Toutes les religions, toutes les coutumes et toutes les législations exigent que le transgresseur soit amené à reconnaitre sa transgression, à réparer les conséquences et à faire amende honorable pour mettre fin à ses iniquités. La justice morale ou institutionnelle nationale et internationale accorde le droit à la victime d’exercer son devoir naturel et légitime de riposter contre toute agression de manière proportionnée.
Le talion (du latin talis signifiant tel : tant pour tant et tel pour tel) est la forme de justice la plus ancienne et la plus légitime : infliger au coupable, en guise de châtiment, le même traitement que celui qu’il a fait subir à la victime. La peine sera prononcée contre l’agresseur (le commanditaire et l’exécutant) et non contre ses esclaves ou ses domestiques.
Le code d’Hammourabi, 18ème siècle av JC : Si quelqu’un a crevé un œil à un notable, on lui crèvera un œil. S’il a brisé un os à un notable, on lui brisera un os. Si quelqu’un a fait tomber une dent à un homme de son rang, on lui fera tomber une dent.
La Tora : Tu feras payer corps pour corps, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, plaie pour plaie, contusion pour contusion. (Exode, 21, 23 à 25).
La Charte des Nations Unies : Article 51
Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.
Le Coran
وَلَا تَرْكَنُوا إِلَى الَّذِينَ ظَلَمُوا فَتَمَسَّكُمُ النَّارُ وَمَا لَكُم مِّن دُونِ اللَّهِ مِنْ أَوْلِيَاءَ ثُمَّ لَا تُنصَرُونَ
Ne vous appuyez pas sur les iniques, car le Feu vous atteindrait. Vous n’avez pas d’autres protecteurs que Dieu et vous n’obtiendrez alors aucun secours par la suite.
هَلْ أُنَبِّئُكُمْ عَلَىٰ مَن تَنَزَّلُ الشَّيَاطِينُ
تَنَزَّلُ عَلَىٰ كُلِّ أَفَّاكٍ أَثِيمٍ
يُلْقُونَ السَّمْعَ وَأَكْثَرُهُمْ كَاذِبُونَ
وَالشُّعَرَاءُ يَتَّبِعُهُمُ الْغَاوُونَ
أَلَمْ تَرَ أَنَّهُمْ فِي كُلِّ وَادٍ يَهِيمُونَ
وَأَنَّهُمْ يَقُولُونَ مَا لَا يَفْعَلُونَ
إِلَّا الَّذِينَ آمَنُوا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ وَذَكَرُوا اللَّهَ كَثِيرًا وَانتَصَرُوا مِن بَعْدِ مَا ظُلِمُوا ۗ وَسَيَعْلَمُ الَّذِينَ ظَلَمُوا أَيَّ مُنقَلَبٍ يَنقَلِبُونَ
Vous ferai-je savoir sur qui descendent les démons ? Ils descendent sur tout pécheur calomniateur.
à qui ils colportent des rumeurs, mais la plupart d’entre eux sont des menteurs. Quant aux poètes, les suivent ceux qui s’égarent. Ne vois-tu pas qu’ils divaguent dans n’importe quelle direction et qu’ils disent ce qu’ils ne font pas ? à l’exception de ceux qui croient, qui accomplissent des œuvres pies, qui invoquent Dieu très souvent et qui se défendent lorsqu’ils sont victimes d’iniquité. Les iniques connaîtront quelque jour le destin funeste qui les attend !
Ceci dit, on voit qu’il n’y a pas de place à l’hystérie et à l’hypocrisie. La question primordiale est : Qui est l’agresseur ? Dans les relations internationales, le chef d’État prenant l’initiative d’une guerre, ayant des comportements ou menant des actions provoquant la guerre est l’agresseur. En droit international, l’agression est une attaque armée d’un Etat contre un autre, non justifiée par la légitime défense. Toute parole ciblant les valeurs morales, les symboles et les institutions d’un pays dans le but de nuire à ce pays est synonyme d’agression. Placer un pays souverain sous embargo est une déclaration de guerre, une agression. Envahir des pays ou faire tomber un régime, assassiner ses adversaires idéologiques sous prétexte de précaution ou de guerre préventive est une agression. Les Etats-Unis et le colonialisme sont experts en matière d’agression et de violation des traités. Installer par la force des armes ou par la subversion de pseudo démocraties est une agression contre les peuples qui n’ont pas élu les « zouaves » importés.
Dans les relations internationales, le refus de se solidariser avec l’État agresseur est une façon de refuser la guerre. Par contre les accusations et les intimidations proférés à l’encontre de l’agressé sont des justifications qui donnent légitimité à l’agresseur en encouragement à poursuivre l’agression. Le silence ou l’indifférence sont des marques de félonie et d’impuissance. Se réjouir des malheurs d’un agressé ou le pousser vers l’escalade est obscène, diabolique…
Est-ce les Iraniens ont utilisé leur droit de riposte : salve d’honneur ou vengeance proportionnée ou annonce des futures représailles ?
Est-ce que les Irakiens vont délaisser leur droit et leur devoir de riposter contre l’agression menée sur leur sol et faisant des victimes irakiennes ?
Demain on aura la réponse par l’évaluation de l’ampleur et de la gravité des dégâts. A priori les Iraniens vont sur le plan de la confrontation directe s’aligner graduellement sur la riposte américaine tout en faisant savoir aux Américains et aux alliés des deux bords qu’ils sont prêts à un affrontement plus intense et plus couteux. Cependant sur le plan de la confrontation indirecte les Iraniens vont tenter d’imposer leur agenda géopolitique : faire sortir les Américains d’Irak et leur faire subir des défaites cinglantes en Afghanistan et en Syrie. Nous assisterons sans doute à quelques mesures ici et là de représailles et de contre représailles à travers le monde pour que chaque belligérant signifie à l’autre son existence et sa qualité de menace. Nous assisterons à des passes d’armes entre Démocrates et Républicains approfondissant le désordre et la dissolution des Etats-Unis.
Cependant il y a une nouvelle démarcation en émergence et une nouvelle règle : la fin de la présence américaine sur le sol arabe et musulman. Le compte à rebours a commencé. Les bénéficiaires de la présence américaine, sunnites et chiites, vont intensifier leur communication anti iranienne, mais il y a un cours de l’histoire que les petits cailloux ne peuvent endiguer ou arrêter.
Le Président américain poussé par les lobbies (sioniste, évangéliste et militaro industriel) et sa psychologie pathologique peut déclencher une guerre massive contre l’Iran. Le rapport des forces en faveur des USA sera biaisé et amoindri par la mobilité des Iraniens et le soutien populaire, ainsi que par la corruption du Pentagone et la confusion dans la chaine de commandement américain.
Les Américains ont imposé leur puissance de feu et leur logistique de combat en Afghanistan et en Irak sans emporter la victoire décisive. Face à l’Iran et dans les conditions actuelles, l’Amérique est face au flou et à l’imprévisible de leurs propres errements tout en étant face à la détermination du peuple iranien et des axes de résistance contre l’Empire. L’Occident dans sa globalité n’a plus d’agenda géopolitique crédible et viable. L’issue du conflit est entre les mains des peuples et des élites arabes et musulmanes mises au défi de penser et de promouvoir une alternative nationale et régionale hors de l’hégémonie américaine. Les peuples européens et leurs élites sont mises elles aussi devant leurs responsabilités face à la guerre et à la paix. Nous sommes à l’ère de la néo décolonisation et de l’achèvement de la libération. L’issue ne dépend ni des Occidentaux ni des sionistes, mais dépend du désir de liberté et de la revendication de dignité sans alignent idéologique, économique, culturel, politique. Il dépend d’une nouvelle lecture de l’Islam et d’une nouvelle conscience humaine.
Est-ce qu’il est utopique d’espérer une unité humaine des opprimés, des colonisés et des déshérités contre le transgresseur, l’inique et le criminel abstraction faite de la confession religieuse des uns et des autres. Cette unité n’est pas forcément militaire : fédérer les énergies financières, économiques communicationnelles, techniques et technologiques d’une part et fraterniser les cœurs d’autre part sont les chemins de libération, de dignité…
Les Etats Unis s’appuient sur l’Islamophobie comme Deus Machina, arme diabolique, pour séparer et détruire les mondes arabe et musulman s’appuyant sur leurs contradictions, leurs faux curseurs idéologiques, leurs divergences doctrinaires et leurs appétits mondains. C’est faire cultiver la méfiance vis-à-vis des musulmans et entretenir la défiance entre les musulmans afin d’enlever des cœurs toute compassion, d’effacer des esprits toute lucidité et ainsi provoquer les césures territoriales, historiques, mentales, culturelles et économiques. Les césures dans ce qui pourrait devenir éveil civilisationnel sapent toute tentative de développement et maintiennent en état les appareils d’accaparement cupide et avide des ressources mondiales. L’Islamophobie n’est pas la haine de l’Islam ou la xénophobie envers les musulmans, mais l’inoculation et l’entretien de la culture de la haine sectaire, des particularismes ethno linguistiques et de la divergence idéologique au sein des mentalités musulmanes et conduire ces mentalités, devenues insensées et insensibles, à s’automutiler et à s’autodétruire pour le compte de l’Empire et du sionisme.
La guerre fratricide entre L’Iran et l’Irak, la lutte idéologique entre laïcistes et islamistes, la lutte entre chiites et sunnites, la liquidation de Kadhafi puis l’entrée en rivalités de factions, les unes soutenues par la « communauté internationale », les autres par les Bédouins du désert et d’autres encore par les néo ottomans ne sont que des illustrations de l’Islamophobie comme machine de guerre. Lorsque le général Kaidi résume la tragédie de la lutte fratricide en Algérie par ces mots « nous prononçons tous la même attestation de foi avec chacun pointant son arme sur l’autre et la même interrogation sur le « qui a raison et le qui tu qui » l’islamophobie a déjà œuvré pour fracturer les mentalités et semer les confusions et accentuer les césures.
L’islamophobie véritable machination de guerre œuvre sur trois registres. Le registre de la naïveté des foules fascinées par les mythes, les légendes et la narration. Le registre des pygmalions narcissiques qui prennent leurs fantasmes idéologiques comme idoles et leurs partis comme vérité absolue. Le registre des miroirs diaboliques : l’Occident nous renvoie l’image de nous-mêmes déformés par ses prismes idéologiques, nous acceptions non seulement de refléter cette caricature, mais nous devenons nous-mêmes des émetteurs déformant disant à l’Occident ce qu’il a envie d’entendre sur nous qui à son tour construit des hypothèses et des scénarios sur nos territoires hors de la réalité.
C’est cette image du monde que certains se plaisent à idéaliser et à justifier. C’est le discours de Trump qui affiche un triomphalisme que sa mine et celle de ses militaires dément, et qui profère des menaces qu’il aura du mal à tenir au vu de la situation qui échappe maintenant à tout entendement humain et à tout calcul politicien. La raison et l’intuition nous disent tout haut et sans maquillage qu’il y a une nécessité mystico historique de changement et que ce changement sera sinon l’humanité est en péril.
L’Irak est le premier concerné par le changement radical s’il veut continuer d’exister. Les Américains ne partiront pas aisément et avant leur départ dans des cercueils : ils vont pousser le pays à se démembrer et à sombrer dans la guerre civile. Jamais ils ne permettront l’existence d’une entité géographique apte à faire la jonction entre le Cham (Syrie, Liban et Palestine) et la Perse. Ils s’appuient sur la corruption et l’incompétence qu’ils ont installées en Irak. Ils s’appuient sur l’infantilisme sunnite allié des Bédouins arabes. La seule espérance pour l’Irak est de transcender leurs différents et de mettre une dynamique qui vainc l’inertie actuelle et qui transforme le chaos généré par les Etats-Unis en force d’organisation. Le seul chantier qui peut valider et motiver le changement est la lutte contre la colonisation et le colonialisme imposés par l’Empire.
L’Algérie est concernée par le changement si elle veut continuer d’exister. Elle est encerclée à l’extérieur et minée de l’intérieur. L’urgence n’est pas dans les solutions ministérielles ou institutionnelles, nécessaires mais insuffisantes, mais dans la constitution d’un véritable front national de résistance contre les visées impériales et d’édification nationale pour mettre fin à la gabegie et à la prédation. Ce front doit colmater les brèches et mettre du ciment là où le colonialisme et ses alliés ont créé des césures civilisationnelles à l’intérieur du pays et à l’extérieur notamment au Maghreb, en Afrique du Nord et au Sahel. Il y a urgence, les universitaires et les technocrates sont les bienvenus, mais l’effort ne peut être soutenu et les dangers éliminés que par des patriotes politisés sans esprit partisan ou sectaire.
Partout la tâche est compliquée, difficile et exigeant non des compétences au sens classique du terme, mais des autorités au sens étymologique du terme. La compétence est une reconnaissance sociale acquise par l’expérience accordée par les pairs ou par les médias ou par le pouvoir en place. Elle est un produit du système et de ce fait elle exprime les tares du système, ses limites, ses intentions et son cadre idéologique. La compétence ainsi définie dépend aussi de l’efficacité sociale. Une société et un système hautement productif et imaginatif, même s’il est inique et oppresseur, parvient à produire des compétences relativement efficaces pour la continuité du système. En crise, ces compétences ne sont pas adaptées, car il s’agit de penser en dehors du cadre et d’inventer le changement qui libère du cadre devenu un carcan, une inertie. L’histoire des faits et de la pensée a montré l’émergence des autorités au sens étymologique d’auteur ou d’autorités qui sont intrinsèquement hors système, indépendants et surtout producteurs d’idées et de concepts opératoires pouvant faire autorité c’est-à-dire s’imposant comme solution ou comme recours même s’ils ne détiennent aucune parcelle de pouvoir, aucun poste de commandement. Cette race d’artistes, de philosophes, d’ingénieurs, d’enseignants éducateurs n’est vue que lorsqu’il y a un mouvement rapide de l’histoire balayant toutes les inerties ou lorsque le sentiment de survie génère une dynamique salutaire.
Nous attendons l’émergence de ces autorités ou l’émergence des conditions sociales et historiques qui les rendent visibles et détectables. La situation explosive du monde exige une acuité du regard et une lucidité de la conscience. A l’instar des Prophètes, ces autorités trouveront d’abord du mépris, de l’indifférence, mais l’intelligence collective saura les reconnaitre, car il s’agit de salut existentiel. Nous sommes dans cette situation :
أَنزَلَ مِنَ السَّمَاءِ مَاءً فَسَالَتْ أَوْدِيَةٌ بِقَدَرِهَا فَاحْتَمَلَ السَّيْلُ زَبَدًا رَّابِيًا ۚ وَمِمَّا يُوقِدُونَ عَلَيْهِ فِي النَّارِ ابْتِغَاءَ حِلْيَةٍ أَوْ مَتَاعٍ زَبَدٌ مِّثْلُهُ ۚ كَذَٰلِكَ يَضْرِبُ اللَّهُ الْحَقَّ وَالْبَاطِلَ ۚ فَأَمَّا الزَّبَدُ فَيَذْهَبُ جُفَاءً ۖ وَأَمَّا مَا يَنفَعُ النَّاسَ فَيَمْكُثُ فِي الْأَرْضِ ۚ كَذَٰلِكَ يَضْرِبُ اللَّهُ الْأَمْثَالَ
Il fait descendre une eau du ciel et les rivières s’écoulent selon leur capacité. Le courant emporte une écume qui surnage. Une écume semblable se forme avec ce qu’ils fondent sur le feu pour en obtenir des bijoux ou des ustensiles. C’est ainsi que Dieu représente le vrai et le faux. L’écume, quant à elle, disparaît sans laisser de trace ; mais ce qui est utile aux hommes reste sur la terre. C’est ainsi que Dieu propose des symboles.
Nous ne triompherons de nos ennemis que si nous parvenions à être plus utile et plus efficace qu’eux. Les Empires pharaoniques et romains, à titre d’illustration, n’ont survécu et prospéré qu’en vertu de leur utilité et de leur efficacité en dépit de leur injustice. La civilisation musulmane a disparu lorsque son rayonnement spirituel s’est éteint, son capital de bienfaisance s’est transformé en bavardage sans prise sur la réalité et sans réflexion sur la vérité.
Le problème majeur n’est pas la confrontation entre l’Iran et les USA, mais l’alternative au chaos de l’Empire et à l’hégémonie médiatique et idéologique de la contre civilisation occidentale qui se veut l’excellence absolue y compris dans le crime et la corruption. L’alternative est dans l’émergence d’un nouvel ordre économique et d’un nouveau droit international. En attendant, les opprimés vont continuer à résister, à donner des coups de béliers jusqu’à l’émergence d’une conscience collective qui refuse l’oppression et l’oppresseur tout en restaurant les opprimés dans leur droit et dans leur dignité.
Quelques que soient les mots et les commentaires sur la riposte iranienne et la réaction américaine sur ses frappes, la question centrale pour la conscience arabe et musulmane reste la Palestine et les Palestiniens. Quels sont leur devenir et leurs solutions ?
Omar MAZRI