Malek Bennabi disait qu’il ne faut lire un évènement grave avec les yeux d’un journaliste fasciné ou vendeur de sensationnel, mais avec l’esprit d’un sociologue, d’un psychologue et d’un politique qui dissèque les faits, leur genèse et leur aboutissement sans affectif ni agenda partisan ou sectaire.
Nous sommes face à un coup d’État blanc comme celui de janvier 1992 avec pour le moment pas de répression ni de vagues terroristes donnant légitimité à la violence de l’État.
On parvient cependant à voir la stratégie de communication qui nous fait prendre des « vessies pour des lanternes ». La règle de la bonne communication c’est informer son audience avant, pendant et après l’évènement. L’excellence de l’intelligence narrative n’est pas dans l’expression linéaire, mais dans l’expression en chevauchement comme dans le digramme de Gant. Le temps que les endormis comprennent le sens du premier message qu’il est déjà digéré par le second et ainsi de suite. C’est ce qu’ils font en manipulant l’opinion.
Le scénario est préparé depuis longue date. Ils avaient besoin de temps, mais surtout du climat propice pour annuler les élections et ne pas recourir au verdict populaire. Ils haïssent le peuple, ils ne croient ni en la démocratie, ni en la République ni aux Droits de l’Homme. Ils n’obéissent à aucune éthique, à aucune patrie. Leur maitre est l’Étranger.
Ils sont en train d’expliquer aux chancelleries qu’ils maitrisent la situation tout en recevant des ordres directs des deux principales chancelleries qui maitrisent la décision finale qui scellent leur sort de scélérat et le nôtre de minable victime. Les partis politiques algériens et la société civile algérienne sont sortis des mêmes écoles délabrées, des mêmes mosquées caporalisées, des mêmes casernes où le Djoundi est maltraité, volé de sa maigre pitance, des mêmes laboratoires de l’Empire et du sionisme.
Le scénario tunisien n’est pas loin de notre mémoire et de nos frontières. Les Ghannouchi et sa Nahda, Merzouki et ses droits de l’homme, les syndicats progressistes et leurs avant-garde socialiste, se sont effacés devant l’ancien système débarrassé d’un Tyran devenu inutile aux yeux de ses maitres étrangers. Nous ne parlons pas de Benali, mais de Bourguiba qui se retrouve unis avec Bouteflika sur le plan de la sénilité et de la ruse diabolique. Les populations tunisiennes frontalières de l’Algérie sont toujours en lutte de survie, mais les bourgeoisies compradores et les élites compradores sont toujours repues en servant les intérêts de l’oligarchie mondiale. Le masque démocrate, libéral, islamiste ou nationaliste, ne change rien à leur nature prédatrice, immorale et traitre.
La question se pose avec plus d’acuité : Qui sont les véritables patrons de l’Algérie ? Ceux qui ont planifié et exécuté les coups d’État blanc et les coups d’État militaires ne sont plus aux commandes civiles et militaires, mais la machine fonctionne de la même manière avec des acteurs masqués. Elle fonctionne de la même manière en Algérie, en Tunisie, en Égypte, au Soudan. Il y a bien un maitre d’œuvre et un seul mode d’emploi ! Les peuples mis en situation de fantasmer et de délirer ne sont que le décor.
Dans la tragédie grecque, le chœur récite à l’unisson le drame implacable joué par les acteurs connaissant parfaitement leurs textes. La seule mission des acteurs est de mettre de l’empathie ou des intonations nouvelles ou l’exécution. Les spectateurs sont dans l’ambiance du jeu, ils connaissent eux aussi le texte, mais ce qui l’intéresse c’est le cirque, c’est à dire le jeu d’acteur. La Renaissance occidentale et tout particulièrement en Italie a relancé la tragédie grecque en inventant le scénario. Le scénario est à l’origine le système du spectacle, c’est-à-dire la grande machinerie et les grands décors mobiles pilotés par des mécanismes pour donner l’illusion du changement de temps et de lieu. Derrière ce procédé, il y a des techniciens et des artistes experts dans l’art de la fascination et de la sidération. Il n’y a pas d’improvisation : ce sont des calculs minutieux, des dessins précis, des harmonies chromatiques et des chronométrages savamment élaborés. Nous sommes un grand peuple ? Deus Machina, Cheval de Troie et autres trouvailles ne sont pas des récits enfantins, mais des stratagèmes qui ont fait dire aux armées mis en brèche ou en déroute « méfier-vous des Grecs, surtout lorsqu’ils vous font des offrandes »
Quelles sont les offrandes destinées aux Algériens : la perpétuité du système (les textes fondateurs de la mythologie judéo-chrétienne et gréco-romaine, avec rénovation des acteurs et adaptation des scénarios).
Faisant partie du scénario, les agitateurs médiatiques sur les réseaux sociaux font du buzz, mais brouillent les cartes en exprimant l’affectif se faisant passer pour des informés, proposant des solutions. En réalité, ils cherchent à négocier le partage, mais ils ne font pas peur au système. Ce ne sont que des voix médiatiques. Pire, elles appellent à l’effondrement de ce qui reste de l’État algérien et ne voient pas les conséquences dramatiques pour les populations et le devenir de l’Algérie. Elles ne voient pas que le système attend d’eux ce comportement infantile pour qu’il s’impose logiquement comme seule alternative crédible et fiable. Il veut être le rempart contre l’intégrisme, la violence, le désordre alors qu’en réalité c’est lui le fauteur de chaos et de corruption. Les communicants et les politiciens lui facilitent la tâche et lui redonnent la légitimité.
En écoutant attentivement vous allez décrypter l’appétit, la revanche et le zaïmisme, ces tares qui nous ont massacrés depuis trop longtemps.
Il n’y a pas de solution miracle : Le rapport des forces doit être construit sur l’adhésion des populations organisées et conscientes des véritables périls qui menacent l’existence de l’Algérie. Le rapport d’intelligence est déterminant car il éclaire le rapport de force et le recadre sur les véritables ennemis, le véritable combat et le véritable terrain de lutte. Contre l’expression irresponsable et manipulatrice, il faut éveiller les consciences pour que l’idée de rupture et de changement s’ancre dans nos limbes et nos neurones au point de devenir un désir collectif que personne ne peut stopper. Le désir n’est pas le festif (la Zerda) mais l’imaginaire libéré de la peur et de l’insouciance puis l’élan organisé de tout l’être vers le devenir imaginé. Il ne peut y avoir d’imagination si le stock d’images mentales est totalement vide ou totalement rempli de chimères, de fausses illusions et de fausses solutions.
Il n’y a pas de désir lorsque la réalité est mal perçue et la vérité mal comprise, mais convulsions et tkharbit.
La bataille réelle est à la fois sur le rapport des forces et le rapport d’intelligences. Le régime et ses maitres sont toujours plus forts.
Sur le plan de ces doubles rapports où nous exprimons notre faiblesse criarde, l’oligarchie mondiale et les canailles qui ne pouvant gouverner un peuple, veulent nous imposer l’éclatement territorial sur des bases linguistiques, ethniques et idéologiques.
La post modernité sous le contrôle de l’Empire s’appuie sur les sectaires, les ignorants et les assoiffés de pouvoir pour imposer la solution syrienne : diviser la Syrie en cinq émirats, liquider la cause palestinienne et détruire une des dernières armées arabes. Le plan a échoué. Ce plan était déjà élaboré pour l’Algérie. Il n’est pas neuf. Les gens qui criminalisent l’ALN et le FLN historique font semblant de ne pas voir l’échec de la France à découper l’Algérie. Ils ne veulent pas voir ce qu’il est advenu du Soudan et du Yémen.
Le pire voire la trahison, c’est de faire croire que le fédéralisme est la solution, oubliant que la solution américaine fédérative est une intégration de plusieurs états qui étaient indépendants et en guerre civile. Nous étions l’Empire Numide, mais Rome nous a vaincu. Nous étions l’État algérien, mais la France nous a vaincu. Il n’est pas humiliant ni décisif sur le plan historique de perdre devant un ennemi plus fort, mais il est honteux de maintenir les causes de sa défaite et d’en rajouter d’autres plus nocives.
La France, l’Italie et l’Allemagne, les plus grands États-nations du monde sont le résultat d’un processus historique et social d’agrégation et non de désintégration. Nos apprentis idéologues, traitres à la souveraineté nationale et partisans du sectarisme ethnique et linguistique, veulent nous entrainer dans la partition géographique et politique. Ce scénario n’est pas anodin.
J’ai toujours dénoncé la Constituante dans les conditions de flou politique et de confusion idéologique. Dès qu’on touche aux sensibilités nationales et au sentiment nationaliste, on met le feu à la véritable guerre civile. Il ne s’agit plus de réprimer une partie de la population qui « a mal voté » ou de mater une insurrection armée, mais d’engager les forces militaires dans des choix idéologiques, politiques et religieux. A ce niveau-là, c’est un bataillon contre un bataillon, une brigade contre une autre, une division contre une autre, une région miliaire contre une autre. Avec l’encerclement de nos frontières libyennes, sub-sahariennes, marocaines, avec 1200 km de façades maritimes, avec de la subversion idéologique, avec des populations armées et manipulées : ce n’est plus une guerre civile, mais l’apocalypse.
Que les Berbéristes anti Algérie et anti Islam prennent leur responsabilité. Les Chaouis ne marcheront jamais dans vos plans, les Kabyles ne marcheront jamais dans vos manipulations, les Touaregs ne marcheront jamais dans vos combines, les Mozabites ne se laisseront pas duper. Un groupuscule sectaire ne peut disposer de la mentalité collective et de l’histoire à sa guise. Les maitres à penser atlantistes, français ou sionistes ne vous seront d’aucun secours avant le Jugement dernier.
On se pose la question sur le pourquoi des « gens de l’Est qui commande l’armée », elle n’est pas anodine. Ces gens ne sont pas les véritables décideurs et ils ne représentent pas l’Algérie profonde. Les postes clés civils sont aux mains des Berbéristes et des « Marocains » (voir notre article sur ce sujet). Sur les 900 000 personnels de l’effectif militaire, 75% sont originaires de l’Est algérien pour des considérations historiques et sociologiques, ils feront la différence si les situations venaient à dégénérer. Sur l’effectif de l’ALN e du FLN historique, les Kabyles ont toujours été dans le feu de la bataille de l’indépendance et de grands partisans de l’unité algérienne. Da Hocine Ait Ahmed est un fils de notables « Chourafa ». Le FFS a été poussé à l’éclatement car la ligne historique du FFS est pour une Algérie plurielle, sociale et musulmane. Les plus grandes figures réformatrices musulmanes algériennes sont d’origine kabyle. Vous êtes perdant sur toute la ligne.
Vous êtes une création du colonialisme et des services algériens. Dégagez ! Imputez l’anti berbérisme au MTLD qui a sapé l’indépendance de la Kabylie et a falsifié l’histoire de l’Algérie est une mythologie. Messali Al Hadj relève du jugement de l’Histoire, même si nous ne partageons pas ses points de vue et que nous considérons en notre âme et conscience qu’il fait partie des élites incompétentes que Malek Bennabi traite de « pourritures ».
Nous sommes dans un coup d’État et le rideau va se lever comme en 1962, 1965 et 1992 : Constitution bafouée. État neutralisé, Élite corrompue, Justice complice, agendas étrangers en œuvre. L’ANP est une fois de plus mise en situation d’intervenant, d’ultime recours, de décideur de circonstance ou d’appareil de pouvoir.
Comment va-t-elle réagir ? Nous connaissons les décisions de ses caciques et de ses bureaucrates, mais les États-majors opérationnels, les chefs de garnison, les forces terrestres, les commandos qui ont fait le serment de défendre l’Algérie. Nous sommes à l’ère de la communication, le Djoundi ne peut plus être coupé du monde. Ils vont intervenir par la loi de la nécessité existentielle ou historique. Je ne suis pas dans l’armée, je ne connais pas l’état d’esprit des troupes, mais par expérience, j’ai la certitude que la majorité des officiers, des sous-officiers et des Djounouds sont écœurés. A un moment donné, la conscience va réagir : tuer pour qui, mourir pour qui ?
Les années passées ont été traumatiques. Aucune conscience ne sort indemne à la vue des corps déchiquetés, des cadavres, des ruines, de l’odeur du sang.
Qu’est ce qui se passe maintenant : instauration de l’État d’urgence ou de l’État de siège, de la loi martiale, de la mise en place d’un « conseil national ».
Nous pouvons reproduire le conseil des cinq abrutis, le conseil des « sages » comme les trois singes qui n’ont rien vu, rien entendu et rien dit. Nous pouvons aller sur un véritable coup d’État militaire et revenir à l’ère de Boumediene. Celui qui fait un pronostic et qui prétend avoir tout compris et qu’il dispose de données est un menteur qui crée du buzz.
Il reste deux certitudes, mais dont les actions et les résultats à ce stade sont inconnus :
- L’intérieur et la périphérie du système sont minés : chacun est convaincu qu’il détient la légitimité de la « réconciliation nationale » par les armes ou par la ruse politicienne. Ils doivent s’affronter et l’un doit s’effacer devant l’autre, sinon ils vont disparaitre tous. Personne ne peut savoir l’issue de ce combat décisif, la seule certitude c’est qu’il ne profitera pas à l’Algérie car chacun se mettra au service de l’Étranger et chacun mettra ses canailles et ses canassons aux commandes. Bouteflika était décrit comme un canasson par Khaled Nezzar en 1992. Nezzar est à la retraite, Bouteflika est aux commandes malgré qu’il soit devenue une momie.
- L’Étranger n’est pas unifié. Nous avons l’opposition entre la Russie qui veut que les Algériens règlent leurs problèmes sans ingérence étrangère et l’Occident qui veut maintenir son hégémonie politique, économique, culturelle et financière. L’Occident exerce le chantage et veut plus de concessions. Les Français et les Américains ne sont plus à l’unisson sur l’Algérie et l’Afrique. Vont-t-ils s’entendre à nos dépens ou livrer bataille sur notre sol ?
Le destin va s’accomplir au rythme historique et selon les lois de l’Histoire et de la sociologie. Les hommes ne font que gesticuler et afficher des ambitions. Tout ce qui est fondé sur le faux ne dure pas parce qu’il est fallacieux. L’écume est condamnée à disparaitre. Ce qui est utile devra demeurer tant que des hommes de bien sont présents.
Le scénario se met en place, les acteurs sont prêts, la scène est savamment éclairée avec ses zones d’ombres et de lumières, le texte est déjà écrit, un grain de sable peut changer la donne comme le fait un pet de moustique selon l’avis des thermodynamiciens. Ce peuple va-t-il être ce grain ou ce pet ? Je ne sais pas, le peuple est une entité trop abstraite pour compter sur lui. Les forces populaires ne semblent pas comprendre. Nous ne sommes plus en période électorale, mais nous pouvons dire que Ali Ghediri et Mouloud Hamrouche sont parmi les seuls à voir la tragédie dans son ampleur.
Ali Ghediri récuse aujourd’hui ce que les réseaux sociaux lui imputent et confirment nos précédentes analyses sur sa campagne.
Omar MAZRI – ALGERIE RUPTURE