Dans la série « Études coraniques »,j’avais, entre autres, analysé Le Phénomène Coranique – Malek Bennabi qui est une réponse magistrale à ceux qui soutiennent que le Coran est d’inspiration chrétienne. Si Malek Bennabi se positionne sur le plan de l’historicité de la Révélation et du Moi psychologique du Prophète pour démontrer l’authenticité du Coran, Fadel Samaraï, le grammairien irakien, se positionne sur le plan de la syntaxe et du lexique pour montrer la rationalité et l’authenticité du Coran.
Dans son livre « نبوة محمد من الشك إلى اليقين La Prophétie de Mohamed – Du doute à la certitude » Fadel Samaraï raconte sa quête de Dieu, sa quête de vérité qui l’a amené à trouver Allah puis à partir à la quête de la connaissance d’Allah qui l’a amené à étudier les principaux livres sacrés de l’humanité pour se consacrer finalement à l’étude scientifique du Coran qui l’a amené à l’Islam. Ayant trouvé la vérité dans le Coran, il a fait de l’étude de ce livre sa vocation dans l’existence ce qui l’a conduit à produire son propre tafsir du Coran se basant uniquement sur le potentiel intrinsèque de la langue arabe sans influence « religieuse ».
Je livre une synthèse de « La Prophétie de Mohamed – Du doute à la certitude » en lui faisant subir quelques arrangements pour la rendre plus accessible au lecteur francophone et avec quelques ajouts personnels. Il ne s’agit donc pas d’une traduction fidèle, mais d’une appropriation d’une partie du livre de Fadel Salah Samaraï.
Le Coran nous dit que Mohamed (saws) est Prophète pour la raison qu’il a reçu la Révélation divine (le Coran) transmise par l’Ange Gabriel. Cette révélation est reçue par Mohamed (saws) comme sens compris par le cœur et l’esprit ainsi que comme parole entendue pouvant être transcrite intégralement et fidèlement en écriture :
{Dis : « Qui est ennemi de Gabriel ? », car il l’a Révélé en ton cœur, par le Vouloir d’Allah, corroborant ce qui le précéda, ainsi que Direction infaillible et bonne nouvelle pour les croyants. […] En fait, Nous t’avons révélé des Signes évidents et ne les nient que les pervertis.} Al Baqarah 96 et 98
{Nous le révélâmes un Coran (en langue) arabe pour que vous raisonniez.} Youssef 2
{C’est sûrement la Parole d’un noble Messager, et ce n’est pas la parole d’un poète, combien peu vous êtes croyants ! Ni la Parole d’un devin, combien peu vous vous souvenez ! C’est une Révélation du Dieu des Univers.} Al Haqqah 40 à 42
{Et c’est sûrement une Révélation du Dieu des Univers, Il a été révélé par l’Esprit digne de confiance, en ton cœur, afin que tu sois du nombre des avertisseurs, en langue arabe pure.} As Shou’ara 194 à 196
{… si un des polythéistes te demande refuge, donne-lui refuge afin qu’il entende les paroles d’Allah, ensuite fais-le parvenir à son lieu de sécurité. Cela, parce que ce sont des gens qui ne savent pas.} At Tawbah 6
Le mécréant ou l’ignorant pourrait dire quel crédit donner à votre Prophète dont la preuve de sa prophétie tient à un livre dont il prétend avoir reçu révélation et qui prétend qu’il est Prophète : ce Coran pourrait-il être rationnellement une preuve logique ?
Oui le Coran pourrait être rationnellement une preuve logique de la vérité ou du mensonge de la Prophétie de Mohamed (saws) puisqu’il affirme sa véracité tout en mettant en défi ses détracteurs de prouver sa fausseté. Sur le plan de la raison la question se résume ainsi : Si le Livre de Mohamed est incontestablement vrai alors Mohamed est incontestablement Prophète, mais si le Livre de Mohamed est faux ou contient une fausseté alors incontestablement Mohamed est un imposteur :
{O Hommes ! Une Preuve (Borhane) vous est venue en fait de votre Dieu, et Nous vous révélâmes une Lumière évidente.} An Nissa 174
Le Coran se présente non seulement comme argument, signe, évidence, mais comme Borhane c’est-à-dire une preuve éclatante, incontestable et irréfutable en tout lieu, tout temps et sur toute chose. Il suffit donc de présenter un fait, un signe, un témoignage, scientifique ou linguistique, mettant en cause la validité d’une seule assertion coranique pour que le Coran perde de son caractère d’invulnérabilité et d’infaillibilité qui attestent qu’il est d’origine divine et non mohammadienne. Jusqu’à ce jour le Coran fait preuve d’attaques de la part de nombreux détracteurs, mais aucune de ces attaques n’est crédible.
Il faut être un fou, un faux prophète, ou un drogué vivant au milieu d’ignorants sinon un authentique missionné par Dieu et en avoir la certitude pour affirmer dans la solitude et l’hostilité générale que ses paroles sont une révélation divine, qu’elles sont inattaquables et qu’elles sont une preuve évidente et inaltérable. Contre l’accusation de folie, d’envoutement et de délire, Mohamed avait la Parole d’Allah pour défense :
{Tu n’es pas un fou, par la grâce de Ton Dieu. Et tu auras sûrement une rémunération ininterrompue, et tu es sûrement d’un caractère élevé. Tu verras alors, et ils verront, lequel d’entre vous est le possédé.} Al Qalam 1 à 4
Ce Coran qui défend Mohamed (saws), qui le soutient, qui lui donne ses réponses et qui atteste de sa Prophétie doit sur le plan logique être une pure invention de Mohamed ou véritablement la Parole d’Allah. Il ne peut y avoir d’autres alternatives.
Dans ce Livre, en son contenu, en sa structure et en sa formulation, doit donc nécessairement se trouver son mensonge ou sa vérité. C’est ce que les linguistes appellent la cohérence interne. Dans le rapport de ce Livre aux événements historiques et aux personnages doit aussi se trouver son mensonge ou sa vérité. C’est ce que les linguistes appellent la cohérence externe. Il n’existe pas de méthode plus rationnelle pour étudier un livre, un récit, une information.
Le défi à la rationalité c’est lorsque l’objet d’étude devient sujet qui interpelle la raison et lui demande d’être objective et méthodique dans son étude :
{Ne méditent-ils donc pas le Coran ? S’il venait d’ailleurs que de la part d’Allah, ils y auraient trouvé beaucoup de contradictions.} An Nissa 82
Le défi à la rationalité c’est lorsque que l’œuvre présumée de Mohamed témoigne que Mohamed auteur présumé de l’œuvre n’en est que le véhicule de transmission :
{Le Messager a foi en ce qui lui a été Révélé par son Dieu} Al Baqarah 285
{C’est en toute Vérité que Nous l’avons révélé, et c’est comme Vérité qu’il est révélé. Et Nous ne t’avons envoyé qu’annonciateur et avertisseur. C’est un Coran que Nous avons fragmenté afin que tu le lises aux hommes avec pondération ; et Nous l’avons intégralement révélé. Dis leur : « Croyez-y ou n’y croyez pas »} Al Isra 105
{Mohammad n’est rien d’autre qu’un Messager : nombre de Messagers sont passés avant lui.} Ali ‘Imrane 144
{Tu ne peux, toi, guider ceux que tu aimes, mais Allah guide qui Il veut.} Al Qassas 56
Le Coran qui place Mohamed (saws) comme simple réceptacle et véhicule et qui invite non seulement à examiner sa cohérence interne et externe, mais à l’étudier méthodiquement dans son lexique, sa syntaxe et son style dispose donc intrinsèquement de la preuve rationnelle et évidente de son authenticité, de sa véracité et de son incomparabilité.
Le Coran ne se contente pas de poser l’équation de son authenticité en termes de cohérence logique, interne et externe, et en termes d’auteur réel, mais il se confronte aux Livres sacrés pour les corriger, les compléter ou montrer leurs falsifications
Le Coran en faisant de l’étude de la cohérence interne et externe non une simple évocation accidentelle, mais un principe méthodique qu’on retrouve dans l’ensemble du Coran et sur tous les plans pose le problème de son authenticité et de sa vérité à un niveau inégalé de rationalité :
{Parcourrez donc la terre et observez…} Ali ‘Imrane 137
{Nous leur Montrerons Nos Signes dans l’Univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur soit évident que c’est la Vérité.} Foussilat 53
Lorsqu’Allah dit que ce Coran est un Borhane, preuve incontestable, cela signifie que ce Coran dispose non seulement des éléments de réponses philosophiques, linguistiques et scientifiques à toute quête de Dieu, mais contient l’argumentation logique et rationnelle pour fonder sa vérité et la présenter non seulement comme vrai, mais comme vérité absolue et incontestable.
Pour voir plus en détail la compréhension du Borhane comme Signe vous pouvez consultez l’article : L’intellectuel et le savant entre le Signe et le Sens
philosophiquement et scientifiquement parlant, lorsque le Coran se présente comme vérité et comme preuve, il signifie donc qu’il peut se passer de toute la rhétorique religieuse et de tout le préalable de la foi pour apporter ses preuves à l’esprit curieux animé par la quête de vérité pour la vérité. Bien entendu le manipulateur idéologue qui aborde le Coran avec des préjugés repartira avec ses préjugés et son ignorance avec en plus la frustration d’avoir perdu du temps. Le quêteur de vérité ne trouvera aucun argument philosophique, scientifique, historique ou linguistique pour réfuter le Coran et le Prophète à qui il a été révélé. Les rigolos arabes qui jouent aux athées et aux agnostiques pour appartenir à la modernité occidentale sont des rigolos, car comme dirait Victor Hugo : « le lion qui imite un lion n’est qu’un singe » : il leur manque le parcours du solitaire véridique en quête de vérité et qui la cherche dans la création, les livres et la méditation.
Le Coran interpellant la raison humaine, se libère de la pensée religieuse et s’ouvre à la pensée humaine, aux interrogations de l’humanité. Mohamed (saws) n’avait ni école philosophique, ni groupe religieux, ni parti politique, ni association scientifique, ni académie de langue, il n’avait que le Coran pour affronter les moqueries, les railleries, les doutes, les questionnements et la quête de vérité ou de mensonge des hommes de son époque. Ces hommes étaient divers donc avec des questions diverses traduisant l’esprit du Juif, du chrétien, de l’arabe païen, de l’instruit, du bédouin, du rebelle, du cynique, du nihiliste, du monothéiste, de l’allié aux Perses ou aux byzantins, du vieux, du jeune, du méditant, du pragmatique… Mohamed répondait, car il s’adressait à l’âme humaine avec la Parole du Créateur de cette âme.
Ceux qui voulaient résister au Borhane ont été vaincus. Certains avaient désisté de leur opposition en embrassant l’Islam ou en refusant de lui être hostile, d’autres avaient refusé l’humiliation de leur raison mise en échec et avaient transféré leur échec en haine contre l’homme qui portait les idées et les paroles qui les ont terrassés intellectuellement et socialement. Contre le doute et la méfiance, Mohamed (saws) offrait la conviction et la confiance que lui donnait le Coran.
Dans ce combat entre la vérité et le mensonge, entre la preuve incontestable et l’opinion, entre l’argumentation et l’insulte, il n’y a pas de place aux débats secondaires, futiles ou accessoires. Avant de débattre du culte, du licite et de la morale il faut d’abord accepter ou réfuter les fondamentaux : Mohamed (saws) est-il Prophète ou non ? L’Islam est-il la religion de Dieu ou non ? Le Coran est-il authentique ou non ? Le Jugement dernier est-il vrai ou une légende ? Qui mérite d’être adoré : Allah ou une créature ? Combien de musulmans, y compris au sein des élites, inconscients de l’état du monde et de leur devoir, se trompent de priorités et de combat.
Mohamed (saws), connu par sa société comme un homme intègre, franc, sincère, loyal et ne savant ni lire ni écrire comme la majorité des Arabes de son époque, va donc leur offrir un Coran dans leur langue arabe que presque tous parlent avec éloquence.
J’ai développé longuement la thématique de la langue arabe dans les articles suivants Le Divin « piégé » – La Guerre contre l’Arabe
Ce Coran va leur parler de Dieu et de la foi. Il va leur dire que Mohamed est véridique, car ce Coran, preuve incontestable, l’affirme. Il va dire aux Juifs, aux Chrétiens et aux païens d’Arabie et aux hommes de la Planète de suivre Mohamed (saws) le Prophète Oummiy النَّبِيِّ الأُمِّيِّ :
قُلْ يَا أَيُّهَا النَّاسُ إِنِّي رَسُولُ اللّهِ إِلَيْكُمْ جَمِيعاً الَّذِي لَهُ مُلْكُ السَّمَاوَاتِ وَالأَرْضِ لا إِلَـهَ إِلاَّ هُوَ يُحْيِـي وَيُمِيتُ فَآمِنُواْ بِاللّهِ وَرَسُولِهِ النَّبِيِّ الأُمِّيِّ الَّذِي يُؤْمِنُ بِاللّهِ وَكَلِمَاتِهِ وَاتَّبِعُوهُ لَعَلَّكُمْ تَهْتَدُونَ
{Dis : « O hommes, je suis pour vous tous, en totalité, le Messager d’Allah. A qui appartient le Règne des Cieux et de la Terre ? Il n’y a de Dieu que Lui, Il fait vivre et fait mourir. Croyez-donc en Allah et en Son Messager, le Prophète inconnaissant, qui croit en Allah et en Ses Paroles, et suivez-le, afin que vous soyez guidés. »} Al A’âraf 158
Les difficultés de traduction font du Prophète oummiy النَّبِيِّ الأُمِّيِّ un analphabète ou un illettré, avec un sens péjoratif qui ne sied pas au Prophète d’Allah. Avant de trouver le terme exact et sa véritable signification, il faut dire que le Prophète (saws) ne savait ni lire ni écrire comme l’attestent ses biographes et comme le dit le Coran :
{Et tu ne récitais aucun livre, avant celui-là, ni tu ne l’écrivais de ta droite, sinon alors les détracteurs douteraient.} Al Ankabout 48
Le sens véritable n’est pas au niveau de la lecture et de l’écriture, mais au niveau de la connaissance de la foi et de la science sur la religion. Mohamed (saws) était un inconnaissant de la religion et tout particulièrement des religions juives et chrétiennes, il n’avait aucun savoir sur leurs Livres sacrés. Il avait la conscience de Dieu comme un Hanif c’est-à-dire en rupture avec toutes les formes d’idolâtries ou de monolâtries déviantes. Allah l’a élu, car il était le meilleur, puis l’a éduqué pour recevoir Sa Révélation.
Il était inconnaissant donc il ne pouvait ni inventer à partir d’une idée ancienne, ni copier, ni arranger, ni entacher sa foi, ni débattre à partir d’une culture ancienne, ni être versé dans les sciences occultes jouant à l’imposteur ou à l’homme d’opinion en quête de sensationnel. Mohamed n’était pas mécréant puisqu’il croyait en un Dieu unique, il n’était pas idolâtre puisqu’il n’avait jamais rendu le culte à une idole. Il était un Hanif c’est-à-dire un monothéiste qui s’écarte de toute forme de paganisme d’une manière purement intuitive. Même lorsqu’il a été chargé de la Prophétie, il n’avait aucune liberté d’interprétation sur le Coran ni aucune initiative sur l’art et la manière de le manier :
{C’est à Nous qu’il incombe de te l’apprendre et de te le faire réciter. Quand Nous l’énonçons, suis alors sa lecture. Ensuite, c’est à Nous qu’incombe son explication.} Al Qiyama 17 à 19
Tout ce qu’il disait était révélé et lorsqu’il répondait aux Juifs et aux Chrétiens il les informait de ce qui n’existe plus dans leurs Livres ou a été modifié :
أَوْحَيْنَآ إِلَيْكَ رُوحاً مِّنْ أَمْرِنَا مَا كُنتَ تَدْرِي مَا ٱلْكِتَابُ وَلاَ ٱلإِيمَانُ وَلَـٰكِن جَعَلْنَاهُ نُوراً نَّهْدِي بِهِ مَن نَّشَآءُ مِنْ عِبَادِنَا وَإِنَّكَ لَتَهْدِيۤ إِلَىٰ صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ
{Nous t’avons inspiré un Esprit, par Notre Ordre : tu ne savais point ce qu’est le Coran, ni la foi. Mais Nous l’avons fait une Lumière avec laquelle Nous guidons qui Nous voulons de Nos dévoués. Et toi tu guides sûrement vers un chemin de rectitude : le chemin d’Allah, à qui appartient ce qui est dans les Cieux et ce qui est en la terre.} As Choura 52-53
L’énoncé coranique suivant s’adresse aux Arabes et au reste de l’humanité en leur qualité d’inconnaissant en matière de foi et de religion, car la religion ne les intéresse pas du fait qu’ils se trouvent pas dans un système idolâtre, clérical ou athée qui a construit une fausse représentation de la divinité ou qui a fait de la foi une affaire de mythologie et de fabulation :
هُوَ الَّذِي بَعَثَ فِي الْأُمِّيِّينَ رَسُولاً مِّنْهُمْ يَتْلُو عَلَيْهِمْ آيَاتِهِ وَيُزَكِّيهِمْ وَيُعَلِّمُهُمُ الْكِتَابَ وَالْحِكْمَةَ وَإِن كَانُوا مِن قَبْلُ لَفِي ضَلَالٍ مُّبِينٍ
{C’est Lui qui a envoyé, parmi les inconnaissants, un Messager d’entre eux, il leur récite Ses Signes, les épure, leur apprend le Livre et la Sagesse, bien qu’ils fussent sûrement, auparavant, dans un fourvoiement évident. Ainsi que d’autres, parmi eux, qui ne les ont pas encore suivis. Et Il Est l’Invincible, le Sage.} Al Jumu’ah 2
L’énoncé coranique suivant s’adresse aux Juifs et aux Chrétiens qui attendaient la Prophétie annonçait par Jésus (saws), mais qui pensaient qu’elle ne concernerait qu’un érudit de leur confession :
{Ma Miséricorde embrasse toute chose. Je la prescrirai pour ceux qui sont pieux, qui acquittent la Zakāt et qui croient en Nos Signes. » Ceux qui suivent le Messager, le Prophète inconnaissant qu’ils trouvent inscrit chez eux, dans la Torah et l’Évangile, qui leur commande le bon usage, leur défend le répréhensible, leur rend licite les bonnes choses, leur interdit les vices, les délivre de leurs faix et des carcans qu’ils portaient.} Al A’âraf 158
Les docteurs en religion des Juifs et des Chrétiens étaient considérés comme des oummiy, car c’étaient de grands lettrés inconnaissant en matière de monothéisme : ils ne suivent que leurs opinions et celles de leurs savants, à l’image de notre communauté en ces temps post-modernes :
{Et il est parmi eux des inconnaissants qui ne savent du Livre que des fabulations, et ils ne font que conjecturer.} Al Baqarah 78
Donc c’est en homme inconnaissant en matière de religion, mais de moralité exemplaire et parlant l’arabe avec éloquence dans une société où la langue arabe était non seulement langue maternelle, mais langue de prestige intellectuel, culturel et social, que Mohamed (saws) va prouver qu’il est Prophète à une société incrédule. Mohamed (saws) tenu pour menteur, fou, poète, magicien, envouté, va mettre, par injonction divine, en défi les élites, poètes arabes et lettrés Juifs et Chrétiens, de produire un texte équivalent au Coran pour prouver que le Coran est une œuvre humaine. Si un texte humain pouvait être sur le plan lexical, syntaxique, stylistique et sémantique, équivalent au Coran alors celui-ci en perdant son incomparabilité perd de fait sa crédibilité de preuve irréfutable. Nous sommes sur le terrain de la raison pure, de la logique philosophique, de l’exigence linguistique la plus complexe que seuls les lettrés en arabe connaissent lorsque la langue n’est pas seulement un bavardage ou un gagne-pain.
Le Coran va fixer le cadre général en disant aux détracteurs de Mohamed (saws) que la véritable « œuvre » imputée à Mohamed (saws) est impossible à être réalisée même si toutes les créatures de l’univers se mettaient en chantier :
{Dis : « Même si le genre humain et les djinns se réunissaient pour faire l’analogue de ce Coran, ils ne pourront faire son analogue, même s’ils s’assistaient mutuellement les uns les autres. »} Al Isra 88
Le Coran va dans un premier temps leur demander de produire dix sourates sachant qu’une sourate peut contenir trois courts versets ou plus de deux cents longs versets. Ils avaient la liberté de choisir la longueur des sourates et de choisir leurs experts littéraires, mais avec la certitude absolue qu’ils seraient dans l’incapacité de relever le défi.
{Diront-ils : « Il l’a controuvé ! » Alors dis leur : « Apportez donc dix sourates qui lui soient semblables, en les inventant, puis faites-vous assister par qui vous pourrez, hormis Allah, si vous êtes véridiques ! ». S’ils ne réagissent pas à votre égard, sachez alors qu’il n’est révélé que par le Savoir d’Allah, et qu’il n’y a de Dieu que Lui. Êtes-vous donc disposés à être musulmans ? »} Houd 13-14
Le message est clair même s’il peut être compris de plusieurs façons : le Coran est inimitable donc Mohamed est Prophète, Prophète à qui Allah a révélé ce Coran, si vous ne croyez pas en Mohamed et en ce Livre regardez comment Allah vous rend impossible la tâche de produire quelque chose de semblable et par conséquent ce Livre et ce Prophète qui parlent de Lui sont authentiques, car Allah s’est manifesté contre vous et en faveur de Son Livre et de Son Prophète.
Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas demandé de croire en Mohamed comme un roi, un chef de parti ou un philosophe, mais de le suivre comme Prophète qui conduit vers Dieu. Ce Dieu qui sait et qui connait votre incapacité vous fait savoir qu’Il n’a pas envoyé l’ultime Prophète pour l’humanité sans le doter des preuves de sa véracité et de sa suprématie intellectuelle. Si vous n’êtes pas capables de produire dix sourates avec des lettres que vous maitrisez alors qu’en est-il de la création divine, du Jugement dernier, de l’Enfer et du Paradis…
La puissance de ce raisonnement et sa finesse n’ont pas échappé aux Arabes, aux Juifs et aux Chrétiens, car le discours était focalisé sur l’essentiel sans accessoires pour faire diversion. Le discours de la raison a besoin de deux choses pour être tenu : des gens raisonnables et la liberté pour que les gens raisonnables communiquent et argumentent. Les religieux qui ne travaillent pas pour la promotion de la raison et de la liberté et se jettent corps et âmes dans l’anathème et les détails du Fiqh se retrouvent dans la logique des détracteurs de l’Islam qui ont recours à la violence et aux mensonges pour faire diversion et subversion avant la guerre. C’est ce qui s’est passé avec Mohamed (saws) : la persécution puis la guerre pour empêcher le triomphe de la raison qui donne ses preuves :
{Apportez vos preuves si vous êtes véridiques}
Avant de le persécuter puis de le chasser de sa ville natale et de lui déclarer la guerre après échecs des tentatives d’assassinat, les élites mecquoises étaient subjuguées par les énoncés coraniques. Ils faisaient du tapage et de l’intimidation pour empêcher les gens d’écouter le Coran, mais eux-mêmes ils venaient à l’aube et en cachette écouter le Prophète réciter le Coran dans son domicile. Ils comprenaient ses paroles et subissaient son influence et c’est pourquoi ils se faisaient des confidences sur leurs venues secrètes et se promettaient de ne plus venir écouter le Coran. Devant l’impossibilité attendue de ne pas produire l’équivalent de dix sourates, le Coran, par la voix de Mohamed (saws) et en conformité avec sa nature généreuse et facilitatrice, va simplifier le défi en le limitant à une seule sourate :
{Si vous êtes dans le doute, de ce que à Notre dévoué, apportez-donc une Sourate qui lui soit semblable et convoquez vos témoins, à l’exclusion d’Allah, si vous êtes véridiques. Si vous ne le faites pas, et vous ne le ferez jamais, alors craignez-donc le Feu.} Al Baqarah 23
L’être sensé voit la qualité du raisonnement logique, ses prémisses et ses conclusions. Nous voyons donc comment l’invitation « Êtes-vous donc disposés à être musulmans ? » qui suivait les dix sourates à produire est devenue un avertissement : « craignez-donc le Feu » lorsque le défi est devenu dix fois moins difficile. Il faut lire ces énoncés non comme un homme de religion « blasé » par le culte, mais comme un pédagogue face à l’échec de l’entêté qui refuse la vérité d’une loi scientifique ou comme un étudiant face à un professeur qui lui donne une autre occasion de se rattraper dans un examen plus facile, mais dont l’échec est de moins en moins permis eu égard à l’accumulation des échecs.
Pour comprendre la dimension rationnelle et la portée psychologique de cet énoncé non seulement il faut le situer dans celui des dix sourates, mais il faut le situer dans son contexte. Ce contexte est celui de Mohamed les invitant à produire une petite sourate comme sourate Al Kawthar ou Al Ikhlass avec l’annonce de l’impossibilité de le faire.
{Et quand tu récites le Coran, Nous mettons entre toi et ceux qui ne croient pas en la vie Future, une barrière qui voile. Et Nous mettons des épaisseurs dans leurs cœurs, pour qu’ils ne le comprennent pas, et une surdité à leurs oreilles. Et quand tu évoques ton Dieu, Seul, dans le Coran, ils s’écartent en fuyant par répulsion. Nous Sommes Plus-Scient de l’état dans lequel ils t’écoutent, car ils t’écoutent en étant en conciliabule, lorsque les injustes disent : « Vous ne suivez sûrement qu’un homme ensorcelé ! » Vois comment ils te fournissent des exemples, alors ils se fourvoyèrent et ne peuvent plus trouver d’issue.} Al Isra 47 à 48
Le Coran les informe donc de leurs réunions secrètes où ils tentaient en vain de relever le défi que leur posait le Coran. Aucun texte ne rapporte que les Arabes avaient démenti cet éclairage coranique. Ici va se poser la question la plus cruciale : le rapport de la foi à la raison. La raison peut conduire à la vérité lorsqu’elle travaille avec méthode et objectivité sans préjugé. La raison et la connaissance de la vérité ne peuvent pas conduire obligatoirement vers la foi : cette conclusion n’est pas irrationnelle, mais confirme que le domaine de la foi ne relève pas de la raison pure. A l’inverse la foi a besoin de la raison pour ne pas être confondue avec la crédulité et pour témoigner aux autres non seulement de l’expérience spirituelle, de la connaissance métaphysique, mais aussi des champs raisonnables que la foi investit pour leur donner la finalité ultime dans les objectifs et la vertu dans les moyens d’action et de comportement.
Le contextuel de cet énoncé nous met en présence de deux logiques qui s’opposent. La première logique est celle du Coran qui n’offre pas une ou deux, mais des preuves innombrables de sa vérité. La seconde logique est celle des matérialistes qui réfutent tous les arguments sauf ceux qu’ils se fixent comme mesure, car ils se prennent pour la norme et la référence de toute chose. Dans la confrontation de ces deux logiques, il y a la connaissance de la nature humaine et ses esquives pour fuir les impasses de sa propre raison qui refusent de réfléchir, de méditer, de pousser l’esprit de sens et de justesse à ses limites réelles :
{Nous avons varié pour les hommes, dans ce Coran, de toute sorte d’exemples, mais la plupart des hommes mais la plupart des hommes refusent de se départir de leur mécréance. Et ils dirent : « Nous n’aurons point foi en toi jusqu’à ce que tu nous fasses jaillir une source de la terre ; ou que tu aies un parc de palmiers et de vignes, et que tu fasses jaillir à travers eux les fleuves, un vrai jaillissement ; ou que tu fasses tomber sur nous le ciel, comme tu as prétendu, par morceaux ; ou que tu amènes devant nous Allah et les Anges; ou que tu aies une maison d’or décorée, ou que tu montes droit au ciel, et nous ne croirons point à ton ascension à moins que tu ne nous fasses descendre un livre que nous puissions lire ». Dis : « Gloire à mon Dieu, suis-je donc autre chose qu’un être humain envoyé comme Messager ? » Mais rien n’empêcha les hommes de croire, quand la Direction infaillible leur est parvenue, que d’avoir dit : « Allah a-t-Il envoyé un être humain comme Messager ? » Dis : « S’il y avait sur la terre des Anges qui marchaient confiants, Nous leur aurions sûrement fait descendre du ciel un Archange comme Messager. »} Al Isra 89 à 95
Devant tant d’arguments, les Arabes païens ont trouvé que le court chemin est la persécution et l’effusion de sang. Le chemin plus court et moins périlleux était de contredire le Coran, mais cela leur était impossible. Sur le plan de la raison, les païens étaient confrontés à quatre choix. Le premier était d’embrasser l’Islam, mais il aurait fallu reconnaitre leur échec et regretter leurs moqueries. Le second était de jouer les hypocrites pour saper l’Islam de l’intérieur. Le troisième était de se détourner de Mohamed et le laisser argumenter avec en fin de compte l’islamisation du monde. Le quatrième était de combattre Mohamed. Le choix répond à leur logique du moment, mais il n’était pas historiquement et idéologiquement raisonnable, car on ne combat pas une idée, un amour, une conviction, une foi, une vérité par des armes. Le dicton populaire dit qu’avec un coup de marteau on brise le fer, mais on forge l’acier.
Dans les temps présents l’Empire, le sionisme et le temple satanique, en guerre contre Dieu et contre l’humanité, ont peur de l’éveil de l’Islam qui a la compétence de convaincre n’importe quel humain de sa vérité si cet humain se met à l’écoute de ce Coran en faisant usage de sa raison. Pour que la raison ne soit pas convoquée et que la peur, le sensationnel et la folie deviennent un rempart contre l’éveil islamique les laboratoires instrumentalisent les infantiles et les anarchistes du monde musulman avec l’argent des pays musulmans pour installer une situation de violence et d’effusion du sang. Les mêmes procédés utilisés par Arabes hypocrites et idolâtres contre le Coran et le Prophète sont actualisés et amplifiés par la technologie, l’argent et les médias.
Avant de se résigner à le mettre sous embargo, à l’assassiner, à l’expulser puis à lui déclarer la guerre, les Arabes grands polémistes et grands rhéteurs ont posé les grandes questions qui fondent la foi et la science des musulmans :
{Vois comment ils te fournissent des exemples, alors ils se fourvoyèrent et ne peuvent plus trouver d’issue. Et ils disent : « Quand nous serons des os et des débris, serons-nous vraiment ressuscités en une nouvelle création ? » Dis leur : « Soyez des pierres ou du fer, ou quelque créature qui vous paraisse impossible ! » Alors ils diront : « Qui donc nous reconstituera ? » Dis leur : « Celui qui vous initia la première fois », alors ils hocheront vers toi leurs têtes et diront : « Quand cela ? » Dis : « Il se peut que ce soit bientôt, le jour où Il vous appellera et que vous répondrez à Son Appel en Le louant, pensant que vous n’êtes restés que peu de temps. »} Al Isra 49 à 52
Ils ne cherchaient donc pas à s’informer, mais à transformer leur impuissance en triomphe croyant que leurs questionnements métaphysiques ou historiques allaient pousser Mohamed (saws) à commettre une erreur de style, de syntaxe, d’historicité, de sémantique. Cet aspect étrange témoigne de la rationalité du Coran qui a fait du contexte argumentaire et détracteur des païens, des Juifs et des Chrétiens une pédagogie de la foi tout en les renvoyant à leurs contradictions et aux défis qui leur sont posés en termes de cognition et de logique pure.
Aujourd’hui les orientalistes, les islamologues et certaines officines sionistes tentent de recourir à la linguistique moderne pour étudier la sémantique coranique et ainsi le déconstruire. Le défi est toujours d’actualité ! Pour l’instant, en plus des problèmes de méthodologies et de définition des objectifs les chercheurs sont confrontés à la complexité lexicale du Coran et à l’impossibilité de transférer vers l’Arabe des outils d’analyses conçus pour les langues latines. Le Coran a inscrit le comportement des anciens détracteurs, semblables à celui des contemporains, nous montrant une fois de plus que le Coran est une véritable et puissante argumentation rationnelle devant laquelle la raison répond lorsqu’elle est libre sans entraves culturelles, sociales, idéologiques, religieuses sinon elle se rebelle et fuit dans le reniement le plus irrationnel :
{Et quand tu récites le Coran, Nous mettons entre toi et ceux qui ne croient pas en la vie Future, une barrière qui voile. Et Nous mettons des épaisseurs dans leurs cœurs, pour qu’ils ne le comprennent pas, et une surdité à leurs oreilles. Et quand tu évoques ton Dieu, Seul, dans le Coran, ils s’écartent en fuyant par répulsion. Nous Sommes Plus-Scient de l’état dans lequel ils t’écoutent, car ils t’écoutent en étant en conciliabule, lorsque les injustes disent : « Vous ne suivez sûrement qu’un homme ensorcelé ! » Vois comment ils te fournissent des exemples, alors ils se fourvoyèrent et ne peuvent plus trouver d’issue.} Al Isra 47 à 48
La puissance du Coran est dans son discours sur Dieu, sur la création, sur les Prophètes, sur le devenir, sur l’homme… Quiconque écoute (au sens sémantique) le Coran se trouve impliqué dans un projet de connaissance, de méditation, de quête des fins, de mise en marche vers la liberté, de devoir de justice et de solidarité :
{Et lorsqu’on récite le Coran, écoutez-le et entendez, afin qu’il vous sera fait Miséricorde.} Al Maidah 204
L’intuition, la ruse, l’intelligence, la perversité et les intérêts des mécréants opposés au Coran savent la puissance du Coran sur la raison et l’émotion du Croyant et de l’inconnaissant et par conséquent ils rivalisent d’ingéniosité pour détourner l’attention :
{Et ceux qui sont devenus mécréants disent : « N’écoutez pas ce Coran et résistez-lui par le bavardage, peut-être vaincriez-vous ».} Foussilat 26
Il est triste et désolant de voir aujourd’hui les adeptes de l’Islam bavarder et saper le sens du Coran. A titre d’illustration le Coran, parole divine pour la méditation et la quête spirituelle et intellectuelle, est devenu une ambiance sonore dans les souks. Mais le plus navrant est le bavardage des imams qui ont recourent au Coran pour se donner un « look » savant, mais qui ne font du bavardage ou de la récitation d’opinions de savants anciens sans rapport avec nos problèmes contemporains et sans faire l’effort de faire connaitre le Coran aux musulmans. Mohamed (saws) a transformé l’homme puis la société par le Coran : pendant 23 ans il leur récitait le Coran et les Compagnons l’apprenaient, le commentaient et le mettaient en pratique.
Au lieu de parler des dix invalidations de la foi du cheikh Ibn Abdelawahab, de la « trinité » islamique d’Ibn Taymiya (unicité de la divinité, unicité de l’adoration, unicité des Noms et des attributs divins), des marabouts, des soufis, des chiites, des innovateurs et de tout sujet sur lequel il y a divergence ou qui n’est pas prioritaire, ils devraient s’inspirer des Djinns :
{Et lorsque Nous avons envoyé vers toi un nombre de djinns entendre le Coran, alors dès qu’ils furent présents, ils dirent : « Écoutez ! » Puis lorsque la lecture fut terminée, ils retournèrent auprès des leurs pour les avertir. Ils dirent : « O notre peuple ! Nous avons entendu un Livre révélé après Moïse, corroborant ce qui le précède ; il guide vers la Vérité et vers un chemin de rectitude ; O notre peuple ! Répondez au héraut d’Allah, et croyez en Lui, Il vous Absoudra de vos péchés et vous Préservera d’un douloureux châtiment ; et quiconque ne répond pas (favorablement) au héraut d’Allah, il ne saurait entraver de par la terre, et n’a nuls protecteurs à l’exclusion de Lui. Ceux-là sont dans un fourvoiement évident ».} Al Ahqaf 29 à 32
Encore une fois, le discours est logique axé sur l’essentiel sur lequel et par lequel se construit une conviction, une posture, une idée. Beaucoup de musulmans n’ont retenu des Djinns que le surnaturel et l’exorcisme importés des Juifs et des Chrétiens. Beaucoup de musulmans ont exclu la rationalité se contentant d’un discours moralisateur où une audience infantilisée écoute un sermonneur paternaliste sans profondeur spirituelle, sans dimension esthétique, sans méthodologie intellectuelle. L’Islam est devenu un phénomène de consommation de masse où le festif, le rassemblement, l’affectif priment sur la raison et sur l’efficacité sociale face à un monde occidental en quête de fins ultimes.
L’islam n’est pas une idéologie, mais sa confrontation avec ses détracteurs relève de la lutte idéologique dans le sens où il affronte la réfutation de la foi par un discours producteur d’idées, de concepts, de vérités qui déconstruisent les mensonges et les falsifications par des preuves rationnelles tout en affirmant l’impossibilité de lui trouver une faille, une erreur, une contradiction qui invalident le Coran qui est sa source principale. C’est cette force intellectuelle qui a permis aux musulmans de rayonner scientifiquement, philosophiquement et artistiquement sur le monde, de se confronter aux Perses, aux Chinois, aux Grecs, aux Hindous, aux Européens et de l’emporter avec aisance, noblesse et pour le profit de tous.
La langue est le canevas des idées et le ferment de l’esthétique d’un peuple. Plus ses signes sont riches plus ses signifiants sont nombreux, plus sa grammaire est structurée et son style élaboré et plus sa sémantique est riche et subtile, plus son vocabulaire est riche plus ses formes d’expressions sont nuancées, précises, adaptées et ajustables à merveille. Celui qui maitrise une langue riche et complexe maitrise non seulement la communication, mais la production des concepts et la manipulation des idées abstraites qui permettent de formaliser la pensée et l’imagination qui sont des formes immatérielles. Plus la langue est structurée plus elle structure et raffine la pensée en rendant l’indicible de l’émotion, de la perception ou de la cognition facile à être transcrit en langage verbal ou écrit. La langue arabe c’est ce potentiel exceptionnel intellectuel et narratif que possédaient les Arabes.
La langue arabe avec ses 29 lettres, ses huit vocalisations, ses 20000 mots et sa grammaire complexe se voit promue comme défi par la langue coranique qui lui ajoute des mots, des métaphores, des syntaxes, des styles et une lecture non linéaire. En plus de ses innovations révolutionnaires, la langue coranique va se définir comme lissan arabi dans le sens de langue correcte, droite, jeune, belle et généreuse si nous prenons le terme « arabe » dans sa signification coranique. Le Coran va aller encore plus loin en disant que cette langue coranique « correcte » est parfaite :
{… ceci est une langue arabe évidente} An Nahl 103
{… en langue arabe pure} As Chou’ara 195
{Un Coran arabe, sans aucune tortuosité} As Zomr 28
Seule la langue arabe remaniée pouvait contenir et véhiculer la Parole divine. Cette Parole, malgré sa complexité et sa richesse, a été « miraculeusement » facilitée pour qu’elle soit accessible et compréhensible tout en restant incomparable. Sa compréhension n’est pas figée, mais élastique : chaque intelligence et chaque expérience de vie permettent à la langue coranique d’offrir davantage de significations :
{Nous ne l’avons rendu facile en ta langue qu’afin que tu puisses, par son intermédiaire, annoncer la bonne nouvelle aux pieux et avertir les gens contestataires.} Mariam 97
{Et Nous avons réellement facilité, en fait, le Coran pour la réflexion. Y a-t-il donc quelqu’un qui réfléchisse ?}
Même si nous nous exprimons en français sur la langue arabe du Coran nous pouvons comprendre la posture des poètes de la période antéislamique devant ce Coran qui s’exprime dans leur langue et qui leur dit je suis difficile, mais facile pour ceux qui sont sincères ; je vous apporte du nouveau, mais vous êtes dans l’incapacité de vous hisser au niveau de son vocabulaire, de sa grammaire, de son style, de sa narration, de sa sémantique, de ses métaphores, de ses vérités, de son raisonnement…
Il est difficile de parler du miracle coranique dans une autre langue que celle du Coran. Pour comprendre l’impact rationnel de la langue coranique sur le processus cognitif et spirituel, nous allons tenter de faire des rapprochements.
À titre d’exemple, imaginons que la langue française permet d’ajouter des affixes (suffixes) pour distinguer grammaticalement un nom en position de sujet du verbe (agissant) du même nom en position de complément d’objet (subissant). Imaginons le terme Sabiroun (les endurants en position de sujet du verbe) qui reste sujet, mais s’écrivant et se lisant avec une grammaire de complément d’objet (Sabirine). Il n’y a pas de faute grammaticale, car la langue arabe le permet dans des cas exceptionnels. L’exception ici est de montrer la force morale et la patience de l’endurant qui subit son épreuve alors qu’il est sujet d’une action et non subissant l’action d’une autre.
Un autre exemple est celui des Anges saluant Abraham par Salam (Qalou salamo) qui répond à leur salut par Salam (Qala Salama). La langue française ne rend pas la subtilité du passage du masculin au féminin dans une phrase structurée de la même façon. Le Salam masculin devenant Salam féminin exprime la chaleur, l’abondance et l’insistance. Le suffixe féminin a exprimé un concept tout en montrant que le Coran a la particularité de s’expliquer par lui-même. Le Salamo qui est le salut pacifique de l’arrivant à l’hôte a pour réponse le Salama qui est les mille et un saluts chaleureux de l’hôte manifestant son hospitalité et traduisant l’éthique coranique : « Si vous êtes salués d’une salutation, saluez d’une façon bien meilleure ou alors rendez-la. (An Nissa 86) »
Ainsi le Coran va restructurer la pensée et l’émotion en « jouant » sur la syntaxe et la grammaire pour donner un sens plus précis au mot et à la phrase. Il va conjuguer la polysémie, la richesse lexicale et les tournures de style pour donner à l’imagination la liberté expressive pour l’immersion totale dans le sens sans toutefois lui permettre d’aller vers des contre sens ou des faux sens :
} هُوَ ٱلَّذِيۤ أَنزَلَ عَلَيْكَ ٱلْكِتَابَ مِنْهُ آيَاتٌ مُّحْكَمَاتٌ هُنَّ أُمُّ ٱلْكِتَابِ وَأُخَرُ مُتَشَابِهَاتٌ فَأَمَّا الَّذِينَ في قُلُوبِهِمْ زَيْغٌ فَيَتَّبِعُونَ مَا تَشَابَهَ مِنْهُ ٱبْتِغَاءَ ٱلْفِتْنَةِ وَٱبْتِغَاءَ تَأْوِيلِهِ وَمَا يَعْلَمُ تَأْوِيلَهُ إِلاَّ ٱللَّهُ وَٱلرَّاسِخُونَ فِي ٱلْعِلْمِ يَقُولُونَ آمَنَّا بِهِ كُلٌّ مِّنْ عِندِ رَبِّنَا وَمَا يَذَّكَّرُ إِلاَّ أُوْلُواْ ٱلأَلْبَابِ {
{C’est Lui qui te révéla le Livre, renfermant des Signes précis, qui sont l’essence même du Livre, et d’autres semblables. Quant à ceux qui ont une déviance dans leurs cœurs, ils suivent ce qui leur en paraît probable, aspirant à la sédition et aspirant à sa mésinterprétation, alors que nul ne sait son interprétation sauf Allah. Et les enracinés dans la Science disent : « Nous y croyons, les deux viennent de notre Dieu ». Et ne s’en souviennent que les doués d’entendement.} Ali ‘Imrane 7
Al moutachabih est un mot complexe. Pour le comprendre il faut voir les subtiles différences dans la langue française entre similaires, semblables, pareils et analogues par rapport à identiques et mêmes. C’est le Coran qui explique et explicite les mots et les phrases par le contextuel de son énoncé, le sens de ses mots et le dessein de la Sourate. Venir avec les préjugés, les idéologies ou les limites lexicales de sa culture puis les transposer dans la lecture du Coran pour en extraire le sens c’est aller vers la mise en évidence du probable et non du réel. Admettre que le Tachabouh c’est l’équivoque c’est faire dire au Coran qu’il a la faculté d’induire le lecteur vers la confusion.
Le terme le plus approprié pour le Tachabouh est le terme probable. Initialement le terme probable ne désigne pas le caractère aléatoire d’un fait, mais l’idée qu’une opinion est communément et faussement considérée comme vraie. A la fin du Moyen-âge et au début de la Renaissance, ce terme, focalisé sur les imprécisions des traductions, va désigner la vraisemblance d’une idée ou d’un énoncé. Le probable au sens religieux et philosophique c’est reconnaitre comme vraie une opinion fausse ou comme certitude une idée vraisemblable alors qu’elle est incertaine, douteuse, mais que l’habitude et le préjugé font paraitre comme certaine. C’est ainsi que le préjugé ou l’analogie simpliste conçoit Dieu comme une idée anthropomorphique.
Le Coran va donc s’offrir comme un exercice littéraire pour discipliner l’esprit, l’enrichir et le mener vers le sens le plus épuré, le plus précis et le plus riche.
Le féminin et le singulier vont intervenir pour remplacer le masculin et le pluriel donnant au contexte le sens qui convient le mieux, le proche par rapport au lointain, le facile par rapport au difficile, le nombreux par rapport au réduit, le vaste par rapport à l’étroit, le singulier par rapport au général, le ponctuel par rapport au continu… La richesse polysémique va non seulement mettre le synonyme qu’il faut à la place qu’il faut, mais elle va mettre le mot comportant le plus ou le moins de lettres alphabétiques pour signifier la durée ou la vitesse, la simplicité ou la complexité. En choisissant les mots selon leur sonorité la polysémie va permettre de donner de la vitesse ou du ralenti à une action. La conjugaison va signifier non seulement le passé et le futur, mais la ponctualité, l’accomplissement, la récurrence, ou la continuité d’une action ou d’un phénomène.
Ainsi la grammaire, la conjugaison et le vocabulaire vont moduler le sens, le rythmer le nuancer, le préciser, le contextualiser, le singulariser ou le globaliser. Ils vont démultiplier le vocabulaire. Ils vont inciter l’esprit à faire des pauses de réflexion, de quêtes de sens, de lecture contextuelle, de lecture non linéaire. C’est une discipline de l’esprit, lequel va se trouver dérouté lorsqu’il aborde pour la première fois le Coran ou lorsque sa lecture n’est ni méditative ni assidue. Les poètes arabes ainsi que les lettrés juifs et chrétiens étaient littéralement bouleversés.
Dans des articles antérieurs il y a des développements sur quelques aspects du vocabulaire et de la sémantique coranique : Enseignements sur les Apôtres de Jésus ; Subtilités coraniques sur la reconnaissance et la gratification ; Des sources chrétiennes du Coran (?!)
Devant la conjugaison de l’argumentation rationnelle et de la symphonie lexicale, stylistique et syntaxique, ils n’avaient que le choix de croire au Dieu qui a révélé ce Coran ou s’ils ne refusent l’évidence de la foi de lui donner une origine surnaturelle, magique… Le Jugement dernier est l’annonce la plus rationnelle qui soit pour celui qui ne veut pas croire que vivre puis mourir sans raison ne soit pas absurde ou pour celui qui voit la création se renouveler sans cesse. C’est pourtant la ressuscitation et le Jugement dernier qui posent le plus de problèmes à la pensée nihiliste alors que ce sont les éléments fondamentaux de la foi pour tout croyant :
{Et si tu dis : « Vous serez sûrement ressuscités après la mort », ceux qui sont devenus mécréants diront certainement : « Cela n’est que magie évidente ».}
Face à un livre rationnel, une langue prodigieuse et une annonce de la fin du monde, il s’agit de croire avec preuves de sa foi ou de refuser la foi avec preuves de son refus. Des croyants ont effectué le chemin spirituel et cognitif de la foi alors que d’autres ont cru. Les mécréants ont refusé d’effectuer le parcours logique en fuyant dans l’irrationnel. Quels que soient le refus et ses mobiles, le Moi Mohammadien reste au service d’une œuvre dont il n’est pas l’auteur et devant laquelle il s’efface totalement :
{Dis-[leur]: « Je ne vous dis pas que je détiens les trésors de Dieu, ni que je connais l’inconnaissable, et je ne vous dis pas que je suis un ange. Je ne fais que suivre ce qui m’est révélé. » Dis-[leur]: « Est-ce que sont égaux l’aveugle et celui qui voit? Ne réfléchissez-vous donc pas? »} Al-An’am: 50
{Dis-[leur]: « Je suis en fait un être humain comme vous. Il m’a été révélé que votre Dieu est un Dieu unique! Quiconque, donc, espère rencontrer son Seigneur, qu’il fasse de bonnes actions et qu’il n’associe dans son adoration personne à son Seigneur. »} Al-Kahf 110
{Nous savons mieux ce qu’ils disent. Tu n’as pas pour mission d’exercer sur eux une contrainte. Rappelle donc, par le Coran, à celui qui craint Ma menace.} Qaf 45
Même dans la guerre qui l’opposait armes à la main, Mohamed (saws) se comportait comme un Prophète doué d’une éthique et d’un sens des responsabilités exceptionnelles qui interpellent la raison :
{Et si l’un des idolâtres te demande asile, accorde-le lui, afin qu’il entende la Parole d’Allah, puis fais-le parvenir à son lieu de sécurité. Car ce sont des gens qui ne savent pas. Comment y aurait-il pour les idolâtres un pacte admis par Dieu et par Son Messager? À l’exception de ceux avec lesquels vous avez conclu un pacte près de la Mosquée Sacrée. Tant qu’ils sont droits envers vous, soyez droits envers eux. Car Dieu aime les pieux.} At-Tawba 6-7
Voilà la posture du chef de file des païens arabes :
{Il a réfléchi, et il a résolu. Maudit soit-il, en ce qu’il a résolu ! Ensuite, maudit soit-il, en ce qu’il a résolu ! Puis, il a pensé. Ensuite, il fronça les sourcils et s’assombrit. Ensuite, il tourna le dos et s’enorgueillit, alors il dit : « Cela n’est que de la magie transmise, ce ne sont que les paroles des êtres humains ! »} Al Moudattir
Voilà la posture des Juifs :
{Et lorsque Jésus fils de Marie dit : « O Descendants d’Israël, je suis le Messager d’Allah vers vous, corroborant ce qui me précéda de la Torah, et annonçant la bonne nouvelle d’un Messager qui viendra après moi : il s’appelle Ahmad ». Et quand il leur est venu avec les évidences, ils dirent : « C’est de la magie évidente ».} As Saff 6
Le Coran ne se contente pas de les mettre en défi, il les dévoile et les informe comme preuve supplémentaire de l’authenticité rationnelle de la prophétie de Mohamed (saws).
Les Arabes connaissaient Mohamed (saws), sa vie, ses fréquentations, sa moralité et savaient donc qu’ils ne pouvaient être un magicien ou un expert en sciences occultes, mais la fuite les pousse de la raison dont ils se réclamaient vers l’irrationnel dont ils accusaient Mohamed (saws) et cela sous l’éclairage du Coran qui les dévoile :
{Celui-là est-il autre (chose) qu’un être humain comme vous ? Vous laisseriez-vous prendre par la magie, alors que vous êtes clairvoyants ? »} Al Anbiya 3
{Et quand on leur récite Nos Signes évidents, ils disent : « Ce n’est qu’un homme qui veut vous rebuter de ce qu’adoraient vos pères ». Et ils dirent : « Cela n’est que du mensonge controuvé ». Et ceux qui sont devenus mécréants dirent à la Vérité, quand elle leur est parvenue : « Certes, cela n’est que magie évidente ».} Saba 43
Au lieu de débattre sur l’offre de Mohamed d’étudier le Coran et de se prononcer sur sa validité, ils cherchaient la fuite irrationnelle pour aller au rapport de forces. Mohamed (saws) ne passait pas son temps à leur jeter l’anathème, ce n’est pas l’étiquette d’un prophète, il cherchait à les convaincre. Il ne cherchait pas à les convaincre, pour avoir raison sur eux ; il avait la conviction qu’il pouvait les sauver et il se chagrinait de les voir se diriger vers l’Enfer. Allah lui dit ce que la psychologie sociale vient à peine de découvrir : l’homme est prisonnier de son milieu, de son éducation et de ses préjugés qui le rendent fermé à la logique et à la raison. Le Coran l’invite donc à ménager leur subtilité individuelle et à leur offrir des espaces de liberté en les extrayant de leur milieu pour leur offrir la foi sans la contamination sociale, culturelle et idéologique :
{Dis : « Je ne vous exhorte qu’à une chose : d’agir pour Allah, par deux, ou individuellement, ensuite de réfléchir : Votre compagnon n’est point atteint de folie. Il n’est qu’un avertisseur pour vous, face à un sévère châtiment ». Dis : « Ce que je vous ai demandé comme profit, gardez-le pour vous ! Certes, Ma rémunération n’incombe qu’à Allah, et Il est Témoin sur toute chose ». Dis : « Certes, mon Dieu Lance la Vérité, l’Omniscient des inconnaissables ». Dis : « Le Vrai est venu, et le faux ni il n’avance ni il ne retarde ». Dis : « Si je suis fourvoyé, je ne me fourvoie qu’à mon détriment, et si je suis guidé, c’est en raison de ce que mon Dieu m’Inspire ».} Saba 46 à 50
En groupe et individuellement les Arabes étaient interpellés avec douceur et intelligence sur la foi et sur leur devenir dans l’autre monde. Dans leur entêtement à nier la Prophétie, le Coran les mettait en défi de lire, de comprendre le Coran, de le réfuter rationnellement et linguistiquement. Ils essayaient donc de relever le défi de produire des énoncés semblables, mais en vain. Ils essayaient de faire diversion, mais en vain. Ils essayaient d’acculer le Prophète (saws) à l’erreur lexicale, syntaxique, sémantique ou historique, mais en vain.
Leur questionnement répondait à la stratégie coranique qui ne se propose pas comme un énoncé formaliste, mais comme une mise en situation socio pédagogique où la connaissance se construit par le questionnement, la quête de réponse, la mise en liaison des informations et l’accumulation de sens. C’est dans cette ambiance que les Arabes, les Juifs et les Chrétiens venaient à découvrir des faits historiques, métaphysiques, scientifiques, et à voir le déroulement logique et panoramique du Coran qui les saisit d’émerveillement intellectuel et de ravissement esthétique, même si après ils reviennent vers leurs postions traditionnelles de négateurs de la prophétie.
C’est dans cette ambiance qu’ils découvrent donc non seulement les subtilités syntaxiques du Coran, mais aussi le récit coranique. Le récit coranique n’appartient à aucune légende, il est novateur dans son style narratif, ses métaphores et son dessein unique : tisser le réseau de sens vers Allah le Créateur, l’Organisateur, le Décideur, le Juge suprême, la Vérité absolue. Ils connaissent enfin Joseph, Jonas, Moise, David, Salomon, Jésus, Abraham, Noé, Adam… Dans ces récits ils découvrent un Dieu qui ne ressemble pas aux dieux des mythologies grecques ou à celui des monolâtries juives et chrétiennes. Ils découvrent les dormants de la caverne, Dhoul Qarnayn, la rencontre entre Moïse et Khadr. Dans le récit sur Moïse, ils découvrent la trame subtile du destin ainsi que la bienveillance de Dieu dans l’exécution de Son décret par la subtilité du langage que la traduction française ne pourrait rendre :
{Ils trouvèrent un Dévoué d’entre Nos Dévoués, à qui Nous avons donné de Notre part une Miséricorde, et Nous lui avons enseigné de chez Nous une Science. Moïse lui dit : « Puis-je te suivre à la condition que tu m’apprennes de ce qui t’a été enseigné de sensé ? » Il dit : « Toi, tu ne pourras avoir de la patience avec moi ! Et comment patienterais-tu au sujet de ce dont tu n’as aucune connaissance ? » Il dit : « Tu me trouveras patient, si Allah Veut, et je ne te désobéirai en aucun ordre ». Il dit : « Si tu me suis, ne m’interroge donc sur rien jusqu’à ce que je t’en parle ». Ils s’élancèrent tous deux jusqu’à ce qu’ils s’embarquèrent dans le bateau, il le perfora. Il dit : « L’as-tu perforé pour noyer ses gens ? Tu as vraiment commis une chose condamnable ». Il dit : « N’ai-je pas dis que tu ne pourrais point avoir de la patience avec moi ?! » Il dit : « Ne me réprimande pas en raison de ce que j’ai oublié, et ne m’accable pas au-dessus de mes forces ». Puis, tous deux s’élancèrent jusqu’à ce qu’ils rencontrassent un jeune garçon, alors il le tua. Il dit : « As-tu tué une personne innocente sans qu’elle n’ait tué personne ! Tu as vraiment commis une chose atroce ». Il dit : « Ne t’ai-je pas dis que tu ne pourrais point avoir de la patience avec moi ? » Il dit : « Si je t’interroge sur quoi que ce soit après cela, ne me garde plus alors en ta compagnie, car tu en aurais eu assez de ma part ! » Alors tous deux s’élancèrent jusqu’à ce qu’ils arrivèrent auprès des habitants d’une cité, et demandèrent à manger à ses habitants, mais ils refusèrent l’hospitalité aux deux. Puis, ils y trouvèrent un mur qui allait s’écrouler, alors il l’éleva. Il dit : « Si tu veux, tu peux te faire payer pour cela ». Il dit : « Ceci est une séparation entre moi et toi. Je t’informerai de l’explication de ce que tu n’as pas eu la patience d’attendre : Quant au bateau, il appartenait à des miséreux qui travaillent en mer, alors j’ai voulu le rendre défectueux car ils avaient derrière eux un roi qui prend chaque bateau de pêche par force. Quant au jeune garçon, ses père et mère étaient des croyants, nous avons craint qu’il ne les surmène par tyrannie et mécréance ; alors nous avons voulu que leur Dieu le leur Échange en un meilleur que lui en pureté et plus près en affection. Quant au mur, il appartenait à deux jeunes garçons orphelins, dans la cité, et il y avait en dessous un trésor qui leur appartenait ; et leur père était vertueux, alors ton Dieu a voulu qu’ils atteignissent, tous deux, leur maturité et qu’ils déterrassent leur trésor, par Miséricorde de ton Dieu. Et je ne l’ai pas fait de moi-même : ceci est l’explication de ce que tu n’as pas eu la patience d’attendre. »} Al Kahf 65 à 82
Il ne s’agit pas ici de faire les commentaires sur cet énoncé en matière de pédagogie, de narration, de métaphysique, de stratégie, de destin : des livres en plusieurs tomes n’ont pas épuisé le sujet. Nous allons juste nous focaliser sur deux points.
Le premier point concerne la longueur du mot dans la signification de l’énoncé coranique sur le plan intellectuel et affectif.
Au début de l’épreuve, Khadr a réprimandé Moïse en soulignant sa difficulté à endurer : قَالَ أَلَمْ أَقُلْ لَّكَ إِنَّكَ لَن تَسْتَطِيعَ مَعِيَ صَبْراً
{Il dit : « Ne t’ai-je pas dis que tu ne pourrais point avoir de la patience avec moi ? »}
A la fin de la troisième épreuve, Khadr a mis fin à l’expérience en expliquant à Moïse les raisons qu’ils ignoraient et qui le rendaient incapable d’endurer tout en lui faisant le reproche de n’avoir pas suffisamment été patient :
قَالَ هَـٰذَا فِرَاقُ بَيْنِي وَبَيْنِكَ سَأُنَبِّئُكَ بِتَأْوِيلِ مَا لَمْ تَسْطِع عَّلَيْهِ صَبْراً
{Il dit : « Ceci est une séparation entre moi et toi. Je t’informerai de l’explication de ce que tu n’as pas eu la patience d’attendre}
En français la différence n’est visible que sur le temps de conjugaison. Dans le premier cas Khadr annonce l’impossibilité de Moïse de se montrer endurant ou patient dans le présent ou le futur du récit. Dans le second cas, il constate l’impossibilité passée de Moïse à se montrer endurant ou patient. En réalité l’énoncé coranique est plus subtil : le premier تَسْتَطِيعَ (capable) comporte 6 lettres alors que le second تَسْطِعَ (capable) ne comporte que 4 lettres. Le même mot avec des lettres plus grandes signifie plus de durée, plus d’effort et plus de difficulté que dans le même mot avec moins de lettres. Non seulement le temps de l’action est différent, mais l’intensité de l’action est différente. L’intensité plus grande signifiait une attente plus grande, alors que l’intensité plus réduite signifiait une déception cachée de Khadr ainsi qu’un empressement plus grand de Moise. Seul Mohamed (saws) Prophète maitrisant parfaitement l’arabe avait compris la différence en disant que si Moïse s’était montré moins empressé, nous aurions eu plus de connaissances sur le destin et ses voies d’accomplissement.
La traduction devrait donc plus précise en étant plus technique si elle veut véhiculer davantage de sens :
{Ne t’ai-je pas dis que tu ne pourrais point avoir suffisamment de (beaucoup de, longue) patience avec moi ? }
Au lieu de « Il dit : « Ne t’ai-je pas dis que tu ne pourrais point avoir de la patience avec moi ? »
{Ceci est une séparation entre moi et toi. Je t’informerai de l’explication de ce que par ta hâte tu n’as pas eu la patience d’attendre}
{Ceci est une séparation entre moi et toi. Je t’informerai de l’explication de ce que t’a fait perdre patience !}
Au lieu de « Ceci est une séparation entre moi et toi. Je t’informerai de l’explication de ce que tu n’as pas eu la patience d’attendre ».
Bien entendu on ne manquera pas de voir que par le jeu de lettres le mot devient plus évocateur dans le sens où il ne blâme. En introduisant la hâte dans la traduction, on répond à la fidélité du sens tout en manquant à l’éthique du sens, car la langue française ne permet pas de faire les ellipses de styles par la structure graphique du mot comme le permet la langue arabe. Bien entendu on ne manquera pas de voir le blâme caché d’un Dieu qui s’est fait connaitre comme pudique envers ses créatures et qui a témoigné de l’amour à Moïse :
{Et Je t’ai comblé d’amour de Moi-même, pour que tu sois formé sous Ma Surveillance} Taha 39
Par ailleurs l’empressement de Moïse n’est pas anecdotique ou spécifique à ce récit. Il est constant dans tous les récits coraniques sur Moïse :
{Lorsque Moïse dit à son jeune servant : « Je ne m’arrêterai point de marcher jusqu’à ce que j’atteigne le confluent des deux mers, dussé-je y mettre des années ». Puis, quand ils ont atteint tous deux le confluent, ils ont oublié leur poisson qui reprit sa voie dans la mer en voguant sur les eaux. Et quand tous deux ont dépassé cet endroit, il dit à son jeune servant : « Apporte-nous notre repas, nous sommes totalement épuisés par ce dur voyage ».} Al Kahf 60 à 62
{Qu’est ce qui t’a empressé à quitter tes gens, ô Moïse ? Il dit : « comme ils m’ont témoigné loyauté alors je me suis empressé vers Toi, mon Dieu, afin que Tu sois satisfait. »} Taha 83
{Et Nous avons pris avec Moïse un engagement de trente nuits, puis Nous les avons complété de dix, ainsi le temps fixé à la rencontre avec son Dieu était de quarante nuits.} Al A’âraf 140
Le second point concerne les subtilités pédagogiques et spirituelles des propos de Khadr, l’homme de bien qui a joué le rôle de pédagogue et de révélateur du destin auprès de Moïse pour signifier à ce dernier que même un Prophète de son rang ne pouvait embrasser l’étendue et la portée de la science divine.
Pour le bateau du pécheur Khadr dit : « j’ai voulu le rendre défectueux », pour le jeune garçon il dit « nous avons craint … alors nous avons voulu », alors que pour le mur il dit « ton Dieu a voulu … par Miséricorde de ton Dieu ». Les lettrés arabes se trouvaient face à une énigme : Khadr est le locuteur et l’agent dans les trois récits qui ont respectivement pour thème la destruction du bateau convoité par un tyran, la mort d’un adolescent en apparence innocent, et la restauration d’un mur alors que l’acte est attribué respectivement à Khadr (je), à Dieu et à Khadr (nous), et uniquement à Dieu (Il).
Sur le plan narratif et philosophique nous sommes confrontés au rapport du moi à l’autre et de l’intentionnalité de l’acte des uns dans le futur pensé des uns et des autres. Le récit introduit toutes les formes d’identité qui n’agissent que subordonnée à un rapport métaphysique : « Et je ne l’ai pas fait de moi-même ». Al Khadr n’agit pas de sa propre volonté ni par sa propre intentionnalité même s’il est le locuteur et l’acteur agissant en apparence. C’est Khadr le locuteur qui change d’identité (je, il et nous) sur un acte accomplit par Allah (Il) et qui change de posture avec Moïse en lui disant « ton Dieu » alors qu’il était attendu qu’il dise « mon Dieu ».
Si son discours semble déroutant ou illogique, il répond à la logique du récit sur le phénomène du destin s’accomplissant par des voies impénétrables. La syntaxe et le style coranique deviennent le lien subtil, mais structuré, pour comprendre le destin bien plus compliqué que l’énoncé.
S’il est impossible pour la créature de se vêtir de l’identité du Créateur et de Son intentionnalité afin de comprendre le destin, elle peut en saisir quelques aspects en s’arrêtant sur les subtilités de l’énoncé.
Ainsi lorsque l’acte semble injuste causant des dégâts matériels il l’impute à lui-même sachant que l’inspirateur de l’acte est Dieu. L’idée est simple : Dieu est trop bon pour qu’Il commette une injustice, mais Il est trop juste pour qu’il ne laisse pas une injustice sans réparation. La justice et la bonté de Dieu autorisent donc l’intervention humaine à agir de son propre gré même si en remontant de cause en cause elle arrive à Dieu.
Lorsque l’acte semble cruel avec mort d’homme comme dans le cas de l’adolescent c’est le même raisonnement, le croyant ne peut imputer la cruauté à Allah, mais il ne peut imputer la mort d’homme à un phénomène naturel ou à une action humaine. La sacralité de la vie et le pouvoir exclusif de donner la vie et la mort ne peuvent permettre à Khadr de s’attribuer la mort de l’adolescent. La cruauté de l’acte ne lui permet pas de l’attribuer à Dieu. Alors il l’attribue au « nous » faisant ainsi bénéficier à Allah le pouvoir suprême de donner la mort et à lui-même le fait cruel de faire mourir un jeune homme en bonne santé. Dans le même énoncé du « nous » le changement de pronom et de sujet sur le prolongement de la même action change en attribuant uniquement à Allah l’échange bénéfique « Dieu le leur échange en un meilleur que lui ».
Lorsque l’acte est un acte de miséricorde, le « je » de l’agent qui répare le mur pour préserver le trésor caché s’efface complètement pour ne laisser que le décideur suprême.
Glorifier Allah, le purifier de tout ce qui ne sied pas est un acte de foi, d’éthique et d’éthique de cette foi, faudrait-il que le texte fondateur de cette foi éduque cette foi, son esthétique et son éthique. Le Coran l’a fait, car il n’est pas une parole humaine. Le Tasbihe n’est pas une simple formule de « glorification du Seigneur », mais un travail intellectuel, imaginatif et spirituel pour se libérer de toute idée ou de toute parole sur Dieu qui ne sied pas à Sa Perfection et à Son Absolu. Lorsqu’on comprend bien le Tasbih et la vocation du musulman alors on doit accepter l’existence des mécréants comme faisant partie du Dessein d’Allah qui refuse toute forme de contrainte. Le Tasbih refuse par contre toute idée anthropomorphique de Dieu. Allah n’est pas à l’image de la personne humaine ni circonscrit dans une forme, un lieu, un moment. Le plus grand crime envers Allah est de lui donner des attributs qui portent atteinte à Son Absolu qui se suffit à Lui-même et qui est nécessaire à l’existence de ce qui n’est pas Lui :
{Et ils disent : « Ar-Rahmàne adopta un fils ! » Vous avez commis une chose inouïe, Peu s’en faut que les Cieux ne se fendent, que la terre ne s’entrouvre et que les montagnes ne s’écroulent avec fracas, d’avoir prétendu un fils à Ar Rahmàne ! Et il n’est pas de mise que Ar-Rahmàne adopte un fils ! Car tout ce qui est dans les Cieux et la Terre viendra terrassé devant Ar-Rahmàne.} Mariam 88
Les subtilités ne s’arrêtent pas là. Reprenons l’énoncé :
{Quant au bateau, il appartenait à des miséreux qui travaillent en mer, alors j’ai voulu le rendre défectueux car ils avaient derrière eux un roi qui prend chaque bateau de pêche par force. Quant au jeune garçon, ses père et mère étaient des croyants, nous avons craint qu’il ne les surmène par tyrannie et mécréance ; alors nous avons voulu que leur Dieu le leur Échange en un meilleur que lui en pureté et plus près en affection. Quant au mur, il appartenait à deux jeunes garçons orphelins, dans la cité, et il y avait en dessous un trésor qui leur appartenait ; et leur père était vertueux, alors ton Dieu a voulu qu’ils atteignissent, tous deux, leur maturité et qu’ils déterrassent leur trésor, par Miséricorde de ton Dieu.}
Nous constatons que lorsque Khadr utilise le « je » dans le récit sur le pécheur il ne mentionne pas Dieu ; lorsqu’il utilise le « nous » il mentionne Dieu par « leur Dieu » ; lorsqu’il utilise le « Il » il mentionne Dieu par « ton Dieu ».
Il est impossible qu’un homme Oummiy (analphabète, illettré et inconnaissant) puisse de lui-même manier le concept philosophique de l’ipséité avec autant de raffinement et de précision alors que les plus grands philosophes d’Aristote aux contemporains comme les linguistes ont du mal à formuler un discours général et cohérent sur les rapport de soi aux autres à travers les pronoms personnels et les pronoms possessifs dans les relations entre les identités, les intentionnalités et les actes.
Pour ce qui concerne le jeune mis à mort par Khadr pour éviter plus tard un chagrin plus grand à ses parents vertueux et pieux, l’expression « leur Dieu » est la manifestation de la proximité affectueuse d’Allah à l’égard des parents et Sa justice qui pourrait ne pas être vue ou comprise au premier abord :
{… si Mes Créatures t’interrogent sur Moi : « Je Suis proche, J’exauce l’appel de l’invocateur, s’il M’invoque. Qu’ils M’obéissent, qu’ils croient en Moi, ainsi ils seraient dans la droiture ».} Al Baqarah 186
Elle est aussi la manifestation de la même affection et de la même bienveillance qu’Allah a manifestées envers la mère de Moise :
{Nous avons alors inspiré la mère de Moïse : « Allaite-le, et si tu es prise de peur pour lui, jette-le dans le fleuve et ne crains rien, et ne t’afflige point. Nous te le ramènerons sûrement, et Nous le ferons du nombre des Messagers ». […] Et le cœur de la mère de Moïse devint vide, de sorte qu’elle faillit le dénoncer, si Nous n’avions raffermi son cœur, afin qu’elle soit du nombre des croyants. […] Alors Nous l’avons rendu à sa mère, afin qu’elle soit tranquille et ne s’afflige point, et afin qu’elle sache que la Promesse d’Allah est vraie, mais la plupart d’entre eux ne savent pas.} Al Qassas 7, 10 et 13
En ce qui concerne le mur restauré par Khadr il y a la volonté de faire parvenir le trésor des parents à leurs enfants témoignant à la fois la Justice divine, Sa bienveillance et Son Décret de faire aboutir toute œuvre de bien même au-delà du temps et de l’espace imaginés par l’homme. Il s’agit dans ce cas de faire évoquer par « ton Dieu » deux réalités en plus de celle du récit et de sa morale. La première c’est continuer de rattacher l’amour singulier d’Allah pour Moise et sa mère à l’Amour général d’Allah pour toutes Ses créatures qui font le bien. La seconde est par le raccourcissement de l’expression « rabouhouma : leur Dieu à tous les deux » en « rabouka : ton Dieu » pour signifier à la fois l’empressement de Moïse et la focalisation sur l’acte qui ne s’est pas encore réalisé dans la réalité et la conscience des orphelins. Entre la décision d’Allah et sa mise en exécution il n’y a pas d’obstacle ni d’attente et la langue doit donbc se plier au principe divin « Soit et il fut ».
L’acte et la Parole d’Allah sont en cohérence mutuelle et sont justes et bienveillants même si nous n’avons ni le recul ni le savoir pour les voir se manifester dans leur dimension réelle.
Je reconnais mes limites dans la compréhension du Coran. Ainsi je n’ai pas d’explications à donner sur l’omission de « Dieu » dans le récit sur le pécheur. Je sais que chaque terme est le terme qu’il faut à la place qu’il faut et ce pour un dessein connu par Dieu que nous devons découvrir par l’étude assidue.
Zamakhchari, connu pour sa maitrise de la langue arabe et son recours à la syntaxe pour commenter le Coran, se contente dans son exégèse « Al Kachaf » d’avouer ses propres limites par cette belle expression : « Il serait surprenant que celui qui croit au destin puisse connaitre le chagrin et le désespoir; que celui qui croit en l’impartition de la subsistance et de la richesse puisse connaitre l’épuisement ; que celui qui croit en la mort puisse se réjouir de la vie ; que celui qui croit au Jugement dernier puisse vivre insouciant ; que celui qui connait la vie et ses retournements sur ses habitants puisse lui faire confiance. Il n’y a point de Dieu saut Allah, Mohamed est Son Prophète »
Quelqu’un va me dire pourquoi tant d’efforts pour expliquer quelques mots qui ne changent rien à l’ordre des choses. L’erreur magistrale que les musulmans, du moins les Arabes d’entre eux, est de croire que les grandes étiquettes vides de sens et de contenu pouvaient suffire pour donner l’apparat de l’islamité et réaliser le miracle social et politique. L’expérience montre que les Arabes ont failli dans la prise en charge du Coran. La vocation du Coran n’est pas d’être psalmodié dans les concours de « chant » ou cité lors des circonstances, mais de transformer radicalement la personnalité humaine, sa façon de penser et de manier les mots pour exprimer ses idées, ses émotions et communiquer avec les autres. Le Coran demande de l’effort, car sa vocation est de nous élever à un niveau supérieur pour que nous soyons dignes de le comprendre et dignes de le transmettre fidèlement et sincèrement :
{Nous ne vous nourrissons que pour l’amour d’Allah, nous ne voulons de vous ni récompense ni reconnaissance : nous appréhendons, de notre Dieu, un Jour d’une noirceur horrible} Al Insane 8
Il n’y a pas de place aux calculs mondains ni à l’arrogance. Chercher les calculs politiciens, les arrangements d’appareils, la manipulation, la démagogie et l’arrogance dans la démarche des mouvements islamistes et vous comprendre leur échec lamentable qu’ils ne sont toujours pas prêts à assumer. Il n’y a pas de place à l’importation eschatologique judéo-chrétienne pour expliquer le monde : le Coran est suffisamment rempli de repères pédagogiques pour éduquer l’esprit sur le plan philosophique, méthodologique, spirituel et esthétique pour ne pas avoir besoin de lui chercher des points de fuite irrationnelle afin d’expliquer les défaillances de notre raison et les injustices de notre époque.
Lorsque les partisans de l’Islam politique ou de la Salafiya bigote évacuent le Coran dans leur programme et dans leur action ils évacuent la spiritualité et l’intellectualité de l’Islam sans lesquels le musulman est un être formaliste sans âme, sans devenir, sans esthétique et sans intelligence. La politique et la morale sont nécessaires pour la bonne gouvernance et la vertu d’une société, mais ils ne sont pas suffisant pour transformer un peuple ni pour faire émerger une élite noble et généreuse. L’intelligence et la liberté mise au service de l’enseignement coranique pour le Gloire d’Allah et pour la promotion de la vérité sont les garants qui reconstruisent la personnalité et la remettent en marche sur le plan de la réflexion, de la quête de solution, de méthodologie, de fin, de salut et de beauté.
C’est cette personnalité qui va vouloir la Charia d’Allah par amour, par raison et par nécessité et non par politique politicienne. C’est la société entière qui va vouloir la Charia d’Allah lorsque les personnalités aimantes, sincères et désintéressées sur le plan politique et social deviennent plus nombreuses et plus influentes dans les domaines de l’éducation, de l’art, de l’économie et du social. Ce sont ces personnalités qui vont s’imposer comme alternative politique à l’ordre corrompu sans que ces personnes n’aient d’appartenance partisane. Lorsque l’intelligence et la beauté coranique rayonnent sur les esprits et la société elles colorent islamiquement les choix et les perspectives de la société sans bigoterie ni sectarisme.
La culture coranique que nous occultons le plus est pourtant celle dont nous avons le plus besoin pour nous libérer de notre aliénation et de notre décadence. Cette culture minutieuse rend le croyant très scrupuleux envers la Parole d’Allah laquelle va devenir sa norme et sa référence non seulement dans le discours, mais dans la manière de penser, de concevoir, d’imaginer, de craindre et d’espérer. S’il faut chercher le miracle de la foi des Compagnons du Prophète et des Anciens il faut la chercher dans leur rapport au Coran : ils savaient que c’est la parole d’Allah :
{… un Messager d’Allah qui récite des Livres purifiés. Il s’y trouve des Écrits précieux.} Al Bayinah 2
{C’est sûrement un Coran sublime, dans un Livre bien préservé, ne le touchent que les purifiés. C’est une Révélation du Dieu des Univers. Prendriez-vous donc ce discours à la légère} Al Waqi’ah 77
La purification du croyant à l’égard du Coran n’est pas la purification rituelle par les ablutions, mais la purification ontologique et symbolique qui consiste à ne jamais oublier que le Livre entre nos mains est la Parole d’Allah, elle est vraie, juste et parfaite. Elle est la clé à qui nous devons confier la serrure de nos cœurs et de nos esprits pour qu’ils s’ouvrent à l’universel.
Ce sont tous ses éléments avec d’autres aussi sinon plus complexes qui entrent dans la formation du sens, du style et de l’esthétique du Coran le rendant incomparable, éternellement jeune à découvrir et à méditer. Cet exposé assez sommaire que je réalise alors que je ne suis pas ni arabisant ni islamologue de formation me laisse frustré devant les trésors cachés de la langue arabe. Je peux comprendre le miracle coranique littéraire comme un défi à la raison et je peux imaginer le plaisir intellectuel et esthétique des arabisants qui pratiquent le Coran avec virtuosité.
Habitués à la lecture monotone et « inculte » d’un islam versé sur l’accessoire et l’anecdote, nous ne percevons pas le choc cognitif, psychologique et esthétique des Arabes polythéistes et lettrés lorsqu’ils découvrent le Coran et qui, malgré leur hostilité à son égard, y voient l’impossibilité rationnelle d’introduire dans ces trois courts récits tant de subtilités sans se tromper. Les mots dans leur contexte ont un pouvoir évocateur singulier même s’ils ne sont pas expressifs par eux-mêmes. Ce sont ce pouvoir évocateur et ces nuances qui se répètent dans le Coran d’une manière parfaite en s’adaptant avec précision et pertinence à leur contexte qui déroutent la raison et la poussent à croire en Allah sinon à évoquer la magie. Dans l’esprit de l’homme cultivé maitrisant la langue il est impossible à la raison humaine de ne pas mettre en exergue l’auteur d’un livre ou son inspirateur.
Autrement dit, il est impossible que Mohamed (saws) puisse raconter des récits sans qu’il ne se mette en valeur ou mette en valeur les héros du récit, car la logique du récit veut que l’auteur ou le héros soit glorifié directement ou indirectement. Il est impossible que Mohamed puisse aussi glorifier son Dieu ouvertement et avec autant de nuances et dans tous les récits sans qu’il ne se trompe sur le maniement de l’ipséité narrative faisant confondre Dieu avec sa créature dans l’acte et l’intention. Le Coran pour qu’il ne soit qu’un livre de glorification de Dieu en toutes situations de justice, de miséricorde ou d’épreuve il faudrait nécessairement que Dieu en soit lui-même l’auteur. La raison peut déceler une astuce ou un hasard lorsque l’énoncé qui la préside est rare, mais lorsqu’elle se trouve dans une construction précise et infaillible qui se répète malgré le changement de panoramas, de locuteurs, ou de styles alors la cause est divine ou magique.
Voici quelques exemples d’énoncés où l’on voit clairement la distinction entre le bien attribué à Allah et le mal non imputé à Allah dans le même verset :
{Indique-nous le chemin de rectitude, le chemin de ceux que Tu as gratifiés, ni les réprouvés, ni les fourvoyés.} Al Fatiha
{… et nous ne savons pas : a-t-on voulu du mal à ceux qui sont sur la terre ou bien leur Dieu leur a-t-Il voulu une droiture ?} Al Djinn 10
{Celui qui m’a créé, et c’est Lui qui me guide, et c’est Lui qui me donne à manger et me donne à boire, et si je tombe malade, c’est Lui qui me guérit} As Chou’ara 78
Voici quelques exemples d’énoncés où l’on voit clairement la distinction entre le mal non imputé à Allah et le bien attribué à Allah dans des versets distincts :
{On a embelli aux hommes l’amour des voluptés} Ali ‘Imrane 14
{Allah vous a fait aimer la foi, et l’a embellie en vos cœurs, et vous a fait haïr la mécréance, la perversité et la désobéissance.} Al Houjourat
Le Coran, lui-même et par lui-même, prouve son authenticité et celle du Prophète qui fait de ce Coran le témoignage auprès de l’humanité de la véracité de la Parole d’Allah :
{Ne méditent-ils donc pas le Coran ? S’il venait d’ailleurs que de la part d’Allah, ils y auraient trouvé beaucoup de contradictions.} An Nissa 82
Le Coran demande donc aux détracteurs de la prophétie d’étudier le Coran et d’y chercher des contradictions. Nous restons stupéfait de voir les élites musulmanes cherchaient l’inspiration et l’argumentation dans les controverses idéologiques et juridiques que les siècles de décadence et de formalisme ont accumulés au lieu de se plonger dans l’exploration du Coran pour le livrer comme outil d’analyse et de pédagogie aux assemblées nombreuses qui viennent chercher la science dans les mosquées et les médias.
Les Arabes, les Juifs, les Chrétiens, les hommes et les Djinns sont invités à méditer et à analyser les récits coraniques sur les Prophètes, sur la création, sur l’embryologie, sur les cieux puis à se déterminer intellectuellement et spirituellement :
{Ne méditent-ils donc pas sur le Coran, ou bien certains cœurs portent-ils leurs scellements ?} Mohamed 24
La rationalité exige de se prononcer avec objectivité sur les promesses coraniques qui se sont réalisées du vivant de Mohamed défiant l’analyse objective du rapport des forces en sa défaveur. La rationalité exige de se prononcer sur le serment d’Allah de préserver ce Coran, d’accorder une glorieuse renommée au Prophète et de faire de l’Islam la religion dominante. Allah a promis la victoire et le triomphe des musulmans dans leur confrontation aux mécréants agresseurs sous certaines conditions : l’histoire témoigne que ceci est une vérité. Lorsque les musulmans sont défaits, ils ne sont défaits que parce qu’ils n’ont pas respecté les conditions de la victoire qui n’ont rien à voir avec le rapport de force.
Allah a promis le khalifat aux musulmans :
{Allah A Promis à ceux qui sont devenus croyants d’entre vous, et ont fait les œuvres méritoires de faire d’eux, certainement, les successeurs sur la terre, comme Il a fait de ceux qui furent avant eux, des successeurs, et d’accorder plein pouvoir à leur religion, qu’Il a agréée pour eux, et qu’après leur inquiétude, Il la leur changera en sécurité. Ils M’adorent et ne M’associent absolument rien.} An Nour 55
{Certes, Allah donnera sûrement victoire à celui qui fait triompher Sa Cause, en effet Allah est véritablement Fort, Invincible.} Al Hadj 40
Lorsque les musulmans perdent le Khalifat islamique ou ne parviennent pas à l’instaurer de nouveau ils ne font que confirmer la vérité coranique, car ils prennent les choses à l’envers : en effet, ce n’est pas le Khalifat politique qui fait changer la situation du monde musulman, mais c’est le changement ontologique et social, sur les registres intellectuels, spirituels, éthiques, psychologiques et actanciels qui fait émerger le Khalifat comme territorialisation de l’Islam ou comme islamisation du territoire. Il ne s’agit pas de convoiter le pouvoir politique, mais de se réformer. Il y a une dynamique des civilisations qui ne relève pas de notre volontarisme politique ou de l’illusion que la revendication islamiste est forcément vraie, car elle est qualifiée d’islamiste.
Le Khalifat est aussi un don qu’Allah accorde aux opprimés en récompense de leur souffrance et de leur patience :
{Nous voulons faire don à ceux qui furent opprimés de par la terre, en faire des modèles, faire d’eux les héritiers} Al Qassas 2
Nous avons eu des indépendances politiques qui n’ont seulement pas mis fin à la domination coloniale, mais lui ont ajouté la domination des « frères ». Il y a des raisons objectives et subjectives qui expliquent notre décadence et qui justifient notre situation d’opprimés. En cherchant bien nous verrons que le Coran a dit la vérité. Le problème n’est pas dans le Coran, mais dans nos esprits qui ne savent ni lire ni faire les efforts assidus et efficaces.
Le miracle de Badr a bien eu lieu et ce sont les conditions spirituelles, morales et actancielles qui font défaut. Les vainqueurs, les perdants et les observateurs attestent de la victoire des Croyants alors qu’elle semblait impossible. Le Coran avait annoncé la victoire alors que les musulmans n’avaient pas l’intention d’affronter un adversaire mieux organisé, plus équipé et mieux entrainé à la guerre :
{De même que ton Dieu t’a fait sortir de ta maison en toute Vérité, alors qu’un groupe de croyants en étaient répulsifs, ils te controversent sur la Vérité, après qu’elle ait été mise en évidence, comme si on les conduisait à la mort sous leurs propres yeux. Et lorsqu’Allah vous a promis l’un des deux partis, qu’il sera à vous, et vous souhaitiez que celui qui était sans armes vous revienne, tandis qu’Allah Veut que la Vérité s’établisse par Ses Paroles, et qu’ll extermine les mécréants, afin qu’Il établisse le Vrai et qu’Il annihile le faux, même contre le gré des malfaiteurs. Et lorsque vous imploriez le secours de votre Dieu et qu’Il vous a exaucés : « Je vous Renforcerai de mille d’entre les Anges se succédant. » Allah n’a fait cela que comme Bonne Nouvelle et afin que vos cœurs en soient tranquillisés, car la Victoire ne vient que de la part d’Allah. Certes Allah Est Invincible, Sage. Et lorsqu’Il vous enveloppa de sommeil comme sécurité de Sa part, et qu’Il vous faisait Descendre du Ciel une eau pour vous en purifier et éliminer de vous les impuretés de Satan, pour fortifier vos cœurs et pour en affermir les pieds. Et lorsque ton Dieu a inspiré aux Anges : « Je suis avec vous, affermissez donc ceux qui sont devenus croyants, Je déposerais l’épouvante dans les cœurs de ceux qui sont devenus mécréants.} Al Anfal 5 à 12
{Vous ne les avez pas tués, mais c’est Allah qui les a tués. Et tu n’as point lancé, lorsque tu as lancé, mais c’est Allah qui a lancé afin d’accorder aux croyants, de Lui-même, un résultat favorable.} Al Anfal 17
Une victoire impossible par le rapport de forces, d’autres victoires réitérées dans les mêmes conditions défavorables sur d’autres lieux et en d’autres moments appellent la raison à chercher la cause de la victoire des musulmans et celle de la défaite de leurs ennemis. Lorsque le Coran énonce la promesse de victoire et les lois à respecter pour obtenir cette victoire avec la confirmation historique alors la raison doit trouver une explication logique et rationnelle à cette loi qui n’admet pas le hasard. Sayed Qotb a écrit une série d’articles sur les expéditions du Prophète avec une analyse sur l’ambiance spirituelle, militaire, psychologique, morale, topographique et climatologique qui méritent une étude approfondie.
Chaque jour une caricature, une offense et le même mensonge qui consiste à prétendre que Mohamed (saws) a été inspiré par les Juifs et les Chrétiens ou par la Bible et la Tora. Les postures des Arabes, des Juifs et des Chrétiens face à Mohamed (saws) interpellent la raison. Nous allons en citer quelques-unes :
Abou Lahab de son vivant avait la possibilité de détruire la vérité coranique et la Prophétie de Mohamed. Il écoutait le Coran qui annonçait sa mort :
{Que périssent les deux mains d’Abou Lahab le perdant! Ses richesses et ce qu’il a acquis ne lui ont servi à rien. Il sera enfoncé en un Feu pourvu de flammes. Et sa femme, porteuse du bois, aura à son cou une corde de fibres rugueuses.} Al Masad
Abou Lahab était l’ennemi le plus acharné du Prophète. Puissant chef de clan, il vouait une haine contre le Prophète au point de lui jeter des pierres lorsqu’il le rencontrait prêchant à la Mecque. Ces versets qui annonçaient sa mort horrible et sa perte totale et irréversible dans ce monde et dans l’autre le rendaient plus hargneux et plus incrédule. Il demandait à Mohamed, s’il était véridique, de lui donner la preuve de sa menace dans ce monde au lieu de lui promettre le châtiment après la mort. Le verset était clair, non seulement il s’est réalisé du vivant du Prophète et d’Abou Lahab.
Abou Lahab a eu une mort effroyable et humiliante. Il avait pourtant la possibilité de saper toute la Prophétie et tout le Coran en faisant semblant de devenir croyant pour démentir ces versets. Si nous pouvons trouver mille et une raisons pour justifier son entêtement à défier Mohamed (saws) il est difficile de ne pas croire que derrière sa mort précipitée il y a une raison qui vient confirmer l’authenticité du Coran. Il est encore plus difficile de ne pas croire ces versets sont d’une rationalité déroutante, car l’intelligence qui les dictés sait que Abou Lahab ne changera pas : il n’aura ni repentir, ni effet de grâce de la foi, ni mensonge hypocrite.
Comme Pharaon il a vu tous les signes annonciateurs de sa fin. Il a vu son fils ennemi irréductible de Mohamed mourir avant lui. Ce fils avait l’habitude d’insulter Mohamed (saws) en public jusqu’au jour où ce dernier épuisé de son harcèlement leva les mains et fit cette invocation « Allah mon Dieu fasse que la terreur pénètre dans le cœur de ce chien et qu’il meure dévoré par un chien ». Les biographes racontent qu’au cours d’un voyage en Syrie un lion l’attaqua et le dévora, mais ils sont du confondre avec un animal de la famille des canidés aussi grand qu’un lion, mais de même famille que le chien.
De son vrai nom Abdelaziz Abd al-Muttalib ben Hicham al-Qurachî, Abou Lahab a porté dans ce monde et dans l’autre le nom qui lui sied le mieux : l’homme des flammes ou le père du feu. Il est celui dont lui-même, la femme, le fils et les biens ont connu la perdition dans ce monde et la perte dans l’autre sans pouvoir se racheter ni nuire au Prophète.
La raison du Coran a non seulement utilisé les mots qu’il faut et prédit la fin qu’il faut, mais elle a introduit deux facteurs dignes d’intérêts pour l’analyse rationnelle. Le premier facteur est qu’il préserve la dignité du Prophète (saws) envers Abou Lahab qui est son oncle et il ne lui demande pas de dire. Le second facteur est la miséricorde universelle du Prophète qui est préservé, car ce n’est pas lui qui souhaite la mort horrible de son oncle, mais Allah qui l’a décrété. Une fois de plus, le Prophète n’agit pas à sa guise, mais il transmet et exécute les Paroles de son Dieu.
Abou Lahab qui avait l’habitude de dire à Mohamed « Sois maudit, toi et ta religion » meurt, subitement, atteint par une maladie qui a transformé son corps en une plaie nauséabonde. Sa maladie étrange s’est développée quelques jours après l’humiliation de la débâcle de Koraichi à la bataille de Badr.
Le refus des rabbins de se souhaiter la mort :
Devant les faux syllogismes des Juifs qui trouvaient chaque fois esquive pour ne pas donner suite aux réponses que le Prophète donnaient à leurs interrogations sur les Prophètes, la foi, les Anges et Dieu, le Prophète a reçu l’ordre divin de leur demander de souhaiter la mort :
{Dis : « Si la demeure Future vous est exclusivement réservée, auprès d’Allah, à l’exception de tous les Hommes, alors souhaitez la mort, si vous êtes véridiques ». Et ils ne la souhaiteront jamais, en raison de ce que leurs mains ont commis. Allah Est tout-scient sur les injustes. Et tu les trouveras les plus avides des hommes de n’importe quelle vie; et parmi ceux qui sont devenus polythéistes l’un d’entre eux souhaiterait vivre mille ans, mais cette longévité ne le distancierait point du châtiment ; Allah voit tout ce qu’ils font.} Al Baqarah 94 à 96
Demander à quelqu’un ou à un groupe de souhaiter sa propre mort semble irraisonnable, sauf si l’on sait que c’est le défi ultime que le Prophète a lancé aux Juifs leur signifiant que s’ils étaient sûrs qu’il n’était pas Prophète alors qu’ils souhaitent la mort ; s’ils ne meurent pas, ils ont raison et lui a menti, mais s’ils meurent ils seraient devant Dieu qui leur demandera des comptes. Jamais les rabbins juifs n’ont accepté de souhaiter la mort. Pourquoi avaient-ils peur de la mort, car ils savaient que Mohamed était Prophète ou bien qu’Allah les as empêchés d’exprimer ce souhait ? Dans un cas comme dans l’autre, ils avaient en leur possession la possibilité rationnelle de confirmer ou d’infirmer la prophétie de Mohamed, mais ils ne l’ont pas fait donnant ainsi raison au Coran qui les a mis en défi de ne pas le faire.
La Moubahala ou l’invocation de la malédiction sur soi :
Malgré tous les efforts du Prophète (saws), les Chrétiens, dans leur majorité, sont restés hostiles à l’Islam. Ayant épuisé tous les arguments, le Prophète a envoyé un message à Abou Haritha le patriarche des Chrétiens de Najrane lui demandant de se convertir à l’Islam. Haritha en envoyé une délégation forte de 60 personnes, dont les prêtres plus versés dans les sciences religieuses et les notables de la communauté chrétienne, pour rencontrer le Prophète à Médine. Après un long débat qui n’a pas abouti, le Prophète a reçu la Révélation suivante :
{La Vérité émane de ton Dieu, ne sois donc pas du nombre des sceptiques. Quiconque te dispute à son sujet, à partir de ce qui t’a été donné de la Science, alors dis : « Venez, convoquons nos fils et vos fils, nos femmes et vos femmes, nous-mêmes et vous-mêmes, ensuite invoquons pour appeler la malédiction d’Allah sur les menteurs ». Certes, cela est sûrement le récit véridique. Il n’y a aucun dieu sauf Allah, et Allah Est sûrement l’Invincible, le Sage. Et s’ils s’en détournent, Allah Est sûrement Tout-Scient des corrupteurs. Dis : « O gens du Livre, élevez-vous vers une parole normative entre nous et vous : de n’adorer qu’Allah, de ne rien Lui associer, et que nous ne nous prenions point les uns les autres pour Dieu à l’exclusion d’Allah ». Et s’ils s’en détournent, alors dites : « Témoignez que nous sommes musulmans ».} Ali ‘Imrane 60 à 64
Le Prophète leur a proposé la moubahala à l’issue de l’entretien. Rendez-vous fut pris pour que les deux parties se rencontrent avec des représentants qui vont maudire la partie adverse s’il elle est menteuse. Comme convenu le Prophète (saws) s’est présenté, accompagné de sa fille Fatima, de son gendre Ali Abou Taleb et de ses petits-fils Hassan et Hussein, à la date convenue et au lieu convenu pour le cérémonial de la Moubahala institué par le Coran.
La délégation chrétienne s’est montrée admirative devant la détermination du Prophète qui a engagé sa propre famille, mais elle a refusé la confrontation. Dans le cas où la Moubahala n’était qu’une supercherie médiatique et psychologique inventée par Mohamed ou dans le cas où elle était un ordre divin avec ses conséquences tragiques pour le menteur, la question reste posée : pourquoi les Chrétiens forts de leur croyance n’ont-ils pas osé affronter Mohamed et tenter de prendre victoire sur lui lorsque l’occasion exceptionnelle s’est offerte à eux. Le contextuel coranique de la Moubahala laisse penser que le point de désaccord était sur Jésus (saws) et sur Abraham (saws) :
{Certes, l’exemple de Jésus, auprès d’Allah, est tel l’exemple d’Adam, qu’Il créa de poussière, puis Il lui dit : «Sois !» et il est.} Ali ‘Imrane 59
{O gens du Livre, pourquoi vous polémiquez au sujet d’Abraham alors que la Torah et l’Évangile n’ont été révélés qu’après lui : Ne raisonnez-vous donc pas! N’est-ce pas que vous êtes de ceux qui polémiquent sur ce dont ils n’ont aucune connaissance, pourquoi donc vous vous disputez sur ce dont vous n’avez nulle connaissance ? Allah Sait et vous ne savez point. Abraham n’était ni juif ni nazaréen, mais il était un pur monothéiste, musulman, et il n’était point du nombre des polythéistes. Certes, les Hommes les plus dignes d’Abraham sont : ceux qui l’ont suivi, et ce Prophète, et ceux qui sont devenus croyants. Allah Est le Protecteur des croyants.} Ali ‘Imrane 65 à 68
Les élites chrétiennes, du vivant de Mohamed (saws) avaient en leur possession la possibilité rationnelle de confirmer ou d’infirmer sa prophétie de Mohamed et de confirmer ou d’infirmer leur représentation sur Jésus et Abraham, mais ils ne l’ont pas fait donnant ainsi raison au Coran qui les a mis en défi de ne pas le faire.
Les biographes et les historiens musulmans dans leurs commentaires disent que la délégation chrétienne a demandé conseil à des experts religieux chrétiens d’autres pays qui leur auraient dit que jamais un Prophète ne demande la Moubahala sans que sa malédiction n’atteigne la communauté adverse et qu’ils étaient confrontés au péril de voir le christianisme effacer de la surface de la Terre, et que le mieux était soit de se convertir, soit de laisser ce Prophète tranquille pour sauver le christianisme. Au moment de la rencontre, le chef de la délégation chrétienne a dit au Prophète qu’il ne venait pas pour la Moubahala, mais pour la réconciliation et qu’il s’engageait à lui verser l’impôt chaque année.
La situation décrite par le Coran est suffisamment éloquente pour ne pas lui ajouter les controverses désagréables et hors sujet entre les sunnites et les chiites sur le pouvoir politique, l’imamat et autres considérations. Bien entendu prendre les armes contre les Chrétiens et les Juifs pour la seule raison confessionnelle est une hérésie que condamne l’Islam, car le Prophète (saws) était fort pas sa vérité coranique et par le soutien d’Allah (swt).
Est-ce que les Chrétiens et les Juifs savaient que Mohamed était Prophète ?
Le Coran l’affirme :
{Ceux à qui Nous avons révélé le Livre connaissent le Prophète Mohammad comme ils connaissent leurs propres enfants; mais certes, un groupe d’entre eux taisent sûrement la Vérité en le sachant.} Al Baqarah 146
{Ceux à qui Nous Avons Révélé le Livre connaissent le Prophète Mohammad comme ils connaissent leurs propres enfants.} Al An’âm 20
{Ma Miséricorde embrasse toute chose. Je la prescrirai pour ceux qui sont pieux, qui acquittent la Zakat et qui croient en Nos Signes. Ceux qui suivent le Messager, le Prophète analphabète qu’ils trouvent inscrit chez eux, dans la Torah et l’Évangile, qui leur commande le bon usage, leur défend le répréhensible, leur rend licite les bonnes choses, leur interdit les vices, les délivre de leurs faix et des carcans qu’ils portaient. Quant à ceux qui ont foi en lui, le secondent, le soutiennent et suivent la Lumière qui a été révélée avec lui, ceux-là sont ceux qui cultivent. Dis : « O hommes, je suis pour vous tous, en totalité, le Messager d’Allah.} Al A’âraf 157
{Et il est sûrement dans les textes sacrés des Anciens. N’a-t-il donc pas été un Signe pour eux, que les savants des fils d’Israël le connaissent ?} As Chou’ara 196-197
{Et lorsque Jésus fils de Marie dit : « O Descendants d’Israël, je suis le Messager d’Allah vers vous, corroborant ce qui me précéda de la Torah, et annonçant la bonne nouvelle d’un Messager qui viendra après moi : il s’appelle Ahmad ». Et quand il leur est venu avec les évidences, ils dirent : « C’est de la magie évidente ».} As Saff 6
Pourquoi ce refus ? La raison n’est pas religieuse, mais idéologique. La croyance en Dieu et la foi monothéiste commandent par leur logique intrinsèque de chercher le véritable Dieu, car il s’agit de la quête de la vérité dans ce monde et du salut final :
{Ceux auxquels Nous avons Transmis le Livre avant lui, eux, y croient. Et quand il leur est récité, ils disent : « Nous y croyons, c’est la vérité de la part d’Allah. Nous étions déjà musulmans avant sa transmission ».}
Les prêtres et les rabbins en quête de Dieu avaient répondu favorablement, car ils ont trouvé les arguments pour restaurer la foi véritable. Les autres étaient trop attachés à la tradition cultuelle, à la culture de leur communauté et à leur idéologie. L’idéologie c’est le système de représentation, les opinions, les idées que les hommes se construisent pour argumenter et faire valoir leur croyance et leur sacré. L’islam comme principe monothéiste qui apporte la vérité sur Dieu et sur les Prophètes détruit l’idéologie sur laquelle les temples, les intérêts, les empires, les savoirs, l’ethnocentrisme, et des rentes ont été bâtis et des guerres menées :
{Dis : « Je ne suis pas une nouveauté de parmi les Messagers, et je ne sais ce qui sera fait de moi, ni de vous. Je ne fais que suivre ce qui m’est inspiré, et je ne suis qu’un avertisseur évident ». Dis : « Voyez-vous s’il s’avère être de la part d’Allah et que vous y avez mécru ? » Et un témoin des fils d’Israël témoigna de sa ressemblance [avec la Tora] : il devint croyant et vous vous êtes enorgueillis ! Certes, Allah ne Guide point les gens injustes. Et ceux qui sont devenus mécréants dirent à ceux qui sont devenus croyants : « Si c’était un bien, ils ne nous y auraient pas devancés ! » Et lorsqu’ils ne seront pas guidés par lui, ils diront alors : « C’est un vieux mensonge ».} Al Ahqaf 9 à 11
La raison du refus des Juifs et des Chrétiens est idéologique :
{Ni ceux qui sont devenus mécréants, des gens du Livre, ni les polythéistes, ne souhaitent que quelque bien vous soit octroyé de votre Dieu, mais Allah privilégie de sa Miséricorde qui Il veut.} Al Baqarah 104
{Un grand nombre des gens du Livre souhaiterait vous faire apostasier en mécréants, après que vous ayez été croyants, par une jalousie émanant de leur personne, après que la Vérité se soit manifestée à eux. Pardonnez et faites grâce jusqu’à ce qu’Allah fasse Son Jugement.} Al Baqarah 109
Mohamed, Ahmed, le Prophète ultime est annoncé dans tous les livres sacrés du monde. Les textes sacrés Samavida du Brahmanisme annoncent le Prophète ultime. Sushrava l’être parfait décrit comme Ahmed est annoncé par l’Atharvaveda de l’hindouisme. Le Zend Avesta de la religion mazdéenne de Zoroastre annonce Soesh Yant comme le Prophète de la Miséricorde universelle qui va appeler à un Dieu Unique incréé, sans campagne ni émule, l’avant et l’après, l’apparent et le caché, sans forme ni couleur, ni abri ni corps pour le contenir…. Celui qui voudrait entrer dans ce vaste domaine il peut consulter le monument de la pensée arabe Abbas Al Aqqad dans son livre arabe « Matla’â an Nour » ou sa traduction anglaise « Mohammed in World Scriptures ».
Mohamed ou Ahmed dans les Textes des Juifs et des Chrétiens ainsi que les différences de contenu entre les versions est suffisamment connu pour ne pas citer de nouveau les textes et les auteurs qui le démontrent. Il suffit de souligner que les auteurs musulmans ont remarqué que les références citées par Ibn Taymiya, Fakhr Ar Razi et Ibn Al Jawiziya ont disparus comme s’il y a une volonté d’occulter Mohamed (saws) dans les références judéo-chrétiennes. Cela n’empêche pas le miracle coranique de s’imposer à la raison humaine : la renommée universelle de Mohamed et la préservation du Coran :
{Nous t’avons préservé contre les moqueurs, qui placent un autre dieu à côté d’Allah. Mais ils sauront bientôt. Nous Savons sûrement que ta poitrine se serre à cause de ce qu’ils disent. Exalte donc la gloire de ton Dieu, sois de ceux qui se prosternent, et adore ton Dieu jusqu’à la mort.} Al Hijr 95 à 97
{N’avons-nous pas épanoui ton cœur et déposé loin de toi ton fardeau qui ployait ton dos, puis élevé très haut ta renommée!} Al-Hashr 4
{… il consiste en des Versets évidents, préservés dans les cœurs de ceux qui reçurent la Science. Et ne renient Nos Versets que les injustes.} Al Ankabout 48
{C’est sûrement un Coran sublime, dans un Livre bien préservé…} Al Waqi’a 77
{… c’est un Coran glorieux, dans une Table préservée…} Al Buruj 21
{Le faux ne l’atteint [d’aucune part], ni par devant ni par derrière : c’est une révélation émanant d’un Sage, Digne de louange. Et la parole de ton Seigneur s’est accomplie en toute vérité et équité. Nul ne peut modifier Ses paroles.} Foussilat 41
{C’est Nous, en réalité, qui avons révélé le Coran, et Nous le préservons à jamais…} Al Hijr 9
La question que se posent les sceptiques est : le coran est protégé de quoi et de qui ? Il est protégé des falsificateurs, des usurpateurs et des imposteurs. Il est protégé de l’oubli, de l’innovation et de l’erreur. Depuis sa Révélation à ce jour, il continue de témoigner et d’interpeller la raison humaine sur sa vérité, son authenticité, sa crédibilité, sa validité et son efficacité :
{Et Nous avons réellement facilité, en fait, le Coran pour la réflexion. Y a-t-il donc quelqu’un qui réfléchisse ?} Al Qamar 32
Il est sûr et certain que notre monde post moderne caractérisé par la vitesse et la démocratisation de la communication et de la science va apporter des preuves tangibles aux vérités coraniques :
{Nous leur Montrerons Nos Signes dans l’Univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur soit évident que c’est la Vérité.} Foussilat 53
Les savants matérialistes de la biologie, de l’embryologie, de la géologie, de l’astrophysique, de l’océanographie parviennent à la certitude que l’univers et la vie sont l’œuvre d’une intelligence absolue qu’ils décrivent avec les saints Noms d’Allah (al Asma al hosna). Ces savants croient en Dieu, mais sont en quête de la religion qui représente la grandeur, la puissance, la perfection et la majesté de ce Dieu qu’ils ont connu par la science. Le judaïsme est raciste, le christianisme est mythologique et plein de contradiction, le bouddhisme est une philosophie de vie, l’islam est mal représenté par les musulmans vivant en marge de leur temps. Comment le musulman vivant dans le futile, l’accessoire, la controverse juridique et le culte des anciens pourrait-il devenir le réceptacle de la connaissance de Dieu et le véhicule de cette connaissance à ceux qui viennent de découvrir Dieu sans découvrir l’Islam, son Coran et son Prophète ?
Qu’il y ait réponse ou non à l’appel et au témoignage du musulman, il lui suffit de s’investir dans la connaissance de la Parole de son Dieu, car c’est un investissement impérissable qui procure de surcroit un émerveillement intellectuel, un ravissement spirituel et une récompense divine dans ce monde et dans l’autre :
{Certes, ceux qui récitent avec assiduité et minutie le Livre d’Allah, accomplissent la prière et font aumône de ce que Nous leur avons octroyé, en secret et en public, aspirent à un négoce dont le gain est intarissable, afin qu’Il leur règle intégralement leurs rémunérations, et les gratifie d’un surplus de Sa Munificence. Il Est Absoluteur, Très-Gratifiant.} Fatir 29-30
Ceux qui sont hostiles à l’Archange Gabriel, car il a transmis la révélation à des Prophètes qu’ils n’ont pas voulu et qu’il a exécuté le châtiment contre leurs anciennes communauté ne peuvent accepter que le Coran soit transmis et soit compris :
{Dis : « Qui est ennemi de Gabriel ? », car il l’a Révélé en ton cœur, par le Vouloir d’Allah, corroborant ce qui le précéda, ainsi que Direction infaillible et bonne nouvelle pour les croyants. […] En fait, Nous t’avons révélé des Signes évidents et ne les nient que les pervertis.} Al Baqarah 96 et 98
Il nous faut donc beaucoup de travail et beaucoup d’endurance. Nos agitations et nos convulsions actuelles ne sont ni du travail ni de l’endurance… Il faut être honnête et reconnaître que notre discours enflammé sur l’eschatologie, la morale et les anciens n’est pas le discours rationnel que la raison occidentale peut ou a envie d’écouter. Le Coran n’a pas besoin de nos gymnastiques en matière de rhétorique pour être admis comme la Parole de Dieu. Il faut le livrer aux autres en leur donnant les matériaux qui les aident à y effectuer leur propre quête de sens.
Ce sont tous ses éléments avec d’autres aussi sinon plus complexes qui entrent dans la formation du sens, du style et de l’esthétique du Coran le rendant incomparable, éternellement jeune à découvrir et à méditer. Cet exposé assez sommaire que je réalise alors que je ne suis pas ni arabisant ni islamologue de formation me laisse frustré devant les trésors cachés de la langue arabe. Je peux comprendre le miracle coranique littéraire comme un défi à la raison et je peux imaginer le plaisir intellectuel et esthétique des arabisants qui pratiquent le Coran avec virtuosité. Il faut donc respecter la liberté des autres à croire ou ne pas croire et faire confiance à la puissance intrinsèque du Coran à argumenter et à montrer la voie de la raison, du sens. Son esprit de justesse a pour but de montrer le principe de Justice d’Allah. On peut trouver toutes les nobles qualités de ce Livre pour les Attribuer à Son Auteur.
Avant de terminer cet exposé je tiens à souligner une fois de plus que le Coran s’adresse à la raison :
{Il dit : « Adorerez-vous donc, à l’exclusion d’Allah, ce qui ne peut vous être utile en rien ni vous nuire ? Quelle honte, vous et ce que vous adorez, à l’exclusion d’Allah ! Ne raisonnez-vous donc pas ! »} Al Anbiya 66
Abraham interpellait la raison humaine qui ne parvient pas à comprendre qu’en adorant une pierre elle fait perdre à l’humain sa dignité. Le Coran nous montre dans plusieurs de ses récits que la raison elle-même n’est pas libre pour décider rationnellement. La raison, l’intelligence, la cognition sont prisonnières du cœur cette faculté que la neuroscience commence à percevoir et qui est le pouvoir de décision, la volonté, la motivation que construit l’éducation, la culture, l’idéologie. La raison toute seule ne peut conduire à la vérité et à la foi lorsqu’elle est aliénée :
{… Allah fait revivre les morts et vous Montre Ses Signes, afin que vous raisonniez. Puis, vos cœurs se sont endurcis après cela. Ils sont comme les pierres, ou plus durs encore. Car il en est des pierres desquelles jaillissent les fleuves; et il en est d’autres, quand on les fend, l’eau coule; et il en est d’autres qui s’affaissent par la crainte d’Allah ! Et Allah n’est point inattentif à ce que vous faites. Vous attendez-vous donc à ce qu’ils vous croient, alors qu’un groupe d’entre eux : ils entendaient les paroles d’Allah puis les falsifiaient après les avoir raisonnées, en le sachant ?} Al Baqarah 73 à 75
{N’ont-ils donc pas été de par la terre, de sorte qu’ils aient des cœurs avec lesquels ils raisonnent ou des oreilles avec lesquelles ils entendent ? En fait, ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais ce qui s’aveugle, ce sont les cœurs qui sont dans les poitrines.} Al Hajj 46
Le cœur qui commande l’intelligence doit être sain et libre. Le discours religieux et moralisateur ne peut à lui seul réveiller et entretenir la foi. Il y a un travail de déconstruction et de reconstruction de l’homme, de sa façon de penser, de se comporter et de définir ses priorités, son éthique et son esthétique. Cela semble paradoxale, mais le travail de déconstruction et de reconstruction est un travail qui s’appuie sur la raison en amenant les gens à s’interroger et à chercher les réponses les plus rationnelles tout en leur fournissant l’alternative la plus crédible, la plus rationnelle et la plus efficace qui soit. Ce travail exige le respect de l’homme en refusant de la manipuler ou de l’infantiliser par un discours paternaliste. Il exige aussi la lutte pour la liberté, car elle permet la confrontation des idées et l’émergence des compétences. Le miracle de la foi, une fois les préjugés déconstruit, relève du divin :
{Allah Guide vers Sa Lumière qui Il veut. Et Allah fournit les paraboles aux hommes. } An Nour 35
Si nous pouvions comprendre la Parole d’Allah comme il se doit alors nous comprendrons mieux nos rapports à Allah ainsi que nos rapports aux créatures d’Allah. Est-ce que nous pouvons dans ce cas donner suite, sans analyse et sans responsabilité, prendre pour argent comptant la parole d’un savant, d’un homme politique ou d’un gouvernant alors que cette parole est entachée d’erreur, de fausseté, de mensonge, de calculs et d’oubli… Souvent la parole humaine manque de cohérence, de logique, de finalité bienveillante, de sens… La Parole d’Allah est le véritable chemin vers la liberté…
Si nous pouvions comprendre la Parole d’Allah comme il se doit ainsi que les efforts moraux, cognitifs et spirituels qu’elle exige alors nous comprendrons mieux notre exigence envers la justice et la liberté qui font défaut dans notre monde arabe et dont l’absence fait de chacun de nous, gouvernant, gouverné et opposant, un ennemi de la société, un transgresseur des droits d’autrui. C’est par l’amour, la justice, la vérité et la raison que nous rendons la connaissance sur Allah, Son Coran et Son Prophète accessible à l’humanité. C’est mentir contre Allah et ignorer Sa Parole que croire qu’Il a besoin de notre contrainte sur les gens pour qu’Il soit connu et adoré.
Si nous pouvions comprendre la Parole d’Allah comme il se doit alors nous connaîtrons Allah tel qu’Il a voulu se faire connaitre à nous et non comme nous le présentons aux autres à travers nos idéologies, nos doctrines et nos opinions sectaires.
Omar MAZRI