Peu de crayons à rouler sous les tables. En Suède, voilà plus de dix ans que les tablettes numériques règnent en maîtresses dans les établissements scolaires. Pour faire des exercices, suivre les leçons, mener des recherches ou passer des évaluations… La plupart des élèves ne se frottent vraiment à l’écriture manuelle qu’en deuxième année d’école élémentaire, l’équivalent du CE1.
En 2013, déjà, cela inquiétait Elin Lindström, mère de deux bambins de moins de 5 ans dotés d’iPad dans leur jardin d’enfants de Tegelhagen (sud-est). On a parfois l’impression que les élèves servent de cobayes », remarquait Elin dans le journal local.
Crainte vite balayée par la directrice, Linda Ekstrand : Tous nos élèves finissent par apprendre à écrire.
La génération du tout-numérique
a grandi. Et les doutes avec. Nous constatons une crise de la lecture
, alerte en mai dernier la ministre de l’Éducation Lotta Edholm, dans le quotidien Dagens Nyheter. Selon le classement international Pirls (Progress in international reading literacy) publié mi-mai, le pourcentage d’enfants de dix ans éprouvant des difficultés à lire a bondi de 12 à 19 % en cinq ans.
Une baisse de niveau
Une régression à relativiser. Les Suédois restent parmi les bons élèves, au 3e rang de l’Union européenne en compréhension de l’écrit » (
la France est 16e). Et la baisse de niveau n’est pas liée qu’au numérique : dans ce pays autrefois très accueillant, la crise migratoire de 2015 a vu arriver dans les écoles des enfants maîtrisant mal le suédois. La pandémie a aussi plombé les apprentissages.
Mais pour la ministre aucun doute : la Suède est allée trop loin. Dans le journal Expressen, elle fustige le manque de sens critique
du milieu éducatif, trop de personnes considérant la numérisation comme bonne, quel que soit son contenu
. Pour elle, les vieux manuels scolaires présentent des avantages qu’aucune tablette ne peut remplacer
.
Marche arrière toute, donc ! Dès la rentrée, le 21 août, les petits Suédois ressortiront crayons et papiers. De quoi alourdir l’ardoise : pour racheter des livres, le gouvernement de centre-droit débloque l’équivalent de 58 millions d’euros dès cette année. Auxquels il faudra ajouter 44 millions l’an prochain, puis en 2025. Chaque élève disposera alors d’un livre par matière.
Ce revirement pourrait faire du bruit… jusqu’au Brésil. Le gouverneur de l’État de Sao Paulo, quatre fois plus peuplé que la Suède avec 44 millions d’habitants, a décrété la fin des manuels dans les collèges dès la rentrée. Une décision très politique. Ces livres, fournis par le gouvernement de gauche, seront remplacés par des programmes numériques mitonnés par l’équipe du gouverneur, un proche de l’ex-président d’extrême-droite Jair Bolsonaro.
SOURCE : Ouest France