Il se passe des choses sérieuses et graves en Algérie et curieusement personne n’en parle de ce côté de la Méditerranée ! Une guerre intestine est en train de se dérouler sous nos yeux, entre le clan des bouteflikistes et celui des généraux, car l’issue des prochaines élections permettra à certains de continuer leur travail de sape et de destruction, quant aux perdants, ils finiront leurs tristes jours dans les geôles de la justice. Les enjeux personnels sont immenses, que dire des vrais intérêts sous-jacents concernant les matières premières…
Si au cours des quinze dernières années, la vie politique algérienne a été particulièrement monotone voire morne et sans relief particulier, en dehors des dizaines de scandales financiers portés sur la place publique à coups de milliers de milliards de dinars – et encore par le fait de juridictions étrangères1 ! –, elle a connu ces derniers mois et particulièrement ces dernières semaines, une inquiétante accélération des événements et une intense agitation. Il faut rappeler en effet qu’une fois élu en 1999, Bouteflika mettra pas moins de « huit mois » pour former son premier gouvernement car, disait-il, il était à la recherche de ministres à la stature d’hommes d’état2. La montagne accouchera d’une souris. Certes, il y a eu cette période qui aboutira à la Charte sur la réconciliation nationale, mais il faut rappeler que cette dernière n’a été que l’aboutissement naturel et logique de la loi sur la Rahma initiée et engagée par son prédécesseur3. Et encore ! Cette Charte a sciemment fait l’impasse sur les nombreux cas d’Algériens déportés dans les camps irradiés du Sud ou carrément disparus ainsi que sur les assassinats politiques grimés en actes terroristes. Oui, l’Algérie a déporté son propre peuple par dizaines de milliers dans des camps de concentration ayant été irradiés lors des essais nucléaires français des années soixante (1960-66) ! Plusieurs de ces déportés souffrent aujourd’hui de cancers mortels.Sa nonchalance, son indifférence totale aux souffrances endurées par les Algériens4, voire son aboulie atteindront leur paroxysme lorsqu’en avril 2001, il ne réagira pas aux crimes commis en son nom, puisqu’il assumait la lourde charge de président de la république, chef des armées. Pas moins de 126 Algériens innocents venaient d’être canardés de sang-froid par les gendarmes dans leurs villages respectifs en Haute et Basse Kabylie, entraînant une crise sans précédent qui durera plus d’une année5. Il faut quand même rappeler que ces militaires étaient sous le commandement des généraux Ahmed Boustila et Toufik (Mohamed Médiène), alors que l’inénarrable ministre de l’intérieur Zerhouni, un proche et fidèle de Bouteflika, venait de commettre l’impudence de traiter de « voyou » la première victime Massinissa Guermah, un jeune Lycéen studieux de 18 ans, tombé le 18 avril dans l’enceinte même de la gendarmerie de Béni-Douala !
Et pourtant ! Dans un discours, Bouteflika n’hésitera pas à solliciter le soutien du peuple pour faire face au pouvoir omnipotent des 15, 20 ou 30 généraux (sic) et qu’il ne souhaitait pas être jeté dans l’arène face au lion, comme dans les arènes de Rome. Il disait aussi qu’il ne voulait pas être un trois quarts de président6 !
Plus tard, à une question du reporter de LCI sur l’affaire des moines de Tibhirine : « Vous pensez qu’il y a encore des parts de mystère ? » Bouteflika répondit : « Oui, absolument, mais je pense aussi qu’il y a un problème de timing, un problème de temps, toute vérité n’est pas bonne à dire à chaud.7 »
C’est dire que la lutte prétendument engagée par Bouteflika contre les généraux ne date pas d’hier, ni même d’avant-hier et à cette époque personne n’avait relevé ce détail. Mais en vérité ni Bouteflika, ni les généraux n’ont jamais eu la ferme intention d’agir pour rétablir l’ordre. Ils s’employaient, chacun de son côté, à constituer des dossiers compromettants pour l’adversaire d’en face – en somme, une espèce de chantage réciproque qui ne dit pas son nom – et à en faire usage dans un but exclusivement dissuasif pour maintenir un certain équilibre des forces, hélas, des forces du mal qui ont érigé la corruption et le népotisme en système de gouvernance. L’Algérie dans tout cela ne sera pour eux que la vache à lait dont ils ne voudront à aucun prix se détacher de la mamelle. C’est ce bicéphalisme du pouvoir algérien qui explique par exemple qu’un criminel comme Chakib Khellil, homme du premier cercle présidentiel, proche des USA puisque double national, ait pu quitter le territoire sans être inquiété le moins du monde8.
Il faut savoir qu’en 1999, Bouteflika avait ramené dans ses malles tous les ingrédients d’une véritable désintégration de la société algérienne avec éclosion et développement de tous les maux sociaux : corruption, détournements de l’argent public et pillage des richesses nationales, gabegie, régionalisme, favoritisme, enrichissement illicite, hogra, régression de l’autorité administrative à tous les niveaux, violation ou non application des lois, bidonvilisation, justice aux ordres, trafics en tous genres (alcool, psychotropes, drogues dures, prostitution, pédophilie…). Une redoutable boîte de Pandore ! Finalement tout n’était qu’une question de timing, de temps, comme il l’avait dit lui-même au reporter de LCI.
Qu’y a-t-il donc eu de changé depuis ?
Le troisième mandat touchant à sa fin, l’élection présidentielle arrive à grands pas. C’est ce troisième mandat qui pose problème et c’est lui qui est la source des dérives de plus en plus graves que connaît actuellement l’Algérie. Il faut rappeler en effet que ce dernier n’a pu se concrétiser qu’à la faveur du viol de la constitution qui n’en prévoyait que deux. C’est dire que si Bouteflika et ses satellites n’ont pas hésité à violer la constitution pour imposer aux Algériens un troisième mandat9, que ne seraient-ils pas capables de faire pour s’assurer d’un quatrième en dépit d’un état de santé catastrophique ! Les dernières images, tournées en dérision en France, sur son état de santé sont assez humiliantes (cf. première photo de cet article). À ce rythme, le cinquième mandat présentera ses ossements aux prochaines élections de 2019.
C’est après la visite officielle de Hollande en Algérie, fin 2012, qu’une succession d’événements viendra animer et bouleverser la vie politique. Rappelons que Bouteflika lui réservera un accueil des plus chaleureux et des Tlemcéniennes en costume traditionnel pousseront le zèle jusqu’à entonner une chanson à la gloire de Hollande, humiliante pour la dignité nationale10 ; nous assisterons même, interdits, au baise-main fait à Hollande par le sinistre Saci11. Le 16 janvier 2013, soit moins d’un mois après cette visite, la plateforme gazière coexploitée par BP, Statoil et Sonatrach à Tiguentourine (In-Aménas), pourtant hautement sécurisée, sera l’objet d’une attaque massive dont les contours restent encore obscurs et suscitent des interrogations au sein de la population et des observateurs étrangers, accentuant par là même les tensions internes et régionales. Vers la même période, les forces aériennes françaises seront presque secrètement autorisées – comme dans un adultère – à survoler l’espace aérien algérien durant la sinistre opération Serval au Mali, impliquant indirectement l’Algérie dans un conflit qui n’est pas le sien. Après l’accident vasculaire cérébral ayant frappé le président, la famille Bouteflika fera le choix étrange de l’envoyer en France, qui plus est, dans une structure militaire pour y être soigné ! Son long séjour aurait été mis à profit par son frère cadet Saïd pour nouer des liens avec des responsables français et négocier avec eux un package deal à même de garantir au clan de se maintenir au pouvoir ou à défaut de trouver les voies et moyens qui lui permettent d’échapper aux poursuites judiciaires une fois en dehors du pouvoir. Le juge Trévidic sera enfin autorisé à enquêter en Algérie sur l’affaire des moines de Tibhirine12 et des contacts auraient été opérés par Saïd avec l’ambassadeur d’Israël à Paris. Les réseaux maçonniques de la Françalgérie sont puissants et effectifs. Le 24 décembre 2013, Abdelmoumen Khalifa sera extradé vers Alger. C’est alors que Bouteflika – ou du moins son entourage – estimera le moment venu de procéder à des changements importants au sein des Services avec notamment la restructuration de certaines directions et la mise au placard de nombreux officiers supérieurs et généraux dont il redoutait l’hostilité.
Le second séjour hospitalier du président entraînera l’affolement de son premier cercle car il éloigne davantage la perspective d’un quatrième mandat. Mais il rentrera à temps pour pouvoir, le 17 janvier 2014, convoquer le corps électoral. L’élection est fixée au 17 avril 2014 et la date limite de dépôt des dossiers de candidatures au 4 mars. C’est la proximité de cette date butoir qui précipite les événements et emballe la mécanique. La panique se lit dans les visages frappés par la terreur de perdre le pouvoir et de devoir rendre des comptes sur les crimes commis et les milliers de milliards de dinars disparus…
Tous ces faits ont donc changé la donne et le timing semble à présent favorable aux yeux du clan présidentiel pour porter l’estocade. Il ne le fera pas lui-même et, comme à son habitude, il chargera pour cette besogne une marionnette, en la personne d’un personnage pittoresque et haut en couleur, un ancien percussionniste, plus exactement un drabki de la troupe bédouine de Abdallah El Menai de Oued-Souf, devenu par la grâce de Saint-Abdelaziz, président de l’APN, avant d’être sacré il y a à peine quelques mois secrétaire général du sacro-saint FLN13. Qui d’autre aurait accepté une telle mission ? Oui cher lecteur, oui ! Un drabki adepte de la rechka de cabaret est à la tête du FLN ! Quel sacrilège pour ce symbole ? Cela ne pouvait que finir ainsi après 50 ans de mensonges et de rapines.
Cette mission, certes courageuse mais obsolète car menée trop tardivement, aurait connu un sort meilleur si elle avait été initiée au début de son premier mandat ou à la rigueur du second avec en filigrane la volonté réelle et sincère d’en finir avec l’emprise du militaire sur le civil. C’est que le bougre a osé s’attaquer frontalement au patron des Services secrets (Toufik), lui assignant à lui seul l’échec cuisant de la gouvernance durant ces quinze dernières années et même avant, donnant à sa diatribe l’allure d’un règlement de comptes. Il osera même prendre la défense de Chakib Khelil – le Georges Soros algérien – en ayant l’outrecuidance de le dépeindre sous les traits du ministre le plus compétent et le plus honnête. Mais il est intéressant d’observer que le grand tabou Toufik est tombé, cela est extrêmement important à souligner.
Il va de soi que ce personnage évalue l’honnêteté de Chakib Khellil à l’aune de la sienne, lui qui a détourné 3500 milliards du fonds de développement agricole. Il se réfère bien sûr au sens particulier qu’il donne à cette noble vertu. Ces fonds alloués à la Générale des concessions agricoles (GCA), sont évalués à plus de 500 millions de dollars et ont également été convoités par l’ancien ministre de l’Agriculture, Said Barkat, un proche de Bouteflika, que celui-ci nommera sénateur au titre du tiers présidentiel, comme pour le gratifier, lui et son ami drabki, d’avoir fait main basse sur ce magot. Curieusement cette affaire ne fera l’objet d’aucune instruction judiciaire. Le silence de Gaïd Salah – fidèle parmi les fidèles de Bouteflika –, en sa qualité de Ministre de la Défense nationale, est des plus étranges. Pourtant, dans un passé encore récent, ce ministère avait réagi pour des faits autrement moins graves.
Le DRS chargera ses relais, au sein de la société civile et des médias, de répondre à l’importun. On assistera alors à une levée de boucliers de certains généraux à la retraite et d’un ancien ministre de la justice, s’échinant à rejeter les graves accusations portées par l’actuel secrétaire général du FLN contre le patron des Services. Nous aurons vécu une situation des plus cocasses puisque cet ancien ministre rappellera dans une contribution à El-Watan du 9 février 2014 que le nouveau patron du FLN lui avait rendu visite le jour même de son intronisation à la tête du parti, pour lui dire que s’il tenait à garder son poste de ministre de la justice, il lui conseillait amicalement d’extirper Chakib Khellil des griffes de la justice comme on retire un cheveu de la pâte14.
Un général à la retraite15, croyant bien faire en venant en aide à son ancien frère d’arme, qualifiera ce dernier de malin, ce qui arrachera cette réflexion à un citoyen dont le blog sur la Toile jouit d’une forte audience, El Erg Echergui16 : « Si pour vous, malin signifie intelligent, alerte, l’œil fauve, etc. alors vous vouliez rire. Laissez-nous, Général, vous apprendre que cet humour n’est pas du goût de la famille de Mohamed Boudiaf, ni celle de Kasdi Merbah, ni celle de Matoub Lounes, ni celles des moines de Tibhirine, ni celles des victimes de Tiguentourine, ni… Nous ne vous fatiguons pas des familles des disparus et les centaines de milliers de laissés-pour-compte dont les proches ont péri au cours de la sale guerre. Nous savons que vous les méprisez. Mais si par malin, vous voulez dire qu’il est indéboulonnable et que ses adversaires dans le pouvoir n’auront pas sa peau, alors oui, il n’y a pas de doute. Pour ses intérêts, il est un vrai diable, Machiavel personnifié. Son cerveau ne fonctionne qu’à la préservation de son pouvoir et l’affaiblissement de ses adversaires. Il n’a pas un bataillon de colonels dans les rouages de l’État et une armée de deux millions de valets pour rien. Pour finir, on peut dire qu’il est tellement malin que vous n’avez vu que du feu de ses crimes abominables. » Pour ma part, je rajouterai à cette liste macabre le nom de Abdelkader Hachani, un homme de paix qui s’échinait, au niveau qui était le sien, à rechercher des solutions à la crise et à mettre fin à l’effusion de sang. Le souvenir des innombrables victimes est encore vivace dans nos cœurs.
Mon propos, ici, n’est pas de diriger une attaque en règle visant les services, ô que non ! Ces services qui existent dans tous les pays du monde sont une institution essentielle pour la préservation de l’intégrité de l’état et sa sauvegarde. Je dénonce par contre ceux qui ont été trop longtemps à la tête de ces services et qui, échappant à tout contrôle, ont produit et permis de se produire des dérives intolérables, croyant sans doute être au-dessus des lois et absous de tout compte à rendre au peuple qu’ils sont censés servir et protéger .
Ceci dit, il faut savoir que les criminels sont toujours rattrapés par leur passé, loi cosmique éternelle, quelle qu’ait été leur puissance du moment. Au delà d’un certain seuil d’acceptabilité, le citoyen se rebelle et n’hésite pas à crier son désarroi, même au péril de sa vie. C’est ainsi que Nezzar, l’un des responsables du parricide du 29 juin 1992, vivra une malencontreuse aventure après qu’il eut été interpellé par un groupe de citoyens et alors qu’il venait, curieusement, se recueillir pour la première fois sur la tombe du président Boudiaf à El-Alia17. Ce jour-là, il eut un avant-goût – version soft – de ce que seront les tribunaux populaires.
Le site électronique Algérie patriotique18 dont tout le monde sait qu’il s’agit d’un fake mis en place par les rejetons des généraux Médiene et Nezzar pour redorer le blason de leurs géniteurs, un blason terni par tant de crimes et de malheurs, n’hésitera pas à revendiquer les hauts faits d’armes très lointains dont la paternité revient à l’ancien patron des Services, Kasdi Merbah. Cette situation est des plus cocasses car les généraux Médiene et Nezzar avaient fermé les yeux – pour ne pas dire initié et encouragé – une campagne virulente contre le défunt Merbah dès lors qu’il eut annoncé la création de son propre parti politique, le MAJD. Cette campagne avait rebondi sur l’homme, un personnage particulièrement intègre et sourcilleux sur le respect absolu de la légalité, mais les apprentis sorciers de ces manœuvres sournoises n’avaient pas mesuré l’impact négatif qu’elles pouvaient avoir sur l’institution elle-même. Elles en paient aujourd’hui le prix. D’autant que leur propre bilan est aux antipodes de celui de Kasdi Merbah et qu’il est entaché de crimes abjects. Ne seront-ils pas à l’origine de l’interruption du processus électoral en janvier 1992 ? Une violation que Bouteflika (François Mitterrand également !) reconnaîtra comme telle dès le début de son premier mandat et qui sera la cause directe d’une guerre civile ayant entraîné plus de 200 mille morts, des milliers de disparus et d’internés dans les camps irradiés du Sud, sans omettre les assassinats politiques maquillés en actes terroristes et les pertes matérielles considérables. Le patron du FLN n’hésitera pas à accuser le DRS d’avoir tripatouillé des dossiers et d’être derrière les accusations portées contre Chakib Khellil pour nuire au clan Bouteflika.
En réalité, en se solidarisant avec l’ancien ministre des hydrocarbures et en prenant sa défense, le patron du FLN pense surtout à assurer sa propre défense, se sachant largement impliqué dans le scandale du détournement des fonds de la GCA, des fonds qui lui ont permis ainsi qu’à son compère du gouvernement, ancien ministre de l’agriculture, d’acquérir des biens immobiliers en Europe.
Il aura fallu attendre la terrible catastrophe aérienne du 11 février dernier pour que le président sorte d’un mutisme troublant et qu’il s’exprime enfin sur le duel opposant son homme de paille au patron des services. Il finira par le sacrifier en désavouant son initiative, soucieux dira-t-il pour se donner une certaine contenance, de protéger et maintenir la stabilité des institutions. À 18 jours de la date fatidique du 4 mars 2014, date butoir pour le dépôt des candidatures, les belligérants s’observent en chiens de faïence et se toisent.
À ce titre, il est d’ailleurs malheureux et décevant d’observer que le personnel politique algérien, vieillissant, n’ait pas été en mesure d’assurer la relève. Dans un pays comme l’Algérie, ce rôle devrait être naturellement dévolu aux jeunes élites formées dans les universités et les grandes écoles et non aux partis politiques traditionnels qui, le plus souvent, sont dirigés par des gameleurs opportunistes, khobzistes professionnels, qui n’ont aucun programme politique digne de ce nom, ne servant in fine que de faire-valoir démocratique au pouvoir. Au moment où l’Italie est gouvernée par un homme de 39 ans, en pleine force de ses moyens physiques et intellectuels, l’Algérie est prise en otage par une gérontocratie paternaliste régnant sans partage sur un peuple qu’elle a sciemment infantilisé et déresponsabilisé, se contentant de le maintenir sous perfusion pour garantir un semblant de paix sociale. D’ailleurs, chacun sait que le règne de Bouteflika s’est volontairement illustré par la mise à mort intellectuelle de tous les cadres, si bien que le champ politique ressemble plus à un désert désolant qu’à une pépinière de cadres verdoyante. Sans oublier la fuite de millions de cerveaux qui font le bonheur de l’Occident à moindre frais.
Quant au bilan des trois mandats et au plan social, il faut d’abord rappeler l’illégitimité de l’élection à la présidence, en ce sens que le taux de participation aux élections a toujours été très faible (de l’ordre de 20%), sans compter le tripatouillage du fameux fichier électoral et des urnes elles-mêmes. En ce qui concerne les réalisations, elles sont particulièrement maigres et sont frappées du sceau de la triche et de la corruption. Il n’est que de rappeler les travaux incessants de réfection de l’autoroute Est-Ouest du fait de leur très mauvaise qualité ainsi que l’effondrement récent du tunnel de Djebel El-Ouehche à Constantine. Est-il utile de rappeler que les ressources financières de l’Algérie proviennent exclusivement de l’exploitation outrancière et anarchique de notre sous-sol ? Une fausse économie qui a démantelé toutes les installations industrielles patiemment construites au cours des années 70 et qui ne s’est jamais intéressée à développer les investissements productifs ou à réduire la dépendance alimentaire. C’est ainsi que nous avons assisté au développement foisonnant d’une faune d’opérateurs économiques malfaisants, activant sauvagement dans l’import-import, et qui ont littéralement dépecé le pays. Des traîtres justiciables des tribunaux ! Cela viendra assurément …
Quant à l’administration et aux collectivités locales, elles souffrent d’une misère morale abominable et d’un déficit de crédibilité. Ce sont leurs propres agents qui, dans l’indifférence générale, violent les lois de la république et entretiennent la corruption, malgré un corps de police pléthorique et grassement rémunéré, alors qu’en face, le chômage est endémique et fait des ravages incommensurables, poussant les jeunes à se jeter à la mer dans des embarcations de fortune pour fuir des rivages hostiles et rejoindre un eldorado virtuel et trompeur. Ceux qui n’ont pas été corrompus partagent la même responsabilité du fait de leur silence. Que peut-on attendre d’une jeunesse démoralisée qui préfère être dévorée par elhout (poissons) que par eddoud (vers) ?
Au plan international, la politique étrangère connaît une indigence inquiétante qui ravale notre pauvre pays au rang de ceux qui ne comptent plus, alors qu’il avait connu naguère une position autrement plus brillante et particulièrement enviée.
Que pourrait-il donc se passer dans les tout prochains jours ?
De tout ce qui précède, il est aisé de comprendre que le clan Bouteflika, fortement impliqué dans de très nombreuses affaires de corruption et de malversations, craigne par dessus tout, de devoir rendre des comptes au lendemain du scrutin, si d’aventure le pouvoir venait à lui échapper. Le spectacle qu’offre le pays, à l’approche de cette élection déterminante pour son avenir et celui du clan, s’apparente à un chaudron sous pression qui, s’il venait à exploser, embraserait le pays tout entier.
La situation du clan opposé n’est pas plus brillante. Les généraux qui ont été impliqués dans l’action de « maintien de l’ordre » durant la sinistre décennie noire et même au delà, n’ont pas la conscience tranquille pour bon nombre d’entre eux et Bouteflika ne s’est pas gêné de le leur faire comprendre. L’allusion faite au reporter de LCI est assez éloquente en soi et les révélations faites autour de la création d’escadrons de la mort échappant à tout contrôle n’arrangent par leurs affaires. L’existence d’un service parallèle a également été révélée. En somme, ils se tiennent tous par la barbichette et n’était-ce la maladie et l’affaiblissement physique et intellectuel du président sortant, il ne fait aucun doute qu’un consensus se serait vite construit autour de sa candidature. La donne a changé du fait même de cette maladie. Cependant, si l’on devait se fier à l’analyse faite par un politologue, ancien colonel du service algérien de renseignements et familier des arcanes du système, l’entourage du Président voudra contrarier le processus naturel et interférer pour favoriser le président sortant, devenu pourtant valétudinaire voire cacochyme depuis son accident vasculaire. À défaut, il œuvrerait pour l’élection d’un allié capable d’assurer au clan une totale impunité.
Pour y parvenir, Saïd Bouteflika est capable, selon cet observateur, « de provoquer une effusion de sang et mener une politique de la terre brûlée en faisant appel à ses baltaguias économiques ».
Triste sort que celui prédit par cet observateur qui, curieusement a complètement disparu des écrans radars depuis l’ouverture de la boite de Pandore par un drabki criminel (crime économique) et débile, aux ordres d’un président par procuration. Car il faut bien se rendre à l’évidence que le président est maintenu en otage par un clan aux abois et que c’est ce clan qui agit en son nom et par procuration. La situation est tellement grave et préoccupante que des voix crédibles19 en les personnes de Ali Yahia Abdennour, Rachid Benyelles et Taleb-Ahmed Ibrahimi, se sont élevées récemment contre la perspective d’un quatrième mandat après avoir dressé, dans un communiqué commun sans complaisance, un tableau sombre et effrayant du règne de Bouteflika. Il en est de même d’anciens officiers de l’ANP parmi lesquels Ahmed Chouchane20 et Hocine Haroune21 qui vivent en exil à Londres et qui ont fait des révélations stupéfiantes22 sur les dessous de la crise et le danger qui guette l’Algérie avant et même après l’élection présidentielle. Les toutes dernières déclarations attribuées à Bouteflika obscurcissent davantage la visibilité et laissent le champ libre aux spéculations les plus farfelues et les plus folles. L’inévitable main de l’étranger a encore une fois été incriminée.
La sortie médiatique d’un autre vieillard de 71 ans, homme du système, anciennement préposé à l’ouverture des portières et au port de parapluie, devenu par la suite, par la grâce de ce même système, premier ministre, a lui aussi manifesté son intention de postuler à la magistrature suprême. Un comble ! Les médias complices ont titré quasi unanimement que cet homme était sorti de sa réserve après un long silence23. Je dirais pour ma part qu’il est en fait sorti de sa planque, car il faut préciser que ces gens-là, sans étoffe, sans éclat et sans charisme attendent patiemment chez eux le coup de fil salvateur venant des Tagarins et leur ouvrant, sans encombres, la voie à El-Mouradia. Ce sombre personnage écrit : « Pour que notre pays vive ces échéances dans la cohésion, la sérénité et la discipline légale et sociale, il est primordial que les différents intérêts de groupes, de régions et de minorités soient préservés et garantis. » Il est troublant et scandaleux que cet individu ose se soucier d’intérêts de groupe lorsque l’on sait que les compromis solides et pérennes sont ceux conclus avec les forces vives de la nation en dehors de tout régionalisme, sectarisme ou clanisme. Il est vrai qu’il garde encore ses vieux réflexes d’intrigant, lui dont le groupe organisait à la fin 1988-début 1989, avec certains journaleux acquis à la cause, des rencontres nocturnes au Club des Pins et dans les salons huppés d’Alger pour préparer leurs misérables complots. Cette sortie insolite doit être interprétée comme une véritable offre de service faite à ceux qui traînent des casseroles et se tiennent par la barbichette, craignant, par dessus tout, l’arrivée d’un Monsieur Propre aux commandes. Cette offre de service stupéfiante émanant d’un homme du sérail garantirait donc aux deux clans la préservation de leurs intérêts, une garantie précieuse dans la conjoncture actuelle. C’est la raison pour laquelle il apparaît aujourd’hui comme celui qui pourrait être adoubé par les parties en conflit pour succéder à Bouteflika, sans susciter la moindre crainte pour eux.
Curieusement, dix jours avant cette sortie manifestement préparée et avec un tempo minutieusement réglé, son ancien ministre de l’économie, réfugié à Paris, avait fait une déclaration dans laquelle il fustigeait deux des candidats les plus en vue, Ali Benflis et Ahmed Benbitour24. En somme, il était chargé par son mentor de déblayer le terrain.
Il est utile de rappeler que ce ministre, d’extraction incertaine, avait fait appel aux services du Bureau d’études parisien ACT dirigé par le très sioniste Benhaïm. C’est aussi à cette période que même des oranges avaient été importées du Maroc alors qu’elles étaient infestées par le pou de Californie, une maladie qui exposait nos propres vergers à la contamination. Il y aurait tant de choses à dire sur cette période trouble !
Quoiqu’il en soit, il est certain que les grandes capitales, comme Washington ou Paris, voudront mettre leur grain de sel dans cette exécrable tambouille et qu’elles feront tout pour s’assurer la grande part du gâteau dans un pays, certes exsangue, mais dont le sous-sol recèle des richesses considérables et qui occupe une situation géostratégique de premier plan en Méditerranée.
Les jours et semaines à venir seront riches en rebondissements, car la situation est réellement gravissime, voire explosive. L’Algérie n’a jamais été autant menacée dans sa stabilité et son intégrité.
L’idéal serait que ces deux clans se neutralisent mutuellement et que le pouvoir revienne enfin au peuple longtemps spolié. La solution consisterait, si par malheur des apprentis sorciers se mettaient en tête de vouloir contrarier le processus démocratique, à se mettre en désobéissance civile et à observer une « grève générale illimitée » dès le premier jour du scrutin. Il s’agit de rester chez soi et de ne pas en sortir plusieurs jours durant, en signe de protestation. Pour cela, il convient de préparer un ravitaillement suffisant en denrées alimentaires et médicaments pour soi-même et pour le voisinage immédiat qui pourrait être dans le besoin. Cette solution ultime, totalement pacifique et ne mettant en danger ni les citoyens, ni les infrastructures, ni les équipements, est à même de prendre de court les artisans démoniaques et maléfiques qui ont œuvré au démantèlement de la nation, en les désarçonnant totalement. C’est aussi le moyen idéal de prouver au reste du monde que le peuple algérien se désolidarise complètement de ceux qui ont spolié le pouvoir depuis quinze années et qui s’y accrochent désespérément au risque d’exposer le pays au chaos. Il y va du salut du peuple déjà meurtri par plus d’une décennie de guerre civile et des fondements mêmes de la nation. Enfin, il est à souhaiter que l’armée algérienne, une armée populaire issue du peuple et héritière de l’armée de libération nationale, comportant en son sein de jeunes officiers de valeur, sache garder sa neutralité et œuvrer dans le sens de la préservation de l’intégrité territoriale, du maintien de la cohésion nationale, de la sécurité et de la sauvegarde des institutions. Que les septuagénaires et les octogénaires rentrent définitivement chez eux et fassent pour une fois usage de raison en laissant les forces vives de la nation prendre leur destin en main.
Le peuple algérien est complètement démoralisé et nombre d’Algériens sont quasiment dévoyés et dégénérés, la maçonnerie étant passée par là. Il n’arrive plus à réagir et se laisse doucement couler dans les abysses de l’indignité et du dhoull. Nombre de ses étudiantes s’amusent en s’alcoolisant dans les cabarets25 des grandes villes au lieu d’étudier. Nombre de ses enfants dansent au rythme du raï dégénéré des Japoni et autres Taliani ! Voire même d’homosexuels aux paroles sans équivoque ! Que peut-on espérer de positif et de sain de la part d’un peuple aussi égaré et éloigné de la rectitude divine et que la « Baraka » céleste a définitivement quitté ?
Dieu fasse qu’il soit épargné à notre pays des épreuves supplémentaires que seuls des ennemis acharnés et sans foi ni loi voudraient lui infliger. En attendant la Providence.
Docteur Salim Laïbi (LLP) – lelibrepenseur.org
22 février 2014
1 http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2720p047_049.xml0/
2 http://www.algeria-watch.org/farticle/concorde/gouvnouv1.htm
3 http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/11/25/article.php?sid=141909&cid=2
4 http://www.youtube.com/watch?v=8jZrxAznzyc&sns=em
5 http://www.kabyle.mobi/fr/images/la-kabylie-au-souvenir-de-massinissa-guermah-19686.html
6 https://www.youtube.com/watch?v=k1fXJh-msLU
7 https://www.youtube.com/watch?v=N1FGNIvAjws
8 http://www.liberte-algerie.com/actualite/chakib-khelil-quitte-l-algerie-par-oran-deux-jours-apres-la-perquisition-de-ses-proprietes-197086
9 http://www.lematindz.net/news/9603-sarkozy-jean-daniel-et-le-secret-du-3e-mandat-9e-partie.html
10 https://www.youtube.com/watch?v=-PsmPmpMqJ0
11 http://lequotidienalgerie.org/2013/01/12/la-courbette-et-le-baisemain-au-royaume-de-sa-majeste-le-roi-tab-jnanou/
12 https://www.youtube.com/watch?v=N1FGNIvAjws
13 http://www.tsa-algerie.com/entretiens/item/4593-exclusif-amar-saadani-toufik-aurait-du-demissionner
14 http://www.liberte-algerie.com/actualite/graves-revelations-de-charfi-sur-saadani-l-ancien-ministre-de-la-justice-sort-de-sa-reserve-215421
15 http://www.elwatan.com/actualite/hocine-benhadid-bouteflika-doit-partir-dignement-et-gaid-salah-n-est-pas-credible-12-02-2014-245523_109.php
16 http://elergechergui.wordpress.com/2014/02/12/la-garande-blague-du-general-hocine-benhadid/#more-26184
17 https://www.youtube.com/watch?v=hr3xDskPYuU
18 http://www.lelibrepenseur.org//?s=fake&x=0&y=0
19 http://www.liberte-algerie.com/actualite/un-requisitoire-contre-la-gestion-de-bouteflika-declaration-d-ali-yahia-abdennour-ahmed-taleb-ibrahimi-et-rachid-benyelles-215579
20 https://www.youtube.com/watch?v=4yz9qPthRIs
21 https://www.youtube.com/watch?v=0k_I6-Im4n4
22 https://www.youtube.com/watch?v=Yq3pRMoKmZ0
23 http://www.elwatan.com/actualite/l-appel-de-mouloud-hamrouche-18-02-2014-246220_109.php
24 http://www.tsa-algerie.com/actualite/item/5018-ghazi-hidouci-ancien-ministre-sous-hamrouche-benflis-est-regionaliste-et-benbitour-est-pire-que-lui
25 http://www.youtube.com/watch?v=fglNdoF0ngw