ٱلَّذِينَ إِن مَّكَّنَّـٰهُمْ فِى ٱلْأَرْضِ أَقَامُوا۟ ٱلصَّلَوٰةَ وَءَاتَوُا۟ ٱلزَّكَوٰةَ وَأَمَرُوا۟ بِٱلْمَعْرُوفِ وَنَهَوْا۟ عَنِ ٱلْمُنكَرِ وَلِلَّهِ عَـٰقِبَةُ ٱلْأُمُورِ
Ceux qui, si Nous leur Accordons pouvoir sur terre, accomplissent la Salat, s’acquittent de la Zakat, commandent le bon usage et interdisent le répréhensible. Et c’est à Allah qu’appartient l’issue des choses. Al Hajj – v41
Si nous devions étudier le sens et la mise en application de ces versets, nous y passerons notre existence sans épuiser le champ de leur possibilités et leur signification. Je vais juste montrer une application méthodologique et politique en terme de gouvernance moderne à travers le terme coranique de Tamkine (pouvoir sur terre, position territoriale) et ses impacts sur le plan de l’aménagement du territoire, de la planification économique, du développement urbain et industriel, et de l’indépendance nationale.
Définition globale
Le Tamkine ou la territorialisation au sens coranique, même si nous la traduisons par « pouvoir sur terre » a une signification plus large : Donner à la communauté l’autorité, les moyens et les facultés de s’établir sur un territoire et y exercer sa vocation sans rival, sans oppression, sans limites autres que celles fixées par la religion ou les membres de la communauté là où la religion a laissé le champ libre. Au delà de la domination sur la géographie et du pouvoir de l’Etat il s’agit davantage de l’établissement d’une société réformatrice et bien agissante (Mujtama’â Sàleh wa Mouslih) qui fait de son territoire de vie un cadre de déploiement de toutes les compétences et de tous les talents et de toutes les possibilités.
Le Territoire (le Makane) : Ses cinq empreintes humaines
Le Tamkine c’est l’instauration de la communauté de croyants sur un territoire de vie pour lui marquer cinq empreintes.
La première empreinte est celle de l’Honorificat originel.
L’homme, croyant ou non croyant, porte en lui le besoin de considération et d’estime qui font de lui cette créature qui est passée d’un grain de poussière insignifiant ou de cette goutte de sperme fétide à une créature honorée et élue dans les Univers. Cet Honorificat est intrinsèque et il va s’exprimer sous forme de quêtes humaines pour réaliser toutes les dignités qui font la grandeur et la noblesse de l’Homme : Dignité humaine, dignité intellectuelle, dignité religieuse, dignité sociale, dignité morale, dignité politique, dignité économique, dignité culturelle, dignité écologique. L’homme n’est pas un animal religieux ou un animal parlant mais un être honoré et vertueux s’il ne transgresse pas lui-même ou s’il ne se soumet pas à ceux qui transgressent cet ensemble de dignité indissociables.
Il n’y pas de vertu à faire valoir ni à communiquer aux autres, y compris la vertu de la foi et de la religiosité, si l’homme n’a pas et garanti l’ensemble de ses dignités qui font de lui une humanité plurielle à partir de laquelle peut émerger la communauté de foi monothéiste qui rejette le Taghut sous ses formes d’idoles, de fétiches, de totems, de préjugés, d’immobilisme et d’aliénation qui le prive de ses dignités et de sa vertu. Le Prophète (saws) a posé l’équation en termes concis fermant la porte à toute spéculation religieuse, philosophique ou eschatologique sur le substrat de l’humanité qui donne l’islamité : « Les meilleurs d’entre vous dans la Jahiliya sont les meilleurs d’entre vous dans l’Islam s’ils font l’effort de connaitre leur religion (Taffakuh fi Dine) ». Il faut être un dépravé ou un polémiste pour penser que Mohamed (saws) par le terme – meilleur – ne visait pas ce qui donne à l’homme sa dignité, son respect, sa vertu et qu’il visait le pouvoir ou la richesse.
La seconde empreinte est la compétence de nommer : Comprendre, lire et désigner les choses, les concepts
L’homme est par excellence est un processus de quêtes, un ensemble de recherches, de demandes, d’aller à la découverte de ce qui fait l’homme dans son humanité et le libère de sa bestialité, de son animalité :
…et par l’être humain, et par Celui qui l’A Parfait, et lui A Donné son impudence et sa piété. A effectivement cultivé, celui qui l’a épurée ; et a effectivement perdu, celui qui l’a souillée. As Shams – v7
Dans le sens coranique la quête est une épreuve qu’Allah fait subir aux hommes pour les distinguer, les différencier en mérites sur le plan des intentions, des actes, de la morale, de la foi et des états spirituels en vue du Jugement dernier que sera un Jour de Rétribution :
Et Nous vous Éprouvons par le mal et par le bien : différenciation (des mérites). Al Anbiya – v35
L’homme, par son intelligence, sa capacité de parler, d’écrire et de lire, de fabriquer et d’utiliser des outils, est mû par plusieurs quêtes : Quête de Dieu, de liberté, de considération, de dignité, de savoir, de territoire, de pouvoir, de puissance, de justice, de vérité, de sens, de beauté, d’amour, de faire…
Pour exprimer ses attributs ontologiques, exercer ses capacités actantielles, tisser des relations sociales et interagir dans les relations économiques et politiques, il faut disposer d’un canevas idéique qui transporte les idées, qui configure les projets, qui exprime la volonté, le savoir, l’art de négocier et le sens. Ce sont les mots, quand ils ne sont pas bavardages futiles et diversion, qui sont les métiers à tisser des complexes de quêtes. Le langage est la voie de formation de l’intelligence et du remplissage des images mentales qui vont nourrir l’imaginaire, ce champ d’exploration mentale, et y laisser l’imagination chercher à former, déformer, assembler et désassembler pour construire des images qui ont du sens, qui sont innovatrices en matière d’idées et de projets de faire. La compétence originelle de l’homme et par conséquent la première et l’ultime quête de son existence est celle de pouvoir et savoir nommer pour désigner, exprimer, clarifier, préciser ses droits et ses devoirs, et éviter la confusion :
Et Il Apprit à Adam tous les noms, puis les Exposa aux Anges et Dit : « Informez-Moi des noms de ceux-là, si vous êtes véridiques ». Ils dirent : « Gloire à Toi! Nous ne connaissons que ce que Tu nous As Enseigné, Tu Es Toi L’ Omniscient, Le Sage ». Il Dit : « O Adam, informe-les de leurs noms ». Al Baqara – v31
La compétence de nommer nous la possédons tous car elle est le nécessaire dont avaient besoin Et Adam pour peupler leur solitude sur terre, se repérer, se rencontrer, peupler la terre, se déplacer, élaborer et réaliser les projets scientifiques, technologiques et techniques. Abandonné à sa solitude, l’homme se sent assailli d’un sentiment de vide cosmique. C’est sa façon de remplir ce vide qui déterminera le type de sa culture et de sa civilisation, c’est -à- dire tous les caractères internes et externes de sa vocation historique. Le Coran pour édifier notre compétence de nommer nous invite à lire les signes coraniques, les signes cosmiques et les signes historiques pour que la compétence de nommer soit un instrument de déploiement dans le territoire revisité par la mémoire et la pensée :
N’ont-ils donc pas été de par la terre, de sorte qu’ils aient des cœurs avec lesquels ils raisonnent ou des oreilles avec lesquelles ils entendent ? En fait, ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais ce qui s’aveugle, ce sont les cœurs qui sont dans les poitrines. Al Hajj – v44
Lire l’histoire pour être capable de distribuer le Bien en n’importe quel lieu, n’importe quel moment et partir en quête pour le chercher, le cultiver et le partager. C’est la vocation du Musulman dans sa compétence humaine de nommer. Il est important à la lumière de ce qui vient d’être dit jusqu’ici de souligner que l’œuvre, pour avoir un caractère islamique, n’a pas besoin de traiter exclusivement de l’Islam mais de traiter aussi de l’humanité et des quêtes de l’homme sous l’angle de l’éthique et de l’esthétique de l’Islam car sans humanité et sans territoire, il n’y a pas d’islamité. Il est encore une fois important de préciser que l’auteur musulman n’est pas confiné à ne parler que de l’Islam en tant que religion mais il doit parler de l’homme, de l’humanité, du monde, de la société en nommant leurs désirs, leurs tendances, leurs penchants, leurs contradictions.
La troisième empreinte est celle de l’exercice de la vocation de Khalife d’Allah.
Cette vocation de Khalife d’Allah sur terre consiste à mettre en action les talents et les facultés cognitives, psycho affectives, sociales sur le territoire (la terre et ses ressources assujetties à l’homme) pour s’y déployer en agent de peuplement, de civilisation, de réforme contre la corruption, et en résistant contre l’agression et l’effusion de sang sans droit ni justice. Pour mener cette vocation de Khalife, l’Homme, croyant ou non, est animé par des quêtes de liberté, de pouvoir, de puissance, de sens, d’appropriation, de jouissance, de considération, d’expression de sa compétence humaine de nommer et de manipuler les choses, les idées, les concepts, les technologies, les techniques et les savoirs…
Le Coran nous montre que le Croyant comme le Prophète ne peut se désister de son devoir de Khalife sur terre ni de l’humanité qui habite ce Khalife. Ce qui va le distinguer des autres est la finalité de son œuvre, l’espérance de la récompense, la vertu et le sens le plus raffiné et le plus noble des dignités humaines mises au service de la responsabilité individuelle (Masouliya) et de la responsabilité collective (Taklife).
Face à la corruption sur le territoire partagé, le Prophète face aux corrompus et à leur suiviste se met sur le plan de la foi mais aussi sur celui de l’humanité qui fédère la communauté plurielle car une concorde sur la justice et la paix laisse l’humain reconquérir ses dignités et reconstruire son islamité sur des bases saines loin du maraboutisme et de l’infantilisme. L’Islamité comme occupation du territoire avec le dessein d’adorer Allah et d’instaurer la justice sociale ne peut être en contradiction avec la vocation de l’humain qui est celle de se libérer, de se civiliser ou de réformer ce qui a été corrompu ou colonisé. Il ne s’agit pas d’aller contre l’humanité, la sienne ou celle des autres, mais de lutter contre la deshumanisation quelque soit la forme, hideuse ou enjolivée, de son visage ou de son discours ou de ses actes :
Invoquez votre Seigneur avec humilité et secrètement : Il n’Aime point les arrogants.
Et ne corrompez pas de par la terre après qu’elle ait été civilisée, et invoquez-Le par crainte et avec aspiration. Certes, la Miséricorde d’Allah est toute proche de ceux qui agissent au mieux. Al Aâraf – v57Et aux Madian, leur frère Cho‘ayb. Il dit : « O mon peuple, adorez Allah, vous n’avez d’autre Dieu que Lui. Vous est parvenue une évidence de votre Seigneur. Acquittez donc les mesures et les poids, ne mésestimez pas aux gens leurs choses, et ne corrompez pas de par la terre après qu’elle ait été civilisée. Cela est mieux pour vous si vous êtes croyants. Et ne guettez point en tout chemin, menaçant et rebutant de la Cause d’Allah, quiconque croit en Lui, en la désirant tortueuse. Et rappelez-vous lorsque vous étiez peu nombreux et qu’Il vous accrut. Regardez quel ne fut le sort des corrupteurs ! Al Aâraf – v85
Et aux Thamùd, leur frère Saleh. Il dit : « O mon peuple, adorez Allah, vous n’avez d’autre Dieu que Lui. C’est Lui qui vous A Formés de la terre et vous y Installa pour la civiliser. Implorez-Le de vous Pardonner, ensuite, repentez-vous à Lui, car mon Seigneur Est Tout-Proche, Il Exauce. » Hùd – v61
Le Coran met en exergue «ذَٰلِكُمْ خَيْرٌۭ لَّكُمْ إِن كُنتُم مُّؤْمِنِينَ Cela est mieux pour vous si vous êtes croyants ». Le mieux est l’excellence du bien tant dans la conduite que le dessein du Musulman qui dépasse les faux clivages pour aller à l’essentiel de la bataille qui se déroule sur son territoire et son époque. Cette bataille n’est pas seulement religieuse et idéologique mais aussi et surtout politique, économique et sociale (éthique et esthétique de vie, de solidarité, de vivre ensemble harmonieux, de dignité, de liberté…). Cette excellence n’est pas en contradiction avec le fait religieux mais l’implique dans l’Islah du Prophète Cho’ayb (as) « Acquittez donc les mesures et les poids, ne mésestimez pas aux gens leurs choses, et ne corrompez pas de par la terre après qu’elle ait été civilisée ».
C’est la raison pour laquelle il ne peut y avoir un projet islamique sans grand projet non seulement politique et économique mais civilisationnel comme Cho’ayb l’appelle de sa force, de sa conviction, de son savoir éclairé par Allah loin des compromissions, des arrangements d’appareils et de la lutte politicienne :
Il dit : « O mon peuple, voyez-vous, si je tiens sur une évidence de mon Seigneur et qu’Il m’Ait Octroyé de Lui-même une bonne subsistance, je ne veux point faire le contraire de ce que je vous interdis. Je ne veux que la Réforme, autant que je peux. Ma réussite ne dépend que d’Allah. Je me fie entièrement à Lui, et c’est à Lui que je reviens. » Al Aâraf – v88
La quatrième empreinte est l’adoration d’Allah :
Et Je n’Ai Créé les djinns et les êtres humains que pour M’adorer. Je ne Veux d’eux nulle subsistance, et Je ne Veux point d’eux qu’ils Me nourrissent. Ad Dàriyàte – v56
Le caractère exclusif du verset « que pour M’adorer » suffit à témoigner que l’adoration d’Allah s’inscrit dans une dimension et un cadre sans limites. Il est impossible de fixer le contenu et les formes de l’adoration d’Allah. Les versets et les Hadiths sont tellement nombreux et les actes humains sont tellement multiples et divers que ni une bibliothèque ni une existence ne pourront énumérer ni les limiter. Les piliers fondamentaux de l’Islam portent l’édifice de l’adoration d’Allah et du service dans sa cause qui va du culte pur et monothéiste, à la libération de l’opprimé, à la civilisation de la terre en passant par la commanderie du bien et le blâme du répréhensible.
La Sourate Al Hajj évoque le pèlerinage, la prière et la zakat sous entendant la Chahada (Attestation de foi) et le Ramadan que le lecteur ajoute de lui-même par pratique du texte coranique et connaissance de la religion.
Le Coran se caractérise par l’ellipse qui donne au lecteur la liberté de construire le sens et qui entraine le lecteur à développer les mécanismes idéiques et imaginatifs pour faire des liens de sens au-delà de l’apparat ou du formalisme littéral car le projet coranique est un grand projet de libération et de civilisation qui repose sur l’homme libéré de l’aliénation, de la médiocrité, du prêt à penser, de l’inertie mentale, politique, sociale ou économique. Tous les énoncés coraniques sont à la fois allégorie, ellipses et mouvement dynamique qui transporte le Croyant dans le monde des idées, des actions positives et constructives sans atteinte à la cohérence, à la globalité et au réalisme à la fois du texte que du territoire dans lequel se meut le Musulman :
Et si Allah ne Faisait réagir les Hommes les uns par les autres, que de cloîtres, d’églises, de synagogues et de mosquées, dans lesquels le nom d’Allah Est beaucoup Invoqué, ne seraient démolis ! Certes, Allah Donnera sûrement victoire à celui qui fait triompher Sa Cause. Certes, Allah Est sûrement Fort, Invincible. Certes, Allah Donnera sûrement victoire à celui qui fait triompher Sa Cause. Certes, Allah Est sûrement Fort, Invincible. Ceux qui, si Nous leur Accordons pouvoir sur terre, accomplissent la Salat, s’acquittent de la Zakat, commandent le bon usage et interdisent le répréhensible. Et c’est à Allah qu’appartient l’issue des choses. Al Hajj – v40
Il n’y a pas de place à l’attente messianique ni au comportement maraboutique ni à l’infantilisme qui conduisent un peuple ou un État, au Nom de la religion, à se désister de ses droits et de ses devoirs alors que leur Dieu leur demande de porter secours aux opprimés, de défendre les valeurs y compris celles des autres et des leurs quand ils sont persécutés ou visés par la prédation colonialiste.
La cinquième empreinte est le témoignage
Il s’agit de faire du territoire un lieu de conjugaison, une grammaire de la civilisation, mettant en harmonie et en interaction de synergie les mentalités collectives, des expériences historiques et des lieux aménagés, urbanisés, mis en valeur pour témoigner de ce qui fait l’Islam parachèvement du monothéisme : l’Honorificat de l’homme, le Khalifat de Dieu sur terre et l’adoration d’Allah, l’Un, l’Unique sans rival ni associé :
C’est Lui [Allah] qui vous A déjà Nommés musulmans, auparavant, et dans ceci [le Coran] : afin que le Messager soit témoin sur vous et que vous soyez témoins sur les Hommes. Al Hajj – v78
Comment témoigner de ce qui fait l’Islam : L’anagogie et l’empathie. L’anagogie est cet élan spirituel vers Dieu avec la conscience de porter l’universel ou d’en être au moins l’écho dans tous les registres ontologiques, sociaux, territoriaux, politiques, économiques et médiatiques. Il ne s’agit pas de se soumettre à l’hégémonie impérialiste ni au despote car l’anagogie est antagoniste avec la culture d’empire et le culte du Taghut ou de Satan qui avilit l’humain, sape la foi, corrompt le territoire de vie et interdit toute expression de témoignage vivant autre que l’apologie stérile et la polémique des hypocrites et des ignorants. L’empathie est cet élan noble et généreux vers l’humanité dans sa pluralité et sa diversité comme élan miséricordieux pour témoigner, dans son cœur, son esprit et son acte de la présence du Miséricordeur Miséricordieux qui a donné existence à ce territoire avec ses ressources, ses hommes, ses bénédictions. C’est aller contre Allah que de faire de ce territoire un lieu de malédiction, un espace de domination de Satan et du Taghut, une corruption généralisée.
Le témoignage n’est pas un luxe ou un privilège pour intellectuel ou écrivain ou concepteur ou hommes politiques mais un devoir pour chaque musulman qui doit participer par ses moyens à produire ce qui donne sens à témoigner, à le diffuser, à le cultiver, à le promouvoir et à le défendre. Le territoire tel que le définit la sourate al Hajj est le lieu de lutte contre l’oppresseur, lieu de prière et lieu de redistribution équitable de la zakat, c’est-à-dire du produit national réalisé par le travail et l’exploitation des ressources. Il n’y a pas de territoire (Makane) si comme le dit le Prophète (saws) il n’y a pas de production de sa nourriture, de son habillement, de ses outillages et de son armement. Il a même précisé qu’il n’y aucun bien à attendre d’un peuple qui se contente de suivre les troupeaux sans but, sans projet de civilisation.
Le musulman ne peut exercer sa vocation et ses missions, dont celle de témoigner, alors que son territoire est profané (najass) par les souillures du colonialisme. Il ne peut y avoir Tamkine sans la consolidation du pouvoir social, politique, économique, urbain, foncier, culturel, industriel, commercial, agraire et intellectuel dans un territoire. Il ne peut y avoir Tamkine si ce pouvoir est entre les mains du colonialisme, des corrompus, des médiocres et des vassaux de l’impérialisme :
Certes, quand les tyrans s’emparent d’une Cité, ils la corrompent et rendent avilis les nobles de ses habitants. C’est ce qu’ils font toujours. An Naml – v34
Après l’indépendance, nous étions dans la possibilité de reconquérir notre territoire dans le sens global et non comme terre ou flotte un drapeau et il est du devoir de chaque musulman de lutter pour une appropriation politique, économique et sociale la plus large de ses ressources nationales pour le profit du peuple et de tous les agents œuvrant dans la transparence, la probité et l’effort méritoire de libérer et de civiliser le territoire :
Et le butin qu’Allah leur A Enlevé pour Son Messager, vous n’avez précipité dessus ni chevaux, ni chameaux, mais Allah Donne pouvoir à Ses Messagers sur qui Il Veut. Allah Est Omnipuissant sur toute chose. Le butin qu’Allah A Enlevé aux gens des Cités, pour Son Messager, revient à la Cause d’Allah, au Messager, aux proches, aux orphelins, aux miséreux, au passager démuni : afin que cela ne circule pas exclusivement parmi les riches d’entre vous. Et ce que le Messager vous a donné, prenez-le, et ce qu’il vous a interdit, abstenez-vous-en, et prenez-garde à Allah, car Allah Punit sévèrement. Et (revient) aux émigrés pauvres, qui furent chassés de leurs demeures et de leurs biens, recherchant une Munificence d’Allah et un agrément, et font triompher la Cause d’Allah et Son Messager. Ceux-là sont les véridiques.
Et (revient) à ceux qui s’installèrent en la demeure et dans la foi, avant eux, qui aiment ceux qui émigrèrent auprès d’eux, et ne trouvent, en leurs cœurs, nulle envie pour ce qu’ils ont reçu, et les préfèrent à eux-mêmes, même s’ils souffrent de pauvreté. Et quiconque se prémunit contre sa propre avarice, ceux-là alors sont ceux qui cultivent. Et (revient) à ceux qui vinrent après eux, qui disent : « Notre Seigneur, Pardonne-nous ainsi que nos frères qui nous devancèrent dans la foi, et ne Laisse pas de rancune dans nos cœurs contre ceux qui sont devenus croyants, notre Seigneur, Tu Es Compatissant, Miséricordieux ». Al Hashr – v 6 à 10
Ces versets ne sont pas abrogés et nous interpellèrent chaque jour eu égard à la corruption des uns et à la paupérisation des autres. Ils nous interpelleront individuellement et collectivement, le Jour où chacun viendra nu rendre des comptes et tout son corps ainsi que son existence viendront comme des témoins contre lui car il n’a pas témoigné dans ce monde et n’a pas fait de son territoire un lieu de témoignage par la dignité, la vertu, la prospérité, la justice, l’équité, le scrupule inspirant aux autres le respect, la considération et non la prédation et l’humiliation.
Le Prophète a laissé un contenu inégalé en termes de justice sociale sur le territoire où vivent les Musulmans en position de pouvoir sur le territoire s’ils ne veulent pas perdre leur territoire et devenir esclaves ou assistés sur leur territoires et sur les territoires des autres :
« Les gens sont associés en quatre : L’eau, le feu, le sel et les pâturages »
Il ne faut pas être un Mufti des monarchies du Golfe ou le grand communicateur d’al Jazeera pour comprendre le terme « butin » des versets d’Al Hachr et les ressources stratégiques ou vitales de la nation dans le hadith. Il n’y a pas de territoire si le Musulman suit sa passion, son opinion ou les inspirations de Satan, des Hommes ou des Djinns au lieu de se conformer à l’esprit de l’islamité qui l’habite sinon à celui de l’humanité qui l’habite.
L’islamité c’est la territorialisation de l’Islam qui sort du cœur pour s’inscrire dans la cité des hommes et le temporel de son existence. La mondialisation et les visées impériales et sionistes rendent les territoires musulmans des proies que les Musulmans eux-mêmes facilitent par l’abandon de leur souveraineté, la médiocrité de leur pensée et l’inertie de leurs moyens politiques, économiques, communicationnels et éducatifs. Nous sommes mis face au devoir d’actualiser notre lecture coranique et de rendre notre lecture du monde réaliste, globale et dynamique pour donner sens et consistance à notre territoire sinon nous le perdrons sous forme de conquêtes coloniales ou de gaspillage de ses ressources naturelles, financières et humaines. Les Musulmans doivent être cohérents avec la réalité du monde, les principes et les méthodologies coraniques puis prendre position sans confusion ni fuite des responsabilités : Résister comme le dit l’énoncé coranique sur le Makane ou désister de leur vocation et de leurs droits territoriaux et ainsi faire des concessions de plus en plus brutales qui vont non seulement toucher leur Makane mais toucher à l’avenir de leurs enfants et à la religion de leurs parents.
Les cinq maitres du Territoire (Makane)
Est-ce qu’après 15 siècles d’islamité nous avons encore besoin de Fatwas pour nous expliquer l’évidence du Coran et les luttes qu’ont mené les Anciens pour briser l’étroitesse du lieu et l’injustice des hommes et les ouvrir à la dignité de l’homme et à la grandeur de l’Islam ? Non ! Nous avons les fondamentaux de l’Islam qui sont des invariants. Avec ces fondamentaux nous devons cultiver notre être ontologique, social et notre territoire en actualisant nos connaissances et en mobilisant nos compétences.
La maitrise du territoire
Quand la Salat est terminée, déployez-vous de par la terre et recherchez de la Munificence d’Allah, et invoquez souvent le Nom d’Allah, afin que vous cultiviez. Al Jumu’a – v10
Nous sommes ordonnés de nous déployer sur notre territoire comme des agents économiques libres et entreprenants recherchant les Bienfaits d’Allah qu’Il a déposé dans les ressources de notre sol, les efforts de nos hommes. Il ne s’agit pas de vivre comme des rentiers, des experts en corruption, des cupides vivant du Riba déguisé en Halal ou en parasite s’enrichissant dans le marché noir et l’économie informelle qu’un système corrompu entretient pour ne pas aborder les questions des libertés et celles de la gestion du territoire et de ses ressources.
C’est en nous déployons sur notre territoire et en comptant sur Allah que nous pouvons alors espérer le Falah. Compter sur Allah ne signifie par être bigot mais agir libéré de la peur du Taghut et de la servitude à ce qui n’est pas Dieu et tout particulièrement à l’État déliquescent et ses maitres sionistes et impérialistes qui l’avilissent et le volent comme l’Idole de la Jahiliya humiliait les idées, confisquait la dignité et poussait à la perversion morale et sociale pour vivre comme des minus habens errant sans but, en marge de l’histoire des hommes.
Le Falah coranique n’est pas le succès mondain ou la réussite sociale éphémère que l’Islam ne prohibe pas si elles sont méritée et licites. Le Falah c’est la culture au sens propre et allégorique : Cultiver son esprit, sa foi, son efficacité sociale, son territoire, sa liberté, sa dignité, sa vertu, sa prospérité économique, son progrès social, son développement scientifique et technologique, les générations montantes, les droits des pauvres, les devoirs des compétents, l’avenir, l’espérance et l’attente de la Promesse divine dans l’au-delà.
Il ne peut y avoir déploiement dans le territoire et culture du territoire et de ses habitants sans l’émergence des maitres de la territorialisation :
La maitrise d’ouvrage
Il y a trois maitres d’ouvrages principaux : l’État, l’agent économique et la société civile qui investissent et s’approprient une œuvre, qui témoignent de leur présentiel temporel et territorial. Il ne peut y avoir maîtrise d’ouvrage sans légitimité. La légitimité se fait par la reconnaissance de l’autorité ou de la propriété qui a le pouvoir et la capacité de faire faire une œuvre, un témoignage, un acte. Quand le citoyen qui donne légitimité est absent ou occulté, il n’y a pas de maitrise d’ouvrage mais népotisme, gaspillage, gabegie, incurie, passe droits, privilèges, non droit et promotion de la médiocrité et de la corruption.
Sans légitimité, sans représentativité et sans droit, le maître d’ouvrage peut imposer sa légalité par le rapport de force, le rapport de corruption et le rapport de clientélisme. Mais il ne peut en aucun cas accomplir ce que ne peut se faire que dans la transparence, le droit et la légitimité. Ainsi :
- Il va travailler sans contrat et imposer ses conditions sans négocier ni définir le terme du contrat lié à l’œuvre ni ses droits et ses obligations ainsi que ceux de ses partenaires.
- Il va se démettre de ses obligations contractuelles.
- Il va agir sans programme, sans calendrier, sans gouvernail, sans cap ni boussole ni consultation avec des partenaires qui ne peuvent exister car lui-même n’existe pas.
- Il va être incapable de définir les besoins, leur priorité et encore moins les entités exprimant les besoins, ni celles portant les projets de satisfaction de ses besoins. Il va jouir de son pouvoir et de sa propriété illégitime sans partage de jouissance, de droit et d’intérêt avec ceux de l’utilisateur final de l’ouvrage qu’il ne connait pas et ne rencontre pas.
- Sans légitimité donc sans normes et sans stabilité, il va cultiver la culture d’allégeance au lieu de celle de la maitrise d’ouvrage qui exige de s’entourer des compétences, juridiques, diplomatiques, économiques, politiques et géostratégiques.
- Il va être dans l’incompétence totale de maitriser ses budgets et ses dépenses ni de les allouer convenablement.
- Il sera dans l’incapacité morale, technique, administrative d’effectuer les opérations de recettes d’un ouvrage c’est-à-dire le réceptionner dans les délais, les prix et la qualité.
- Ignorant tout du métier de maitre d’ouvrage, il va manquer à son devoir de garantir ou de se doter de compétences d’expertises, de garanties et de contrôle.
- N’étant ni autorité ni propriétaire légitime, il sera dans l’incapacité d’assurer l’entretien, la rénovation, la restauration, la modernisation, la réhabilitation, la restructuration de ses ouvrages usés ou obsolètes. Il sera donc sémantiquement incapable de mener des réformes ou de conduire des projets de salut public.
Dans le schéma de représentation coranique il sera dans ces deux images :
Incapable de conduire des réformes :
Il est parmi les Hommes celui dont les paroles dans la vie terrestre te plaisent, qui prend Allah en témoin sur ses bonnes intentions, alors qu’il est le pire des ennemis ; et s’il se détourne, il s’évertue de par la terre pour y corrompre, détruire la récolte et le bétail, mais Allah n’Aime pas la corruption. Et si on lui dit : « Prends garde à Allah », il est pris d’orgueil par sa coulpe. Que la Géhenne lui suffise donc, et quelles piètres couches ! Al Baqara – v204
Les exemples concrets : Les Chantiers de l’Algérie, ses marchés en main, ses clés en mains, ses produits en main, ses chèques aux étrangers qui rédigent les contrats, les feuilles de route. L’Algérien paye et signe et exécute ensuite très mal, même en vendant son pays il le vend mal au point que les acheteurs ne parviennent pas à comprendre comment avec 200 milliards et une manne céleste, les Algériens sont tous des Haragas en puissance.
Ennemi de tout réformateur :
Et Nous avons Envoyé, en fait, aux Thamùd leur frère Salah : « Adorez Allah ». Mais les voilà deux groupes qui se disputent. Il dit : « O mes gens ! Pourquoi vous hâtez-vous dans la mauvaise action avant la bonne action. Que n’implorez-vous Allah de vous Pardonner, puissiez-vous bénéficier de Miséricorde ? » Ils dirent : « Nous t’accusons de mauvais augure, toi et ceux qui sont avec toi ». Il dit : « Votre mauvais augure est auprès d’Allah. Plutôt, vous êtes des gens qui succombent à la tentation ». Et il y avait dans la ville un groupe de neuf qui corrompaient de par la terre et n’amendaient point. Ils dirent : « Jurez par Allah de le tuer la nuit, lui et sa famille, ensuite nous dirons sûrement à son protecteur : “ Nous n’avons point vu le meurtre de sa famille, et nous sommes vraiment véridiques” ». Et ils ont élaboré une redoutable ruse, et Nous Avons Planifié un irrévocable stratagème sans qu’ils ne se rendent compte. An Naml 45 à 50
La maitrise d’usage
L’ouvrage, la réalisation, l’usine, la route, la nouvelle ville et même l’État, au niveau central ou communal, sont en principe destinés à un usage, à un utilisateur. Quand la maîtrise d’ouvrage n’est ni à l’origine de la conception ni en fin de réception l’expression des intérêts ou des besoins de l’utilisateur final de l’ouvrage où va exister la maitrise d’usage. Le maitre d’usage a pour vocation de témoigner son acceptation, manifester ses préoccupations, exprimer ses besoins, participer à la décision qui concerne sa compétence à utiliser.
Dépossédé de sa citoyenneté, il ne va ni participer à la définition de l’ouvrage ni à son utilisation rationnelle. Il va vivre comme un indu occupant sur d’autres espaces et d’autres ouvrages ou comme un vandale détruisant les ouvrages non conformes à ses besoins et pour lesquels ils ne retrouvent ni son âme, ni sa culture, ni son souci, ni son avenir. Il va zapper tout simplement le jour où on le convoque à renouveler son allégeance ou à applaudir pour témoigner devant la caméra de sa satisfaction d’utilisateur sur qui on a commis un déni de droit, un dol commercial, un fardage marketing, une imposture politique.
Le système de reconnaissance qui fonde la légitimité et qui donne à l’un le titre de maitre d’ouvrage et à l’autre le titre de maitre d’usage quand il est obsolète ou inexistant, l’usager n’est pas maitre d’usage mais esclave ou aliéné ou dépossédé de son droit de maitrise par la dépossession de son droit d’expression, de ses libertés, de ses dignités… La maitrise d’usage est indissociable de l’exercice de l’usager, associé à la décision de la maitrise d’œuvre en exerçant lui-même la souveraineté nationale par l’exercice responsable de la politique, de l’économique, de la culture, de l’information, du contrôle des ressources nationales. Tant que le citoyen n’est restitué dans ses droits et ses devoirs, il n’y aura pas de maitrise d’usage ni de maitrise d’ouvrage mais des antagonismes, des révoltes, des émeutes, de la corruption, de la résistance passive où chacun fait semblant d’être maitre de son territoire et pendant ce temps les conquérants prédateurs préparent tout le monde à entrer dans la préhistoire ou à devenir exilé dans son territoire où la seule culture est celle de la « préférence étrangère ».
Dépossédé de sa mémoire collective, de son histoire, de sa religion, instrumentalisées pour donner légitimité à une maitrise d’ouvrage illégitime, l’Algérien va non seulement ne pas exercer son droit et son devoir de maitre d’usage mais il va, par un processus psycho social, se retourner contre son histoire, son identité, son appartenance civilisationnelle et la compréhension saine de sa religion. Il va fuir dans le sensationnel, l’explication eschatologique de l’histoire, l’inertie des bigots et le mysticisme du néant que les successeurs interminables depuis Abou Faracha jusqu’à Sidi Abdelakader Boutef ont cultivés depuis 1992 pour fabriquer la machine à abrutir, à berner et à leurrer, faisant plus de dégâts que les éradicateurs ou les escadrons de la mort. En effet, le mort est auprès du Miséricordeur implorant Sa Miséricorde mais le vivant gangréné par la mythologie et le délire est un agent mortifère, un assassin de la personnalité, un négateur du territoire, et un ignorant en terme de maitrise d’ouvrage ou d’usage car il vit dans un monde d’illusionnistes sans responsabilité ni ouvrage ni utilisateur.
Le peuple ne peut indéfiniment voir son territoire confisqué et son devoir de maitrise d’usage nié. Il va irrévocablement trouver une solution pacifique ou violente mais il ne peut rester dans cette situation d’inertie qui le place ainsi que nous tous dans la situation de défaillants :
Certes, ceux qui se font injustice à eux-mêmes, les Anges leur disent en les rappelant : « Où en étiez-vous ! ». Ils dirent : « Nous étions des opprimés de par la terre ». Ils disent : « La terre d’Allah n’était-elle pas vaste pour que vous y émigriez ? ». Ceux-là alors leur refuge sera la Géhenne, vil destin ! Sauf les opprimés de parmi les hommes, les femmes et les enfants à court de moyens, et qui ne trouvent pas de voie. An Nissa – v97
Chacun de nous doit transcender ses peurs, son insouciance et ses divergences doctrinales ou politiques et prendre par la main, tôt et par nous-mêmes, le changement qui tarde à venir. Le Prophète (saws) nous a laissé face à nos responsabilités « L’image de celui qui ne reconnaît pas les interdits de Dieu et cherche à les abolir et l’image de celui qui les transgresse est celle d’un groupe de gens qui ont tiré au sort pour donner à chacun d’eux sa place dans un bateau. A certains revint le pont et à d’autres la cale. Ceux qui logeaient dans la cale étaient obligés de passer par le pont pour puiser l’eau (de la rivière). Ils dirent : « Si nous faisions un trou dans la partie qui nous revient, nous cesserons de déranger ceux qui sont au dessus de nous ». S’ils les laissaient réaliser ce désir, c’est leur perte à tous ; et s’ils les en empêchent, c’est leur salut à eux et à tous ».
Il s’agit de se prendre en charge avec responsabilité et ne pas faire l’erreur libyenne de s’engager sous un étendard de confusion qui fait triompher les causes des autres au détriment de nos intérêts stratégiques et de nos valeurs religieuses. Si nous manquons de lucidité et si nous tolérons de confier notre destin à d’autres, nous aurions trahi Allah et Son Prophète. Si nous devons faire tomber les criminels, nous le ferons mais avec nos moyens et pour nos intérêts.
Ce serait dramatique que nous versions notre sang, notre sueur et nos larmes pour d’autres tyrans, d’autres vassaux ou pour leurs maitres qui vont une fois de plus mal exercer la maitrise d’ouvrage et nous interdire d’exercer notre maitrise d’usage en faisant de notre territoire une vitrine de ce qu’on appelle le modernisme et qui peut fasciner à première vue. L’Algérie et les Algériens méritent mieux, par leur révolution et par leur jeunesse, que des villes spectacles de type Dubaï ou Las Vegas : Ils méritent de prendre en main leur territoire par eux-mêmes. A cet effet ils doivent être vigilants contre les chants de sirène de l’impérialisme et de ses marabouts, les mêmes qui ont servi le colonialisme français et qui sont prêts à servir n’importe quel maître pourvu qu’ils aient pitance de chien et comportement de pervers sous un habillage de dévots :
Et craignez une sédition qui n’atteindrait pas particulièrement ceux qui ont été injustes d’entre vous. Sachez qu’Allah Punit sévèrement. Et rappelez-vous lorsque vous étiez peu nombreux, opprimés de par la terre, redoutant que les Hommes ne vous arrachent, alors Il vous A Abrités, vous A Soutenus de Sa victoire et vous A Octroyé de bonnes subsistances, pour que vous deveniez reconnaissants. O vous qui êtes devenus croyants, ne trahissez point Allah et le Messager et ne trahissez pas ce qu’on vous a confié, tout en le sachant. Al Anfal – v24 à 27
La maitrise d’œuvre
Quand le maitre d’ouvrage est défaillent, absent ou illégitime et quand en face le maitre d’usage est occulté dans son existence et dans l’exercice de ses droits peut-on parler d’un maitre d’œuvre qui agit à la fois selon le cahier de charges fixé par le maitre d’ouvrage et les besoins du maitre d’usage dont il est logiquement chargé de concevoir, de planifier, de superviser la réalisation des ouvrages ? Non ! Sans une passerelle de concertation et de consultation entre la maitrise d’ouvrage, la maitrise d’œuvre et la maitrise d’usage, nous ne sommes pas en gestion de projet mais en administration de dossiers qui finissent par des appels d’offres à l’Étranger qui impose ses choix et ses prix.
Dans un système clientéliste et fondé sur l’illusion du paraitre, l’intelligence est cooptation et non compétence. Impossible dans ces conditions de créer ou de gérer un ouvrage national, une industrie nationale, une agriculture de subsistance, des logements conformes à notre éthique et à nos traditions. Il n’y a pas de bureau d’études car toutes les conditions en amont (l’éducation, l’enseignement, les finances et la justice) et les conditions en aval (les crises de confiance dans les marchés, les métiers, les usagers et les utilisateurs) sont rédhibitoires. Les compétences ont fuit et celles qui restent sont mise en concurrence dans un échange inégal et immoral : La corruption intérieure et la préférence à l’étranger.
Tous ces éléments font que la maitrise d’ouvrage est en déliquescence comme les magiciens de Pharaon avec l’esprit mercantile et la posture de courtisan devant un système de corruption :
Les magiciens vinrent à Pharaon. Ils dirent : « Aurons-Nous sûrement une rémunération si nous sommes, nous, les gagnants ? » Il dit : « Oui, et vous serez du nombre des rapprochés. » Al A’âraf – v114
Le maitre d’œuvre est une déontologie envers le maitre d’usage et le maitre d’ouvrage, des règles de l’art qui exigent d’être au fait des derniers savoirs et des derniers savoirs faire, mais aussi un talent de créativité. Il est impossible par l’expérience historique du colonialisme ou du despotisme de voir cohabiter l’oppression avec la créativité. La créativité repose sur une imagination sans limite et un stock d’images mentales belles et nouvelles. Un système médiocre et laid ne peut donner naissance à de l’intelligence vive qui produit des belles idées, de beaux comportements, de beaux projets, de beaux ouvrages. Il faut vivre dans un environnement qui produit de la beauté ou de la douleur qui attend l’espérance venant du ciel pour s’inscrire dans la Transcendance et devenir créatif, imaginatif, noble et généreux. Il faut aimer son territoire et ses habitants pour que l’amour se transforme en idées belles et que la production du beau devienne aimable à un maitre d’ouvrage légitime et à un maitre d’usage reconnaissant et participatif.
La vision bureaucratique conjuguée au schéma courtisan et corrupteur du maitre d’ouvrage et au laisser-aller et au laisser-faire du maitre d’usage ne produisent pas une logique de conception et de créativité mais une logique d’appareil et d’organes administratifs statiques. La conception et l’ingénierie sont des process, des schémas à la fois globaux, abstraits et dynamiques tout en collant à la réalité du territoire et tout en exigeant la mise en réseau de processus agissant en synergie entre eux et en symbiose avec l’environnement. Où est la liberté et la reconnaissance qui donnent talent et légitimité à l’acte créatif ?
Dans l’acte créatif il y a la compétence symbolique de tisser du lien social, historique et civilisationnel dans un territoire pour le rendre mieux vivable, plus facile à cultiver dans le sens de Falah. Cette compétence ne peut s’exprimer dans ce qui fait l’homme, la compétence de nommer dans une langue et non dans un dialecte. Cette compétence ne peut s’exprimer sans le cadre imaginatif qui s’appuie sur la mémoire collective, les liaisons culturelles et socio-historiques et tout ce qui participe à la grammaire de la civilisation et à la conjugaison des compétences. La compétence ne peut s’exprimer sans le respect de cette loi universelle qui donne à chacun le droit de quêter dignement la considération et attendre la récompense méritée de son travail :
Dis : « Agissez, Allah Verra sûrement votre œuvre, ainsi que Son Messager et les croyants. At Tawbah – v105
A chacun, des degrés de ce qu’ils ont fait. Ton Seigneur n’Est point Inattentif à ce qu’ils font. Al An’âme – v132
Ces deux versets non seulement autorisent et recommandent l’instauration d’un système légitime de reconnaissance et de sanctions ou de récompenses mais rappellent la conscience et les scrupules qui doivent guider toute idée et tout projet car Allah est le Regard attentif et vigilant que ne surprend ni somnolence ni distraction ni dissipation. Ce regard est aussi celui de la conscience sociale et politique des citoyens qui sanctionnent par la reconnaissance de l’œuvre et de son maitre d’œuvre, faudrait-il encore que le citoyen existe par son exercice politique et économique qui peut faire ou défaire une renommée, un prestige, une fortune. Faudrait-il que ce citoyen existe par son sens esthétique qui suppose un système éducatif performant, un référentiel de valeurs identifié par tous comme étant la norme, et un sens du témoignage en agissant dans la mise en valeur et la protection de ce territoire qui est la cadre d’expansion du talent et des intelligences destinés à le façonner, à la reconfigurer selon l’harmonie et la concorde.
Si le système ne permet que l’émergence des courtisans, des corrompus sans désir de s’inscrire comme des témoins mais aussi comme des actants éducateurs, libérateurs et civilisateurs au service du territoire et de ses habitants alors ce sont les arrogants qui s’installent et instaurent leur valeurs d’opportunistes et de courtisans qui donne pérennité à la médiocrité et la déliquescence du territoire dans sa formulation de maitre d’ouvrage, de maitre d’usage et de maitre d’œuvre :
… ceux dont l’œuvre s’est fourvoyée dans la vie terrestre, et eux pensent qu’ils font le meilleur. Al Kahf – v104
La maitrise d’exécution
Avec un système où les maitres d’ouvrage, d’usage et d’œuvre sont sans prérogatives et sans implication dans le territoire avec des vocations et des exercices responsables de leurs droits et de leurs devoirs dans des espaces contractuels, il ne peut y avoir de maitres d’exécution au sens de respect des règles de l’art, de la déontologie. Il ne peut y avoir que corruption, cupidité, fraudes, bricolage et comme toujours le recours à l’Étranger ou à des chantiers titanesques confiés à des minables qui au nom de la maitrise d’exécution font de l’import et de la revente sur le marché parallèle. Les plus honnêtes sont en situation de faillite ou de reconversion en épiciers.
La maitrise d’expertise, de contrôle, de normalisation et de certification.
Cette méta-maitrise qui peut se trouver sous la forme d’un conseil constitutionnel ou sous la forme d’un contrôle technique de la construction ou d’un expert comptable ou d’un notaire n’est pas viable quand les quatre maitrises qui la sous tendent sont absentes pour lui donner légitimité et surtout la compétence d’être et de faire en matière d’arbitrage, d’homologation, de validation, tant dans l’ouvrage que dans les agents y intervenant. Cette compétence est complexe et sensible car elle est le fruit de l’accumulation des savoirs et des savoirs-faires tant dans chacune des maitrises que dans les rapports qu’entretiennent les différents maitres d’ouvrage, d’œuvre, d’usage et d’exécution.
Un système bureaucratique ou un esprit naïf pourrait se contenter du trompe-l’œil du diplôme – nécessaire mais insuffisant-. Il s’agit de trois compétences qui vont se sédimenter dans le temps et dans le territoire pour témoigner de la méta-compétence. La compétence théorique des savoirs, ; la compétence praticienne des savoirs faire ; et la compétence organisationnelle, communicationnelle et informationnelle des liens institutionnels, des exercices de pouvoir et d’autorité entre les quatre maitrises de compétences qui se déploient dans le territoire sous la supervision et le contrôle formel et parfois informel de la maitrise d’expertise, de contrôle, de normalisation et de certification.
Cette méta-maitrise touche l’ensemble des registres y compris le registre religieux. Il est inadmissible que les Musulmans disposant d’une religion aussi vraie, organisée, rationnelle et saine comme l’Islam puisse tolérer que n’importe qui lance des Fatwas sans consultation ni concertation ni représentativité tant de ses pairs que de la communauté de croyants. Cela n’est possible que si les croyants s’approprient leur religion et la connaissent davantage pour promouvoir une élite religieuse issue d’eux, ayant leurs soucis, portant en leur nom et exprimant leurs intérêts.
Quand le territoire est configuré par ces cinq compétences, quand l’habitant du territoire porte la vocation du Khalifat et de l’Honorificat, alors la communauté de musulmans citoyens peut disposer d’une vision géostratégique, d’une compétence d’anticipation et d’une gouvernance sensée.
« Si les affaires ne sont pas confiées à leurs ayants droits alors qu’ils attendent l’Heure (la fin de leur existence, de leur territoire, de leur civilisation, de leur monde) » Hadith
Mais si nous parvenons à conjuguer avec intelligence et efficacité les cinq pilliers de l’Islam et les cinq maitres de l’aménagement du Territoire et de l’Etat (Tamkine) nous seront non seulement sauvés mais nous aurions gagné les deux mondes.
L’appropriation du Territoire et l’exercice des 5 maitrises
Si nous reprenons l’énoncé de base nous voyons au moins 5 axes de travail collectif :
Et si Allah ne Faisait réagir les Hommes les uns par les autres, que de cloîtres, d’églises, de synagogues et de mosquées, dans lesquels le nom d’Allah Est beaucoup Invoqué, ne seraient démolis ! Certes, Allah Donnera sûrement victoire à celui qui fait triompher Sa Cause. Certes, Allah Est sûrement Fort, Invincible. Certes, Allah Donnera sûrement victoire à celui qui fait triompher Sa Cause. Certes, Allah Est sûrement Fort, Invincible. Ceux qui, si Nous leur Accordons pouvoir sur terre, accomplissent la Salat, s’acquittent de la Zakat, commandent le bon usage et interdisent le répréhensible. Et c’est à Allah qu’appartient l’issue des choses. Al Hajj – v40
Le premier axe est la résistance
La résistance par la Sunna du Dafa’â « faire réagir les Hommes les uns par les autres » comme le spécifie le verset coranique du Tamkine et l’allusion à la Salat qui exige l’endurance et l’alliance des Musulmans et non leur subordination aux intérêts des corrompus, des colonisateurs
O vous qui êtes devenus croyants, ayez recours à la persévérance et à la prière. Certes, Allah est avec les persévérants. Al Baqara – v153
Le second axe est la culture de la vertu et de la dignité
La Salat et la Zakat ne sont pas des formalités de bigots mais occupation du territorial selon des normes éthiques et des programmes cohérents et efficaces pour instaurer la justice sociale sans laquelle la dignité n’a pas de sens et la fraternité islamique reste juste un slogan.
La bonne foi ne consiste pas à tourner vos visages vers le levant et le ponant. Mais la bonne foi désigne: celui qui croit en Allah, au Jour Dernier, aux Anges, au Livre et aux Prophètes; et qui donne de son bien – malgré l’amour qu’il lui porte – à ceux qui sont proches, aux orphelins, aux miséreux, au passager démuni, aux nécessiteux et pour l’affranchissement des captifs; qui accomplit la prière, s’acquitte de la Zakat; et ceux qui tiennent parole s’ils promettent ; et les persévérants lors du malheur et de l’adversité, et au moment du mal de la guerre. Ceux-là sont ceux qui ont été véridiques et ceux-là sont les pieux. Al Baqara – v177
Le troisième axe est l’unité
C’est un devoir de faire converger toutes les forces vives et saines sous un programme unificateur, fédérateur qui place le curseur du clivage idéologique sur les exigences qu’imposent le temps, le lieu et les circonstances, sans confusion ni fausse divergence. Dans les moments difficiles, les hommes sincères doivent mettre l’esprit partisan et les lignes idéologiques de divergences de côté et trouver un dénominateur commun pour défendre leur territoire ou l’aménager ou mettre en vie les maitrises de son aménagement :
Les croyants et les croyantes sont protecteurs les uns des autres. Ils commandent le convenable et interdisent le répréhensible, accomplissent la prière, s’acquittent de la Zakat, obéissent à Allah et à Son Messager. Ceux-là, Allah leur Fera Miséricorde. Certes, Allah Est Invincible, Sage. At Tawbah – v71
Et ne soyez pas comme ceux qui se désunirent et divergèrent à partir du moment que leur vinrent les évidences. Ceux-là auront un immense châtiment. Al Maidah – v105
Le quatrième axe est l’exercice économique
Tous les versets que nous venons de citer s’articulent autour de la Salat et de la Zakat. La Zakat est bien entendu le droit du pauvre, du nécessiteux et du besogneux, du privé de liberté, du failli, du voyageur, du fonctionnaire participant à sa collecte et à sa redistribution. Il ne s’agit pas de la charité chrétienne mais d’une incitation à produire la richesse et à la redistribuer équitablement pour assurer sur des bases socio-économique la justice, l’égalité, la dignité, la liberté et la mise en dynamique de l’ensemble de la société. Cette position qui consiste à supporter un régime despotique ou à tolérer la présence étrangère tout en apportant des aides alimentaires ou à distribuer la Zakat des nantis, des rentiers, des corrompus et de ceux qui ont spolié et confisqué les richesses nationales est une attitude maladive, une posture hypocrite. L’Islam n’a pas institué la Zakat pour rendre la pauvreté une et le chômage fatalité.
Ceux qui dépensent leurs biens pour la cause d’Allah, puis ne font pas suivre ce qu’ils dépensèrent de vantardise, ni de nuisance, auront leur rémunération auprès de leur Seigneur. Nulle crainte pour eux et ils ne seront point affligés. Un dire convenable et un pardon sont meilleurs qu’une aumône suivie de nuisance. Allah s’en Passe, Il Est Longanime. O vous qui êtes devenus croyants, n’annihilez pas vos aumônes par la vantardise et la nuisance, comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les Hommes, et qui ne croit ni en Allah ni au Jour Dernier. Son exemple est comme l’exemple d’un rocher couvert de poussière, qu’une averse frappa et laissa tout aride. Ils n’ont aucune prise sur ce qu’ils ont acquis, et Allah ne Guide point les gens mécréants. L’exemple de ceux qui dépensent leurs biens désirant l’agrément d’Allah et l’affermissement de leurs âmes est comme l’exemple d’un jardin sur une colline : l’averse l’atteint-il, sa production est deux fois plus grande. Et s’il n’est pas atteint par l’averse, il le sera par la bruine. Allah est Omnivoyant ce que vous faites. Al Baqara – v261 à 264
L’exercice libre et souverain du peuple suppose donc l’appropriation, l’usage et la jouissance des ressources du Territoire ainsi que la mise à sa disponibilité de toutes les facilitations juridiques, commerciales, économiques, institutionnelles, organisationnelles, technologiques et financières. Ce sont ces garanties de l’exercice économique du peuple sur son territoire qui vont assurer l’indépendance nationale et de la promotion d’un peuple qui dispose entre ses mains des facteurs de la dignité et des moyens du témoignage.
L’exercice économique orienté vers le monopole des privilégiés est banni dans l’Islam :
…afin que cela ne circule pas exclusivement parmi les riches d’entre vous Al Hashr – v7
La nature et le mode d’exercice de l’exercice économique façonne un territoire et ses mentalités collectives. S’il est exercé par les oligarques et l’économie informelle excluant le peuple de son territoire et le privant de la satisfaction de ses besoins primaires nous avons le schéma actuel de l’Algérie :
… quand le mal le touche, il est affolé, et quand le bien le touche, il devient avare Al Ma’àrij – v21
Quand le peuple est souverain sur son territoire avec une conscience morale, sociale et religieuse il devient mohammadien au sens où l’économique est au service de sa prospérité sociale mais aussi de sa résistance contre l’oppression. La conscience économique d’un peuple résistant est dans la culture du don car l’offre de surplus économique est préférable à l’assistanat et à la mendicité que donne la rente ou l’aide étrangère. Cette conscience sociale ne cherche pas à acquérir mais à donner au point que le Coran les a immortalisés comme modèle de comportement lorsque l’adversité n’est pas en leur faveur pour qu’il puisse donner car ils considèrent que le don est un devoir alors les autres considèrent que prendre indument est un droit :
Nulle faute n’incombe aux faibles, ni aux malades ni à ceux qui ne trouvent de quoi dépenser, s’ils donnent conseils pour l’amour d’Allah et de Son Messager. Aucun blâme n’incombe à ceux qui font le meilleur. Allah Est Pardonneur, Miséricordieux. Ni pour ceux qui, quand ils vinrent te demander montures, tu dis : « Je n’ai de montures à vous donner », et ils s’écartèrent les yeux débordants de larmes, par affliction, de n’avoir pas de quoi dépenser. Le blâme n’incombe qu’à ceux qui te demandèrent dispense alors qu’ils sont riches. Ils se contentèrent d’être avec les défaillants et Allah A Scellé leurs cœurs, c’est pourquoi ils ne savent point. At Tawbah – v91
Il ne peut y avoir humanité ni islamité ni algérianité si les ressources stratégiques sont dilapidées ou confiées en concessions coloniales aux Etrangers pour ne rien laisser aux générations futures. Il ne peut y avoir de légitimité quand une gouvernance thésaurise le capital de la nation sous forme occulte sans garantie de retour. Allah a exigé que la ressource stratégique soit gérée dans un esprit de coopération intergénérationnelle au moment où Madinah se constituait comme Etat embryonnaire mais souverain. Il a ordonné de faire du premier revenu (Al Anfal) pris à l’ennemi mis en déroute à Badr une leçon pour toutes les générations de Musulmans qui se suivent, l’une léguant à l’autre le capital de ses efforts :
Et (revient) à ceux qui vinrent après eux, qui disent : « Notre Seigneur, Pardonne-nous ainsi que nos frères qui nous devancèrent dans la foi, et ne Laisse pas de rancune dans nos cœurs contre ceux qui sont devenus croyants, notre Seigneur, Tu Es Compatissant, Miséricordieux ». Al Anfal – v10
L’Algérien est mis face à des solutions « séduisantes » de crédit et de banques « islamiques » pour développer le consumérisme capitaliste sur la base du crédit et du fétichisme des choses au détriment de la dignité humaine, du travail, de l’investissement productif et de l’efficacité sociale. Ce n’est qu’en reprenenant en main l’exercice de l’économique qu’il peut refonder le système de production des richesses, de leur échange et de leur consommation. Notre Prophète (saws) en arrivant à Médine avait face à lui les puissances impériales qui l’encerclaient mais aucune possibilité de developpement et de liberté : Les finances, le foncier, le marché, l’industrie, l’armement, l’immobilier n’étaient pas aux mains des Musulmans qui venaient de plus en nombreux de la Mecque sans bien, sans métier et sans toit. Les acte symboliques après la construction de la mosquée et de l’asile pour les pauvres sont : La construction des écoles, le démantèlement de tous les monopoles, l’ouverture de grands chantiers à Médine conduits par des Musulmans. Il a transformé l’opprimé en civilisateur libérateur. De tout ses gestes sublimes, l’histoire retient celui où il s’inclina et embrassa la main calleuse d’un travailleur agraire : L’Islam honore le travail. Ce ne sont pas les fausses banques islamiques qui recyclent les pétrodollars dont a besoin l’Algérie mais des agences d’investissements s’appuyant sur une modernisation des finances et de l’économie libérées du Riba et des pratiques ribawi contre lesquels Allah a déclaré la guerre.
Le cinquième axe est l’exercice politique :
Si l’économique est l’enjeu réel, le politique compris comme œuvrer pour l’intérêt public est le plus déterminant car il va organiser les pouvoirs sinon mener la lutte pour que la résistance contre la dictature politique, économique et étrangère soit mobilisée et efficace. Nous voyons par exemple sur le plan économique comment le Coran a placé le politique pour que l’économique ne soit pas confisqué par les nantis et les opulents :
…afin que cela ne circule pas exclusivement parmi les riches d’entre vous Al Hashr – v7
Et si Nous Voulons Faire périr une Cité, Nous accordons le pouvoir à ses opulents : ils s’y livrent à la perversité. Alors le châtiment lui incombe. Al Isra – v16
Sans exercice politique, le peuple ne peut donc s’approprier son territoire ni participer en tant que maitre d’usage et encore moins fournir des élus et des compétences pour conduire la maitrise d’ouvrage, la maitrise d’œuvre, la maitrise d’exécution et la maitrise d’expertise. Il restera juridiquement, économiquement et politiquement un incapable, un marginal. Comme les versets le montre, la lutte politique va arracher la confiscation des richesses par les parasites et les opulents et moraliser la vie sociale, politique, culturelle, communicationnelle, informationnelle, médiatique, commerciale et institutionnelle. La moralisation n’est pas un discours bigot moralisateur mais des praxis politiques, sociales et économiques où le peuple exerce sa souveraineté par la participation, par le contrôle et par sa reconnaissance qui donne légitimité ou rend illégitime un pouvoir, une propriété. C’est par l’exercice politique que le peuple va former sa conscience sociale et politique qui fera de lui le regard qui approuve ou désapprouve, encourage ou interdit telle pratique et tel comportement selon la conformité ou non à ses valeurs, à ses coutumes, à ses lois…
Revenons au verset sur lequel nous avons construit notre exposé sur les cinq maitres, les cinq piliers, les cinq exercices de souveraineté et d’aménagement sur le Territoire (Makane) sur lesquels se fondent la planification et la programmation urbaine, industrielle, agricole, technologique et scientifique :
Ceux qui, si Nous leur Accordons pouvoir sur terre, accomplissent la Salat, s’acquittent de la Zakat, commandent le bon usage et interdisent le répréhensible. Et c’est à Allah qu’appartient l’issue des choses. Al Hajj – v40
Ce verset, qui définit la vocation du Musulman sur son territoire, a présenté, évoqué la Salat car elle est la quintessence de l’Islam, la moralisation ontologique et sociale qui garantit la vertu et l’exigence de respecter les dignités, ainsi que le caractère institutionnel de l’exercice de la politique comme le précise les versets suivants :
Et ce qui est auprès d’Allah est meilleur et plus permanent, pour ceux qui sont devenus croyants et se fient à leur Seigneur, et ceux qui évitent les plus graves des péchés et les paillardises, et qui, s’ils se mettent en colère, Pardonnent. Et ceux qui ont répondu (favorablement) à leur Seigneur, qui ont accompli la prière, et dont leur affaire est une consultation entre eux, et qui dépensent de ce que Nous leur Octroyâmes, et ceux qui, s’ils sont frappés de tyrannie, triomphent. La punition d’un mal est un mal pareil. Quiconque pardonne et s’amende, sa rémunération incombe alors à Allah. Il n’Aime pas les injustes.
Et quiconque triomphe après avoir subi une injustice : Ceux-là alors ne leur incombe aucune responsabilité. Mais la responsabilité incombe à ceux qui sont injustes envers les gens, et qui tyrannisent de par la terre sans juste cause. Ceux-là auront un douloureux châtiment. Et quiconque persévère et Pardonne : Cela est vraiment de la haute détermination. As Choura – v36 à 43
Ces versets bien entendu renforcent le premier axe, celui de la résistance, en rendant obligation de triompher de l’injustice, de l’oppression sans outrepasser les limites morales ni transgresser les prescriptions divines ni demeurer dans un état de guerre à l’infini. Le Fiqh islamique est très éloquent et très détaillé même si nous voyons ces derniers temps des savants, des gourous se réclamant de l’Islam passer outre et imposer leurs opinions, leur esprit de revanche et l’agenda de l’OTAN, des États-Unis, de la France et de l’entité sioniste avant les intérêts de leurs peuples et les règles islamiques.
Ces versets instituent d’une manière formelle l’exercice politique du peuple avec cette remarquable conjugaison du spirituel, du politique et de l’économique « qui ont accompli la prière, et dont leur affaire est une consultation entre eux, et qui dépensent de ce que Nous leur Octroyâmes ». Cette règle est renforcée par l’injonction faite au Prophète qui est notre modèle de référence :
C’est grâce à la Miséricorde d’Allah que tu es doux envers eux. Si tu étais brutal, rude de cœur, ils se seraient détachés de toi. Soit donc magnanime envers eux, implore pour eux le Pardon, et consulte-les dans la prise de décision. Et si tu prends ta décision, alors fie-toi à Allah. Certes, Allah Aime ceux qui se fient à Lui. Al ‘Imrane – v159
Tous ces versets traitent de la constance sur la méthodologie islamique qui a institué l’exercice politique en libérant l’homme du culte du Taghut et en refusant les cultures d’empires des Perses et des Byzantins ou le système des castes de l’Inde ou de la Chine ou le système des hiérarchies religieuses des Juifs et des Chrétiens. L’exercice politique est un devoir car c’est par lui que se fait le Tamkine de la Oumma (la territorialisation).
Il ne s’agit pas ici de débattre des controverses théoriques et méthodologiques ou doctrinales sur le vote, sur les institutions ou sur le rapport entre Choura et démocratie. Au-delà des mots, ce qui nous intéresse ici c’est l’affirmation de l’exercice libre et populaire de la politique pour garantir la souveraineté du peuple contre le monopole, les oligarchies, les polyarchies, les monarchies, les autocraties et l’anarchie. Ce qui nous intéresse est de donner un contenu et une finalité à l’exercice politique et aux institutions à travers lesquelles s’exerce la politique. Il ne s’agit pas d’imiter l’Orient ou l’Occident mais d’être capable de produire une pensée politique autonome et féconde pour imaginer un système inédit ou plus adapté à nos réalités sociales, culturelles, historiques, religieuses et territoriales dans la concertation responsable et transparente. Ce serait un faux débat que de mettre la souveraineté du peuple comme antinomique avec la Souveraineté d’Allah, de le rendre comparables ou de les confondre.
La priorité est de rendre l’exercice politique un acte populaire libéré des forces de l’argent, des appareils bureaucratiques et sécuritaire et à l’abri des manipulations médiatiques. C’est à ces conditions que le politique (l’homme) et la politique (la mise du territoire au service du Musulman et de ses dignités) prennent leur sens dans nos valeurs, dans notre histoire et dans l’avenir des générations montantes. Tout faux clivages, en ces moments, est de la diversion idéologique, de la subversion étrangère, de la confusion.
La préférence étrangère et la maitrise du territoire
Ceux qui pourraient être alléchés par un scénario libyen, croyant naïvement ou hypocritement, que l’OTAN, les Etats-Unis et la France sont des oeuvres de charité et de bienfaisance internationale et qu’ils n’ont pas des objectifs stratégiques et géopolitiques, devraient peut-être relire la carte du monde et relire le Coran ou méditer la Fatwa de Cheikh Al Ibrahimi contre le colonialisme :
Ceux qui prennent les mécréants comme protecteurs au lieu des croyants, recherchent-ils auprès d’eux l’invincibilité ? Certes, l’invincibilité en totalité appartient à Allah. An Nissa – v139
Quiconque recherche de la considération, c’est à Allah qu’appartiennent les égards en totalité. Vers Lui monte la bonne parole, et l’œuvre vertueuse, Il l’Élève. Et ceux qui édifient des stratagèmes de nuisance auront un sévère châtiment. Et la ruse de ceux-là se perdra d’elle-même. Fatir – v10
Le Territoire perd sa vocation coranique quand le colonialisme externe et le despotisme interne profanent et souillent ce qui donne sens et consistance : Les hommes, les idées, l’exercice politique et économique, l’organisation et le vivre ensemble. Désacralisé et souillé l’homme devient un fragment de Wahn mis en reproduction pour faire éclater son territoire et donner la préférence à l’Etranger. Ceci n’est pas nouveau. C’est ainsi que la regression et la décadence du monde musulman a commencé comme l’explique Ibn Khaldoun : « on voit toujours la perfection dans la personne d’un vainqueur (…) Le vaincu adopte alors les usages du vainqueur et s’assimile à lui : C’est de l’imitation pure et simple.».
La dégradation morale et idéique du mimetisme pousse à une dépendance idéologique, politique, économique et culturelle des dominés envers le dominant les réduisant à l’impuissance et au Wahn. Ibn Khaldoun explique : « quand un peuple perd le contrôle de ses propres affaires, est réduit comme en esclavage et devient un instrument aux mains d’autrui, l’apathie le submerge. […] Les vaincus s’affaiblissent et deviennent incapables de se défendre. Ils sont victimes de quiconque veut les dominer et la proie des gros appétits (…) Lorsqu’un peuple perd le contrôle de ses propres affaires et devient l’instrument d’autrui ».
Le colonialisme et le despotisme souillent le Territoire et le brisent par un processus de détéritorialisation qui fait fuir les valeurs, la spiritualité, les idées, les compétences, le vivre ensemble, l’argent… Il devient un comptoir commercial ou une base coloniale : Un lieu de pillage des ressources et d’excursion des agressions contre les indigènes et les voisins. Ce sont deux schémas qui produisent un territoire artificiel qui fait fuir et qui désintègre. L’artificiel, même sous des apparats sensationnels, est un phénomène de détéritorialité car l’homme est accessoire. Ces sont les idées des autres qui s’exercent contre les valeurs du peuple poussé au rempli, à la fuite, à la corruption ou à l’exil.
Aujourd’hui nous sommes confrontés comme en 1954 et en 1962 à la même loi coranique du changement :
Allah ne Modifie rien en un peuple jusqu’à ce qu’ils changent ce qui est en eux-mêmes.} Ar Ra’âd – v11
Nous devons réaliser une nouvelle territorialisation fondée sur un changement ontologique et un consensus social qui donne à la société et ses valeurs le pouvoir libre de fédérer, de codifier, de normaliser et d’arbitrer sur le plan politique, économique et culturel. Changer sous l’impulsion du colonialisme et lui ressembler, ou changer par nous mêmes et ressembler à nous-mêmes? Nous pouvons être libres si nous redonnons de la considération à l’Homme qui habite le Territoire et lui permettre de reconstruire son autonomie dans ses idées, son argent, son organisation,ses hommes et son sol.
En brisant tous les liens de dépendance et de servitude avec le despotisme et avec la colonisation, nous pouvons alors opérer le processus de territotalisation qui consiste à faire du territoire une force d’attraction. La Wasatiya, comme centre de gravité des forces centripètes qui produisent de la richesse, de la liberté, de la culture, des idées et de la résistance contre l’oppression et l’injustice. La Wasatiya comme reseau de centres de rayonnement civilisateur.
Le Territoire n’a de réalité et de devenir que dans sa capacité interne et autonome à être structurant et captivant pour ses membres : Etre fédérateur, intégrant, rassurant, stabilisant et promoteur. C’est dans ce cadre que faire du retour à l’héritage arabo-islamique devient signifiant car il s’inscrit dans une ingenierie libératrice et civilisationnelle confiée à tous, et non dans l’apologie d’un passé révolu confiée à des charlatans.
وَالَّذِينَ هَاجَرُوا فِي اللَّهِ مِنْ بَعْدِ مَا ظُلِمُوا لَنُبَوِّئَنَّهُمْ فِي الدُّنْيَا حَسَنَةً وَلَأَجْرُ الْآخِرَةِ أَكْبَرُ لَوْ كَانُوا يَعْلَمُونَ
Et ceux qui se sont exilés pour Allah après avoir subi injustice, Nous les Établirons certainement dans une position prééminente dans le monde. Et sûrement, la rémunération de la vie Future est plus grande, s’ils le savaient An Nahl – v41
Bonsoir Omar,
Le Coran est un système complet et cohérent, il n’ y pas de versets abrogés.
Le principe même d’abrogation contredit le caractère universel et intemporel du Coran.
Ce principe rend le Coran dépendant d’un situation sociale, géographique…donnée
Un verset c’est comme un diamant à plusieurs facettes, on accède à une facette dans un contexte.
L’abrogation décrite dans le Coran concerne des versets des autres livres révélés et non pas des versets dans le Coran.
Il n y a pas plus savant qu’Allah gloire à lui.
Ahmed
Salam, Ahmed
Je suis heureux de rencontrer un homme intelligent et sensible sur l'aborgation des "versets".
Vous me dites "Le Coran est un système complet et cohérent, il n’ y pas de versets abrogés". C'est la vérité. J'ai compris la logique des orientalistes et la maladresse des arabes qui ont imité les orientalistes mais je ne suis pas parvenu à comprendre la logique qui a fait dire à certains anciens qu'il y a des versets abrogés comme si Allah (swt) improvise ou se rend compte après coup que celà doit être confirmé et ceci abrogé.
Le Coran est dans le Lawh al Mahfoudh donc immuable et inchangeable. Par contre il a été révélé en fragments successifs comme pédagogie incitative et réponse pour qu'il soit ancré dans les consciences et appliqué dans la réalité et ne pas être un livre dans une bibliothèque. J'ai étudié le terme – ayat – et j'ai trouvé que selon le contexte il n'a pas la même signification. Dans certains cas il signifie le verset coranique. Dans d'autres cas il signifie le signe. Dans le cas du nasekh et al Mansoukh, il s'agit des révélations antérieures : La Thora et al Injil sont des versets révélées mais abrogés par le Coran car ils ont été falsifiés d'une part et car le principe monothéiste ne permet pas la coexistence de trois livres divergents ou différents. Le Coran est l'ultime révélation destiné à triompher sur toutes les religions, il est donc l'aborgeant. A l'intérieur il n'y a pas d'abrogés mais un diamant avec plusieurs facettes par lesquelles ont lit des réalités sous des perspectives diférentes ou comme le vin, la guerre et autre fait, il y a la loi de la progressivité et non de l'abrogation.
Si on accpete l'idée de l'aborgation, on a introduit une incertitude pour le lecteur alors que chaque lecteur doit être capable de lire un Livre rendu facile par Allah et sur lequel Allah a dit qu'il ne comporte aucun doute. Ceci dit mon article aborde la question du Tamkine et ses significations de gouvernance dans une période grave où le néocolonialisme tente de nous déposséder de notre territoire, de notre islamité après que les despotes ont confisqué nos libertés, nos facultés ontologiques et sociales de Musulman.
Salam à vous