir de vengeance et par la quête de pouvoir.
Les arguments du « matin » et de monsieur Benchicou sont tellement évidents et fallacieux que nous ne sommes pas dans un réquisitoire dicté par l’éveil de conscience de l’algérianité contre les droits bafoués et les richesses spoliées, mais dans une démarche de psychopathes qui ont peur d’un scénario qui les exclut du contrôle des rouages de l’État et du partage de la rente qu’ils ont patiemment et méthodiquement élaboré depuis la « révolution agraire » par le noyautage de l’administration et de l’économie. Servant leurs intérêts idéologiques, linguistiques, politiques et économiques, ils ne peuvent pas attaquer la monarchie saoudienne ou qatarie de vassaux de l’impérialisme et du sionisme, car ils n’ont ni le courage ni le nationalisme qui défend la souveraineté du peuple et ses valeurs arabo musulmanes. Ils ont par contre la perfidie et la lâcheté de poignarder, comme à leur habitude, le peuple algérien en le frappant dans ce qui est sacré tout en faisant de la désinformation sur les origines et les acteurs du système de prédation de l’Algérie. Ainsi, ce qui est à retenir dans leur détraction de Bouteflika et des monarchies est cette expression perdue dans le verbiage : « Algérie réorientée vers une engeance arabo-islamique. Le terme engeance signifie bien leur embarras qui témoigne de leur désespoir de conquérir le sommet du pouvoir et de leur doute sur l’efficacité de leurs alliances classiques. Ils savent qu’à terme l’Algérie ne leur appartiendra pas. Ils ont choisi la tyrannie, l’exclusion et le monopole au nom de la liberté et de la démocratie, le temps de rendre des comptes n’est pas loin. Bouteflika est déjà sur la voie de rejoindre son créateur qui lui demandera des comptes.
Je les mets au défi, de ramener non pas Gilles Perrault, mais un institut de sondage compétent et indépendant pour définir le nombre de vendus de leur presse, le profil de leur lecteur et les rubriques consultées. Je fais le pari d’un litre d’huile kabyle contre une olive palestinienne que la majorité des gens qui achètent leurs journaux le font pour consulter la rubrique sportive et la rubrique nécrologique.
Le diction algérien s’applique bien à ces parasites saltimbanques de foire : Yakoul al Ghalla wa iyssab al Milla ( Il mange leur nourriture et puis insulte leur confession).
Il est plus que jamais urgent de se réveiller, car il y a le feu dans la demeure Algérie, les pyromanes et les corrupteurs sont plus nombreux que les réformateurs.
Un changement pacifié et accompagné sous le contrôle de l’ANP qui s’engagerait à respecter et à faire respecter la Constitution et à rester en dehors des luttes partisanes et politiques est urgent avant que le changement ne soit pas imposé contre la souveraineté nationale. Faisons du slogan « pour les idées et le débat » une réalité au service de l’Algérie.
Omar MAZRI – Liberation Opprimés