Interview de Abderrezak Mokri, président du MSP à TSA
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Vous avez été très critique sur la participation de l’Algérie au défilé du 14 juillet en France…
D’abord, un problème se pose concernant la gestion de la communication autour de l’annonce de la participation de l’Algérie à cet événement. Est-il concevable que des responsables politiques français soient au courant de ce qui se passe au sein des institutions de l’État algérien avant même que ne le soient l’opinion publique algérienne et les responsables politiques algériens. Fabius avait déclaré que l’Algérie allait participer au défilé. Chose qui a été immédiatement démentie par le secrétaire général de l’Organisation nationale des Moudjahidine, Said Abadou. Interrogé, un ministre avait également émis des doutes quant à la participation de l’Algérie.
Ensuite, cette affaire donne l’impression qu’il n’y a pas de possibilité de contrôle sur les décisions prises par les gouvernants en Algérie. Ils font ce qu’ils veulent. Alors que cette participation, par exemple, est une question qui concerne tous les Algériens car elle est sensible. Elle nécessite une concertation et un débat.
Le ministre des Affaires étrangères a estimé que le peuple algérien « honore ses propres contributions à la liberté à travers le monde ». Qu’en pensez-vous ?
Autant ce défilé constitue un événement enthousiasmant pour les Français, autant il réveille de mauvais souvenirs chez les Algériens. À travers la participation des autres nations à ce défilé, les Français veulent donner une dimension internationale à l’événement pour souligner la participation de toutes ces nations à la libération de leur pays. Sauf que les Algériens avaient pris part à la première et à la deuxième guerre mondiale alors que leur pays était colonisé. Ils n’ont pas participé en tant que nation souveraine. Et ils ne l’ont pas fait de leur propre gré. Ils ont été forcés à le faire. Il ne faut pas l’oublier. M. Lamamra ne dit pas la vérité. Comment peut-on honorer la participation des Algériens alors qu’ils ont été forcés à faire la guerre, qu’ils ont été massacrés dans les tranchées, qu’ils étaient la chair à canon à offrir aux Allemands, aux Nazis. Et cela pour les la liberté de la France et pas de l’Algérie. À l’issue de la guerre, les Algériens ont été trahis. Il y a eu le massacre de mai 1945 !
Vous estimez que cette participation peut porter atteinte aux principes fondateurs de la politique étrangère algérienne. Comment ?
La politique étrangère algérienne repose sur le patrimoine de la guerre de libération. Entre les Algériens et les Français, il y a un contentieux. Les militaires algériens ne doivent pas défiler avec les militaires français. Il y a une histoire entre nous. Et les Français refusent la repentance alors qu’ils demandent toujours aux Turcs un acte de repentance par rapport à ce qui s’est passé avec les Arméniens. Nous sommes des enfants de Chouhada et de Moudjahidine. Nous revendiquons la repentance et l’indemnisation.
En 1830, quand la France a colonisé l’Algérie, 90% des Algériens savaient lire et écrire. En 1962, 90% d’entre eux ne savaient ni lire, ni écrire. Nos parents étaient des illettrés. La France n’a pas seulement commis des massacres et des bombardements, elle a aussi été à l’origine d’une aliénation culturelle totale. On constate aujourd’hui que l’Algérie a changé de politique étrangère vis-à-vis de la France. Et cela est dû à la volonté de Bouteflika et de ceux qui l’entourent pour rester au pouvoir. Ils ont besoin du soutien de la France. Ils font donc des concessions pour se maintenir au pouvoir et préserver leurs intérêts.
Après l’organisation de la conférence nationale pour la transition démocratique, l’opposition, notamment la coordination, semble entrer en hibernation…
Cela est normal et même logique. Une transition démocratique nécessite une volonté commune de l’opposition et du pouvoir. Ce dernier ne veut pas de transition. Nous allons donc nous inscrire dans le long terme. Ce qui nous intéresse, c’est de protéger l’unité de l’opposition et mener des actions continues pour éclairer l’opinion publique. Avant la conférence, nous avions des ambitions qui se sont concrétisées. Maintenant, nous avons des projets et des responsabilités. Nous étions six membres. Maintenant, nous sommes associés à plusieurs personnes.
Les membres de la CNLTD se sont justement réunis aujourd’hui. Où en êtes-vous actuellement ?
Nous sommes dans une deuxième étape du processus. La commission de rédaction a présenté des idées qui ont été proposées lors de la conférence nationale de transition démocratique. Le projet de plateforme a été globalement approuvé, mais il y a eu de nouvelles propositions. Au cours de la réunion, nous avons parlé de la méthode pour élaborer ce texte qui ne subira pas beaucoup de changements. L’adoption finale du texte aura lieu lors de la prochaine rencontre de la CNLTD. Nous n’avons pas encore fixé une date, mais celle-ci se tiendra probablement la semaine prochaine. Ensuite, nous recontacterons les participants pour leur remettre le texte. Avant la fin du ramadan, nous entamerons la série de conférences thématiques avec une rencontre autour des modes de transition démocratique et les différentes expériences dans le monde. Nous n’avons pas donné une date précise parce que l’organisation de la rencontre est liée aux autorisations pour les salles.
Est-ce que la Coordination sera ouverte à de nouveaux membres ?
Non, la Coordination restera comme elle est. Après le ramadan, nous mettrons en place l’instance de suivi et de concertation dans le cadre de laquelle nous nous réunirons périodiquement (avec les participants à la conférence nationale) pour débattre et se mettre d’accord sur des questions politiques. Cette instance sera à Mazafran, mais pas avec le même nombre de participants.
SOURCE : www.tsa-algerie.com