Nourris de mythes et gouvernés par des miteux, nous ne faisons qu’attendre le retour du Messie ou l’arrivée du Dajjal pour surmonter nos difficultés et supporter la nausée qui s’empare de nous lorsque nous tentons de voir la réalité du monde que nous hantons. Nous oublions que chaque jour qui vient apporte avec lui une proposition de renouvellement qui s’offre à chacun de nous. Il apporte aussi son lot de malédictions. Parfois des choses inouïes se produisent pour réveiller de la torpeur, de l’insouciance ou du dégoût. C’est ainsi que ces derniers jours nous voyons les syllogismes fallacieux et les artifices mensongers annonçant l’apocalypse non seulement voler en éclat, mais défier toute logique humaine routinière : il y a des forces supra-naturelles qui agissent et un destin qui s’accomplit. Les événements qui s’enchaînent à une vitesse surprenante et dans une logique irrationnelle nous font penser à la fable de La Fontaine « La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf » :
Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ?
– Nenni. – M’y voici donc ? – Point du tout. – M’y voilà ?
– Vous n’en approchez point. « La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
Cette allégorie de la vanité, de l’ambition démesurée, de l’arrivisme social et politique, des classes parasitaires va comme un gant au Qatar qui a commencé à enfler et enfler depuis pratiquement 1995 lors de l’arrivée au pouvoir du cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani par un coup d’État contre son père. La force de frappe du pouvoir qatari est constituée de :
- l’argent du gaz : le Qatar est le quatrième producteur de gaz naturel du monde après les États-Unis, la Russie et l’Iran ; il est le premier exportateur de gaz naturel liquéfié.
- la diplomatie active,
- la plateforme internationale de l’aviation civile,
- et la chaîne médiatique Al Jazeera.
La chaîne Al Jazeera a réussi à briser le monopole des Saoudiens sur le paysage médiatique arabe. Dans ses rapports aux Saoudiens il faut se rappeler que le Qatar, depuis son indépendance le 3 septembre 1971 a toujours contesté le monopole de l’Arabie saoudite et a toujours refusé de devenir un membre des Émirats arabes unis ou de l’Arabie saoudite. Il faut se rappeler aussi que si la création du Qatar est une création des Britanniques à la suite de la décadence de l’Empire ottoman et de la découverte des hydrocarbures, elle est aussi la suite d’un processus de rébellion contre la tutelle bahreïnienne des Al Khalif. Al Jazeera a « libéré » la domination exclusive des gouvernements arabes sur l’information nationale. Elle a donné la voix aux opposants arabes y compris aux opposants au régime saoudien. Elle a su présenter un nouveau style et une nouvelle compétence fondés par le recrutement des meilleurs journalistes arabophones autour de l’équipe éditoriale en provenance de la Britannique BBC Arabic Television. L’Arabie saoudite a tenté de rivaliser avec Al-Jazeera en créant le 3 mars 2003 la chaîne Al Arabia par le groupe MBC ayant pour siège Dubaï aux Émirats arabes unis. Al Arabia est une chaine de désinformation avec des moyens colossaux (400 salariés et 120 journalistes).
Dans le monde arabe, la chaîne a pu gérer les contradictions du monde arabe : donner la voix au HAMAS, au JIHAD islamique, aux Frères musulmans et aux gouvernants de l’entité sioniste. Mettre en vedette Haykel (le nationaliste) laïc et Qaradhawi (l’internationalisme islamiste). Couvrant la guerre en Afghanistan, elle a montré Al Qaïda, Ben Laden, la résistance afghane et l’armée américaine. Elle a couvert la guerre au Kosovo, défendant les bosniaques et justifiant la guerre de l’OTAN contre la Serbie, elle a divulgué les accords secrets entre l’entité sioniste et l’Autorité palestinienne. C’était une révolution médiatique qui a donné de la visibilité, de la présence et de la puissance au Qatar. Il appartient aux experts de l’information, du marketing, de la sociologie, de la politologie, de l’idéologie, de la diplomatie et du renseignement de se prononcer sur ses constructions informationnelles et ses luttes idéologiques dans le monde arabe. Il y a du travail pour les jeunes doctorant.
Les choses se sont corsées lorsqu’ Al Jazeera et la diplomatie qatarie sont devenus des acteurs partisans et sectaires lors du « printemps arabe » notamment en Égypte et en Libye. Le Qatar, dont la famille régnante se réclame du wahhabisme, soutient principalement les mouvements liés aux Frères musulmans, ce qui provoque de fortes tensions avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, très hostiles à la confrérie frériste. Les choses se sont aggravées lorsque le Qatar est devenu l’instrument idéologique, financier et militaire contre Maâmar Kaddhafi en Libye et Bachar al Assad en Syrie en plus de sa propagande médiatique. Cet instrument et cette propagande non seulement sont en rivalité avec l’instrument et la propagande des Saoudiens, mais en contradiction sur les tactiques, les stratégies et les finalités. Ce n’était ni une question de démocratie, ni d’Islam, ni de justice internationale, ni de solidarité humaine, mais des convoitises sur les ressources, des manifestations d’egos surdimensionnés, des comportements de pervers narcissiques qui ont instrumentalisé la religion et les valeurs humaines.
Porté par l’audience et la capacité de propagande d’Al Jazeera, les premières réussites en Libye et en Syrie, le régime qatari n’écoutait pas ceux qui le mettaient en garde contre la vanité et l’ambition démesurée qui font enfler jusqu’à exploser comme la grenouille de La Fontaine. Ni les Qataris, ni les Saoudiens ni les autres bédouins ne peuvent comprendre la morale subtile de la fable : un changement nocif qui s’effectue d’une manière suffisamment lente, mais arrogante finit par échapper à la conscience, au sentiment et à la raison. La descente aux enfers provoquée par la mégalomanie et le crime ne suscite ni réaction, ni opposition, ni esprit critique, ni révolte. En s’adaptant à sa folie et au chaos produit, en acceptant l’effusion de sang et en armant les tueurs, l’individu, la société et les régimes subissent la loi de l’adaptation qui les conduit à tolérer le mal et à le propager jusqu’aux limites qui conduisent à l’explosion venant de l’extérieur ou à l’implosion venant de l’intérieur. Le pire de l’adaptation au mal c’est d’inverser les valeurs et les principes : prendre le mal pour le bien et le bien pour le mal. Les phénomènes addictifs sont destructeurs. L’addiction au pouvoir et à l’impunité est pire que celle à l’alcool et à la drogue.
وَمِنَ ٱلنَّاسِ مَن يُعْجِبُكَ قَوْلُهُ فِي ٱلْحَيَٰوةِ ٱلدُّنْيَا وَيُشْهِدُ ٱللَّهَ عَلَىٰ مَا فِي قَلْبِهِ وَهُوَ أَلَدُّ ٱلْخِصَامِ
وَإِذَا تَوَلَّىٰ سَعَىٰ فِي ٱلأَرْضِ لِيُفْسِدَ فِيِهَا وَيُهْلِكَ ٱلْحَرْثَ وَٱلنَّسْلَ وَٱللَّهُ لاَ يُحِبُّ ٱلفَسَادَ
وَإِذَا قِيلَ لَهُ ٱتَّقِ ٱللَّهَ أَخَذَتْهُ ٱلْعِزَّةُ بِٱلإِثْمِ فَحَسْبُهُ جَهَنَّمُ وَلَبِئْسَ ٱلْمِهَادُ{Parmi les hommes, il y a celui dont le discours te plait lorsqu’il parle de la vie de ce monde. Il prend Dieu à témoin de ce que contient son cœur ; mais c’est le plus acharné des querelleurs. Dès qu’il [te] tourne le dos, il s’en va par la terre pour y semer la corruption et détruire les récoltes et le bétail ; mais Allah n’aime pas la corruption. Lorsqu’on lui dit : » Prends garde à Dieu ! » la superbe s’empare de lui et le pousse au péché. La la Géhenne lui suffira : quel détestable lit !} Al Baqara 203
La descente aux enfers à cause de l’effusion de sang des Libyens, des Syriens et des autres humains ne fait que commencer. Elle a été initiée par un comportement qui ne sied pas à une quelconque autorité religieuse : Les « savants » saoudiens ont fait valoir leur appartenance tribale et leur référence à Abdelwahab. Il a été suivi par une guerre médiatique avant de se transformer en rupture diplomatique, embargo économique et ultimatum militaire. Il s’agit tout simplement d’une demande de reddition pure et simple du Qatar aux injonctions saoudiennes sinon un coup d’État ou une invasion militaire. Les conditions de la capitulation sont dictées sous forme de dix commandements dont :
- la fermeture d’Al Jazeera ou son alignement sur celui d’Al Arabiya,
- le renvoi des cadres du HAMAS et des Frères musulmans résidents au Qatar,
- le paiement d’une taxe pour dédommager l’Arabie et les Emirats arabes des nuisances du Qatar. Il s’agit sans doute du paiement d’une redevance sur le gaz pour compenser l’imposition financière de Trump aux Saoudiens et une échappatoire aux futurs dédommagements à verser aux assurances américaines et aux victimes du 11 septembre. Il s’agit de laisser le Qatar endosser tout seul la responsabilité du terrorisme « islamique ». Les lobbies saoudiens aux Etats-Unis ont financé les campagnes médiatiques contre le Qatar l’accusant de soutien du terrorisme. Dans mes livres sur l’Islamophobie et les révolution arabes j’ai montré que la lutte idéologique de l’islamophobie consistait, entre autre, à enlever toute légitimité intellectuelle et morale aux savants musulmans en les poussant à la faute,connaissant leur amour du pouvoir, de l’argent et leur savoir limité à la compilation des livres anciens. Le jour où l’association internationale des savants musulmans serait taxée d’agents de subversion idéologique et de fabricants de terroristes est proche. Cela fait partie de l’ordre des choses. Qaradhawi ni ses disciples ne peuvent réfuter les appels à la rébellion armée et à la mise à mort de dirigeants arabes ni à leur légimitation de l’assassinat de figures religieuses ou politiques ni à leur justification de l’effusion de sang à grand échelle. Les pseudos intellectuels musulmans de France ont ramené l’islamophobie à une haine envers les banlieues françaises alors que les pseudos islamistes ont demandé l’intervention de l’OTAN.
Après le Qatar, chacun jouera en son temps et selon l’agenda de l’empire et du sionisme le rôle de bouc émissaire du terrorisme comme le montre la Fable de Jean de La Fontaine : Les animaux malades de la peste.
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste [puisqu’il faut l’appeler par son nom]
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d’honneur.
Et quant au Berger l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour et dit : J’ai souvenance
Qu’en un pré de Moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
À notre époque, le scénariste, le moralisateur et l’acteur principal sont sous la direction de Donald Trump qui joue sur la lâcheté, l’arrogance, la servilité et la stupidité des Bédouins arabes. Pour relancer les projets de relance économique aux États-Unis il impose :
- au Koweït de verser 50% de son revenu annuel au lieu des 25% versé à l’Amérique en paiement de sa libération et de sa protection contre l’Irak,
- à l’Arabie saoudite 500 milliards de dollars en achat d’armement américain et en investissements dans les infrastructures américaines.
- Il va exiger du Qatar le paiement d’une dîme à vie ou du financement de l’autre partie de son projet de relance économique en échange de la protection américaine contre les convoitises de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes. Les positions contradictoires de Trump, souhaitant l’Arabie et accusant Qatar puis demandant à une conférence de paix à Washington, ne sont pas stupides, elles sont celles d’un cambiste qui fait monter les enchères.
L’argent arabe va continuer de servir à détruire le monde arabe et à donner la suprématie à ses ennemis. Le monde arabe n’a que faire de l’arabité et de l’Islamité de l’imposture « Serviteurs de deux lieux saints de l’Islam » comme il n’a que faire des luttes interconfessionnelles ou des rivalités de pouvoir : il veut la paix et le progrès. Le chemin de la paix et du progrès est la liberté assumée par les peuples et la gouvernance sensée des élites.
Nous attendions l’apocalypse d’une guerre américano-arabe contre l’Iran et voila le Qatar ex grenouille enflée qui devient l’âne à dévorer. Quelle que soit l’issue du Qatar, mangé cru, bouilli ou pourri ou comme une arête de poisson qui coince à la gorge, l’Arabie saoudite sortira humiliée par sa stupidité et l’Iran grandi par son influence efficace. Les suites attendues de la crise qatarie sont nombreuses. Un coup d’État en Arabie saoudite n’est pas à exclure. la punition du Sultanat d’Oman pour sa neutralité envers l’Iran, le Yémen et Qatar… Gaza et le HAMAS sont cependant les premières victimes de la stupidité arabe. Le grand gagnant est l’entité sioniste qui va normaliser ouvertement ses relations avec les Arabes et arbitrer leur conflit ou faire office de Kawwad (entremetteurs) des Arabes auprès des États-Unis. Il n’y a pas de théorie de complot, mais il y a des processus logiques. Le destin de Dieu n’est pas un arbitraire, mais des lois en œuvre. En prenant position contre la Syrie, non seulement les dirigeants du HAMAS se sont montrés ingrats, mais corrompus et stupides. Le chien le plus méchant ne mord jamais la main de celui qui le nourrit, mais les dirigeants du HAMAS se sont détournés de la Syrie alors que Bachar al Assad a refusé les injonctions américaines et saoudiennes de cesser l’aide et la collaboration de la Syrie à la résistance palestinienne et libanaise. Comme on creuse son lit comme on s’y couche. J’ai écris un livre sur Gaza et la résistance du HAMAS dans lequel j’ai exprimé mon admiration et mon soutien pour la résistance palestinienne, mais dans lequel j’ai aussi exprimé ma crainte de voir l’héroïsme et la victoire confisqués par les bureaucrates et les rentiers de l’islamisme politique ou par les diplomates de l’extérieur. Après le printemps arabe j’ai eu la chance de voir les troubles du camp de Yarmouk en Syrie dans leur tragédie à venir : la défection du HAMAS pour des considérations partisanes. C’est dans le moment de gloire que la tentation et l’épreuve sont les plus terribles. La réalité et la vérité ne manquent jamais d’interpeller un homme, une faction ou un peuple : pour quel principe tu as combattu et tu t’es sacrifié ?
Les changements ne demeurent pas en l’état et les saoudiens vont comme au Yémen s’enliser. Des processus se mettent en place et peuvent aider le Qatar non seulement à refuser la capitulation, mais à accepter la confrontation. :
Les Turcs changent la donne en envoyant leurs troupes d’élite au Qatar et en activant le pacte de défense commune. Ils font de l’offensive la meilleure stratégie défensive contre le plan de déstabilisation qui vise la Turquie et qu’Erdogan a permis par son ambition et ses confusions. Par ailleurs un grand pan de l’économie turque en particulier le secteur du bâtiment et de la construction est en partenariat d’affaire (montage financier et boursier) avec le Qatar et il est difficile de croire que la Turquie va assister impuissante à l’effondrement de son économie ou de sa confiscation d’autant plus que les retombées négatives de la guerre en Syrie se font sentir. La Syrie était un poumon industriel et commercial pour la classe entrepreneuriale turque ainsi qu’un réservoir de main d’œuvre à bon marché. Par ailleurs la Turquie d’Erdogan a perdu un allié stratégique après le coup d’État de Sissi contre le président Morsi et elle ne va pas se permettre de perdre le dernier allié. Les dirigeants turcs sont persuadés que le même scénario israélo-américano-saoudien appliqué contre les Frères musulmans égyptiens est en préparation au Qatar.
Les Iraniens changent la donne en ouvrant leur espace aérien et leurs ports. La chaîne saoudienne Al Arabia, par désinformation ou par crainte, annonce l’arrivée de troupes d’élite des Gardiens de la Révolution pour protéger le palais et dignitaires qataris. Les iraniens savent que les Saoudiens cherchent, sous impulsion américaine, n’importe quel prétexte pour leur déclarer la guerre, est-ce qu’ils vont donner ce prétexte ?
Les rencontres entre Turcs, Iraniens et Irakiens annoncent peut-être l’émergence d’un front anti saoudien qui va se manifester par le soutien effectif au Qatar. L’Émir du Qatar, jeune et intelligent, peut imaginer un scénario inédit même si la configuration géographique est en défaveur du Qatar.
La visite du MAE qatari à Moscou s’inscrit dans ce cadre. Les Russes ont intérêt pressant à une présence active au Moyen-Orient.
De part et d’autre nous sommes face à des mentalités arabes qui subissent l’affectif au lieu de se soumettre à la raison. Les choses peuvent donc aller vite, trop vite tout en se compliquant dans un sens ou dans l’autre. Dans l’immédiat les Russes, les Turcs et les Iraniens peuvent changer les lignes de confrontation et les échéances, mais ils ne peuvent changer les mentalités et le cours de l’Histoire. Ce qui est sur c’est que les rivalités entre Qatar et les pays du Golfe sont vielles comme le temps, ce qui est vrai aussi ce sont les luttes tribales et l’esprit clanique. À la différence du passé, lointain ou proche, le conflit sort de son cadre golfique pour devenir régional et en voie d’internationalisation.
La crise est installée durablement, son dénouement sera tragique et il viendra davantage de l’effondrement des États-Unis que du renouveau du monde arabe. Pour l’instant on ne peut que se réjouir de l’effondrement de l’OTAN arabe.
Le monde arabe – administrés et administrateurs, gouvernants et gouvernés, pouvoir et opposition, élite et gens du commun, musulmans et non-musulmans, islamistes et nationalistes, sunnite et chiite – doit impérativement penser à sa résistance contre la stupidité des siens et à la cupidité vorace des étrangers. Il doit comprendre qu’il n’y a ni dignité humaine ni autonomie politique ni patrie lorsque les nationaux ne produisent ni leur nourriture ni leur armement, ni leurs idées ni leur devenir. La fin des mythes des miteux doit nous faire prendre conscience qu’avec la mentalité miteuse qui nous habite depuis des siècles nous sommes aptes ni à importer la modernité et la laïcité de l’Occident ni à nous propulser en élan civilisateur et libérateur de l’Islam.
Combien est vraie la sentence prophétique :
« Comme tu fais il te sera fait ».
Omar MAZRI – http://liberation-opprimes.net/les-mythes-des-miteux-volent-en-eclats/