L‘Armée Algérienne Nationale et Populaire vient d’acter la vacance du pouvoir et de demander l’application de l’article 102 de la Constitution algérienne. Le Président devrait présider l’Algérie pendant 45 jours et s’éclipser après la tenue des élections présidentielles. Les « civils » algériens fonctionnent comme des despotes qui ne sollicitent aucun avis et ne rendent compte à personne.
Nous saluons cette décision attendue par nous depuis déjà longtemps. C’est une décision historique, courageuse et rationnelle. Elle démontre les points suivants :
- L’ANP, contrairement à ce qu’on dit fonctionne à l’intérieur de ses structures d’une manière « démocratique ». Toute décision importante est soumise à délibération. Les chefs opérationnels prennent la décision après analyse de la situation réelle et évaluation des risques.
- L’ANP rompt avec l’aventurisme dans lequel elle a été conduite par Khaled Nezzar et ses équipes.
- L’ANP a agi en véritable maestro qui intervient selon les critères professionnels de pertinence, d’opportunité, de cohérence et d’efficacité. Elle avait tout le temps et toute la latitude pour identifier les acteurs, leurs mobiles, leur réseau, leur déploiement et leurs rapports de force et d’intelligence. C’est un véritable coup de pied dans la fourmilière. Contrairement au sentimentalisme et aux vœux, l’ANP a agi avec beaucoup de mesure et de justesse.
- Le risque majeur est de voir son chef d’État-major contesté par le « peuple ». Ceux qui connaissent le fonctionnement de l’armée et la nature du pouvoir algérien savent que le secrétaire général du MDN, le Ministre de la Défense ou le Chef d’État-major ne sont que formalismes administratifs : la décision réelle appartient au cabinet présidentiel. Le président Bouteflika était otage des clans et des cabinets. Tout le monde va apparaitre sous sa véritable nature et son véritable poids. Pour l’instant, le choix était limité : faire démissionner Gaïd Salah et se retrouver dans une nouvelle crise de légalité ou jouer la légalité à fond. C’est ce second choix, plus difficile, mais plus judicieux qui a été fait et nous disons aux Militaires algériens bravo ! Vous avez épargné à la Nation un coup d’état classique ! Vous vous êtes réapproprié le serment : servir la Nation et défendre la Constitution. Nous vous rendons hommage et nous vous témoignons notre reconnaissance.
- L’acte 6 du « dégagez » n’est qu’à son début. Nous sommes en présence de l’acteur principal qui a déjoué le plus grand complot contre l’Algérie et qui renvoie l’initiative au peuple. Nous attendons les réactions du peuple.
Pour l’instant disons quelques mots du complot déjoué :
حق أريدَ به باطل
Haqq ourida bihi Bâtil
Le droit, le vrai et le réel, supposés ou exprimés, sont l’artifice le plus vicieux mais le plus efficace de la lutte idéologique par lesquels le colonialisme et ses alliés internes parviennent à berner les esprits handicapés et réaliser l’injustice, le faux et la fiction.
Lorsqu’on observe attentivement les scènes de liesse populaire et qu’on les confronte aux déclarations des « élites » indigènes et aux consignes à peine voilés des étrangers, on arrive à tenir le bout du fil d’Ariane qui mène à ces agents mis à nu :
A – Des Éradicateurs qui croyaient que l’heure propice avait sonné pour prendre le pouvoir en réitérant les révolutions colorées et les printemps arabes.
B – Des ignorants purs produits du délabrement de l’école et de la mosquée qui ne savent pas ce qui se joue et se trame, mais qui s’empressent de colporter les rumeurs, de les amplifier et de leur donner du crédit.
C – Des journalistes partisans qui ont profité de l’ouverture démocratique pour instaurer leur dictat idéologique, leur ingratitude envers l’État et leur mépris de l’Algérien.
D – Des corrompus et des rentiers qui voulaient maintenir le système en changeant de vitrine.
E – Des revanchards et des infantiles qui cherchaient l’anarchie.
Tous ces ingrédients convergeaient vers trois buts :
- Le premier consiste à discréditer et criminaliser le FLN historique et l’effacer de la conscience algérienne. Le colonialisme sape l’histoire. C’est chose faite à cause de l’incompétence et de l’opportunisme des individus qui se sont accaparés les appareils du parti. Ces sinistres canailles ont isolé, depuis l’arrivée de Chadli et surtout depuis janvier 1992, les hommes intègres et compétents comme Abdelhamid Mehri, Mouloud Hamrouche et tant d’autres.
- Le second consiste à discréditer et criminaliser l’ALN et l’effacer de la conscience algérienne. Il fallait transformer le peuple algérien en un immense estomac et une minuscule cervelle. Il fallait pousser le peuple et son armée à se livrer bataille sanguinaire. Il fallait corrompre quelques généraux et les livrer à la vindicte populaire. Il fallait pousser l’armée à plier, à battre en retraite et livrer les clés du domaine stratégique. L’ANP vient de se sortir de ce piège. Il lui faut continuer sur la voie populaire.
- Le troisième consiste à isoler l’Algérie et la laisser démanteler comme un héritage colonial à partager entre les Français et les Américains. Ceux qui avaient réagi contre la déclaration de Serguei Lavrov ont montré leur ignorance totale des enjeux sinon ont étalé leur complicité avec l’Empire et le sionisme et leurs valets qui ont perdu toute notion de souveraineté et de dignité.
Ceux qui avaient appelé, par inconscience, par revanche, par calculs politiciens ou par liaisons avec les officines étrangères à l’anarchie sont mis KO debout. L’Algérie ne produit pas sa nourriture, ni ses équipements. Elle ne produit pas son argent sauf la planche à billet et la rente des hydrocarbures. Elle ne produit pas d’élite syndicale sauf des rentiers et des agents de subversion idéologique. Toutes ces tares devaient conduire le peuple à l’anarchie qui dévaste ce qui lui reste d’économie et d’appareils étatiques. Saper l’avenir du pays et laisser la nouvelle gouvernance en crise sociale, politique, financière et économique.
Lorsqu’on appelle le peuple à la désobéissance civile, à l’occupation des aéroports, à la grève générale, sans leader, sans syndicats crédibles et organisés on réalise trois objectifs :
- L’intervention répressive de l’armée avec ouverture probable à une guerre civile.
- Le refus d’aller vers le retour à la légalité constitutionnelle. Nous nous attendons donc à ce que monsieur Bensalah, le président du Sénat, soit contesté par les journalistes, la société civile et les partis politiques.
- L’intervention concertée des « coalisés » pour défendre ce qui leur « appartient » : le pétrole. C’est eux qui font les recherches, l’exploitation, la commercialisation, la fixation des prix et la politique des hydrocarbures. Nous ne faisons que toucher des commissions qui se transforment en majorité en corruption et le reste en rente de survie.
Nous ne savons pas encore quelles seront les suites en matière de processus démocratique, de restauration de L’État de droit par la voie des urnes et des institutions, de lutte anticorruption. Nous savons que les comploteurs ont été déjoué. Nous savons aussi que Les opportunistes vont crier à la victoire.
Nous savons que le cabinet de la présidence tente de s’opposer à l’armée en proposant un « comité » des sages et une transition d’au moins un an. Est-ce que l’ANP va céder, est-ce que le peuple va se faire duper ? Est-ce que les étrangers tirant les ficelles vont trouver des auxiliaires et des exécutants pour contourner la souveraineté populaire ? Ils disent ouvertement que l’Algérie a un poids stratégique (pétrole et lutte antiterroriste) qui dépassent la volonté des Algériens. Nous entrons dans une lutte de volonté contre la volonté du peuple, celui-ci va-t-il se laisser déposséder ?
Le peuple va juger par son bulletin de vote si tout se passe bien et s’il n’y a pas de scénario à l’égyptienne dans les coulisses.
Nous savons que nos analyses ont été presque un sans-faute. Nous avons la conviction que la seule voie de compréhension et la seule posture honorable dans les grands moments historiques est de rester vigilant sans esprit partisan, sans esprit sectaire, sans ambitions et de ne pas se focaliser sur les gesticulations et les accessoires. C’est ce que nous avions fait pour la Tunisie, L’Égypte, la Libye et la Syrie.
La clé de la compréhension de l’épilogue de la pièce jouée est la confirmation ou l’annulation des élections ainsi que l’énoncé de l’ensemble des garanties que nous avons énoncées dans un article. Parmi ces garanties :
- La presse, la radio et la télévision publiques seront-elles neutres, objectives, équitables et impartiales ?
- Les jeunes émergents politiquement pourront-il s’organiser (associations, assemblées populaires, journaux, sites internet …) ?
- L’appareil de Justice sera-t-il indépendant en se constituant en Conseil supérieur de la Magistrature nommé par voie d’élections. Les avocats et la défense pourront-il renouveler leurs syndicats. Les Corps intermédiaires pourront-il se réorganiser et séparer le politicien du syndicaliste ?
- Beaucoup de questions ont été posé après octobre 88, elles sont d’actualité.
Nous sommes heureux d’avoir pu éclairer nos lecteurs et d’avoir tenu la route malgré les injures, les diffamations et les pressions. Nous sommes heureux que le paysan algérien devenu officier ne puisse être compris par l’observateur étranger. Delaware, ancien général des Renseignements français, interviewé et colporté par des journalistes algériens, a été incapable de se pronostiquer faute de faire une analyse rigoureuse sur l’Algérie et les Militaires algériens.
Je fais, ici de la déduction logique et anticipative, la réalité est plus complexe et plus dynamique.
Omar MAZRI