من يزرع الريح يحصد غباره
Les algériens ont semé du néant, ils récoltent naturellement le FLN, le RND, le HOMS et les « Indépendants » c’est-à-dire le bouteflekisme sans Boutef. Le système se reproduit à l’identique. Il s’agit d’une loi que le poète et musicien andalou Ibn ‘Abd Rabbih l’andalou (860-940) a exprimé en citant Wahb ibn Munabbih
« Parmi ce que Dieu a révélé à son prophète David, que la paix soit sur lui, c’est : « Je suis Dieu, Roi des rois, et le cœur des rois est dans ma main. A ceux qui m’obéissent, je donnerai des rois miséricordieux ; et à ceux qui me désobéissent, je donnerai des rois vengeurs. »
L’obéissance dont il s’agit ne consiste pas à se conformer d’une manière aveugle ou insouciante à la bigoterie religieuse ou à l’hypocrisie sociale du paraitre et des formalismes mais à faire le bien et à interdire et s’interdire la corruption, le vol, la violence, le fardage, la rente (sociale, religieuse, économique, culturelle et historique) comme le stipule Dieu :
{Ceux qui, lorsque Nous les établissons sur la terre, établissent la Salat, instituent la Zakat, ordonnent le Maârouf et interdisent le Mounkir. Et à Dieu revient la conséquence de toutes les affaires ». [22:41]
Il ne s’agit ni de revendiquer une Dawla islamiya ni une République laïque ni de réclamer des élections ou de les boycotter mais d’être porteur d’un projet de civilisation ou du moins d’idées nobles et généreuses et d’un programme d’utilité sociale pour tous les Hommes sans exclusion ni exclusive.
Le verset que nous avons cité est une configuration complète de la civilisation. Elle repose sur les quatre piliers suivants :
1 – Le Tamkine
C’est-à-dire un espace géographique territorialisé par l’aménagement et le travail comme une œuvre de salut ici-bas et un pôle de rayonnement spirituel, économique et urbain pour les espaces voisins lui conférant une force d’attraction pour fédérer et une position de force pour imposer la paix et la sécurité.
Cela n’est possible que s’il y a un minimum de maitrises du territoire comme on l’a vu dans une étude précédente.
On rappelle la première qui est la maitrise d’usage de ce territoire par la majorité. Il ne peut y avoir de maitrise d’usage que si et seulement s’il y a une liberté d’usage sans monopole, sans abus et sans entropie. La liberté n’est ni un slogan ni une imitation servile de l’idéologie occidentale ni de la démagogie populiste. La liberté est l’acquisition ainsi que la garantie de disposer des possibilités, toutes les possibilités licites, pour dire, penser et agir. Les possibilités sont illimitées si on donne libre cours à son imagination, si on étend les savoirs et les savoir-faire, si on met en réseau toutes les intelligences pour l’usage et l’extension des ressources.
On rappelle la dernière qui est la maitrise normative. De la liberté d’usage des possibilités et de la compétence technique de l’agencement et de la promotion des possibilités (maitrise d’œuvre et maitrise d’ouvrage) doit émerger la maitrise du territoire en matière d’arbitrage, de normalisation, de règlementation, d’homologation et d’expertise. Il ne s’agit ni d’une bureaucratie, ni d’une dictature de classe, ni d’appareils idéologiques, mais de compétences c’est-à-dire de capacités reconnues socialement dans leur domaine d’activité, des autorités (au sens d’auteur) sur le plan des règles de l’art, des expériences ayant fait preuve d’innovation et apte à apporter une ingénierie de conception pour la résolution des problèmes éducatifs, économiques, sociaux, scientifiques et techniques. Ce ne sont pas des fonctionnaires, mais des réformateurs et des maitres à penser. Le système de la rente et de la corruption est l’anti thèse de cette maitrise du territoire la seule capable de transformer un élan social, culturel ou politique en actes de civilisation c’est-à-dire en œuvre historiques et socialement utiles sinon en concepts favorables aux futurs bâtisseurs de civilisation.
2 – Iqamat as Salat Iqamat as Salat
Il ne s’agit pas d’imposer la religion par la force (politique, morale, sociale ou idéologique) mais de favoriser l’ordre social et politique par lequel la spiritualité et l’éthique favorise les conditions morales de la civilisation c’est-à-dire faire le bien et chercher le bien pour tous dans une cité où les valeurs les plus nobles sont partagées et respectées. Parmi ces valeurs il y a celles de la justice et de l’équité, de la sécurité et de la paix, du travail bien fait, du respect des autres et de la reconnaissance de leur mérite… Dans cet ordre la foi est une affaire individuelle, la religion est l’affaire de ses adeptes et non celle de l’État ni des rentiers de la bigoterie. Dans cet ordre moral, la tromperie, le fardage, le dol, la transgression, le parjure, la calomnie, le vol, la corruption, le favoritisme sont réprimandés par la loi.
Nous n’aurions rien dit si nous oublions la culture instituée par la pratique de la prière comme institution, comme fondation. La prière est une activité qui libère l’homme de l’aliénation à la chose et au fétichisme en accédant à l’abstraction totale et à la purification de l’esprit. Cette élévation spirituelle ou anagogie est un élan civilisateur et libérateur pour l’être ontologique et social. La prière est une libération du maintenant et ici et une aspiration vers le bien pour le bien sans contrepartie ni salaire immédiat ou avantage mondain. A cet effet elle est une initiation à l’empathie universelle : vouloir le bien et la concorde pour toute la création et tous les hommes. Elle est donc libératrice et civilisatrice. La prière est une méditation qui se pratique par la concentration sur la récitation et la gestuelle éduquant l’esprit à rester focalisé sur l’intention et l’objectif contre la dispersion et l’insouciance. La prière est aussi la culture du repentir et de l’examen de conscience sans lesquels on ne peut chercher le sens de ses actions, la finalité de ses œuvres, la validité de ses actes, les conséquences de ses paroles. Sans connaissance de soi, de ses erreurs, de ses fautes, de ses limites et de ses devoirs on ne peut ni progresser ni se proposer en modèle de conduite. La civilisation s’édifie en proposant des modèles de vertu, d’efficacité et de décision cohérente sans complaisance. La prière est l’école de l’humilité : “L’humilité est l’antichambre de toutes les perfections.”
La prière est un acte civilisateur et mobilisateur si on se libère du carcan cultuel dans lequel on s’est confiné et du mimétisme social auquel on adhère qui sont les outils de la fabrication de l’hypocrisie et de la paresse sociale. La Mosquée est une énergie sans pareil, mais nous l’avons dissipée et détournée de sa vocation libératrice pour la transformer en pouvoir d’aliénation, de contrainte sociale et de manipulation idéologique.
3 – La Zakat et la Sadaqa
Pour qu’il y ait Zakat et Sadaqa, il faut qu’il y ait aux moins deux choses : le travail et l’économie garants à la production d’un surplus sur lequel seront prélevés les recettes fiscales de l’État pour redistribuer les revenus en faveur de la solidarité sociale, de la santé et de l’éducation. Il n’y a pas de notion de travail s’il est concurrencé par la rente et la corruption. Il n’y a pas de notion de travail si l’efficacité sociale est absente et si la productivité du travail est en carence. L’efficacité et la productivité ne sont pas des mots creux, mais des investigations, des procédures et des efforts en matière de technologie, de savoir-faire, de formation et de lutte contre le gaspillage.
Lorsqu’on parle de travail on parle de temps investit, accumulé ou transféré dans l’acquisition, la conservation ou la production valeurs d’usage non seulement dans les biens et services, mais dans les savoirs, les arts et la culture.
La Zakat est un acte socio politique relevant de la responsabilité de l’État au même titre que les impôts directs et indirects. C’est le droit du faible et le devoir du fort. L’État est comptable et garant de ces droits et devoirs de la manière la plus juste, la plus équitable et la plus impartiale. Toute la fiscalité doit être reformée ainsi que le système bancaire et commercial qui sous-tends l’activité économique.
La Sadaqat doit revenir à ses principes fondateurs ainsi qu’à l’efficacité actuelle démontrée dans le monde occidental : le système des fondations pieuses et des associations de bienfaisance indépendantes de l’État, comptable devant ses membres fondateurs, ses bienfaiteurs et la justice.
La Zakat et la Sadaqa sont le caractère humain de la civilisation et la garantie sociale de promouvoir la dignité humaine et sociale à l’abri des visions technicistes et de l’appropriation féodale du capital.
3 – Ordonner Le Maârouf
Le Maârouf est traduit par le convenable qui est une notion vague en termes politique et économique même si ça sonne islamiquement bien dans la bouche d’un imam et l’oreille d’un fidèle. Il faut lui donner un sens plus concret en termes de civilisation et de construction de l’État de droit. Le Coran nous en donne le sens et la définition en ordonnant à son prophète de gouverner selon le Urf alors qu’il est dépositaire de la Charia divine. Le Urf pour le Prophète signifie gouverner en légiférant sur le licite au profit de l’intérêt général et non au profit d’une classe au détriment de l’autre. Le Haram est sacralisé par le Coran : c’est l’ensemble des tabous à ne pas transgresser car s’ils sont transgressés, il y a préjudice grave à la vie humaine, à l’existence sociale, à l’harmonie existentielle du monde. Le Halal est tout ce qui n’est pas Haram. Sur ce Halal des divergences d’usage, des conflits d’appropriation, des conflits d’intérêt peuvent surgir entre les membres d’une communauté et l’arbitrage revient à l’autorité politique suprême. Cette autorité peut agir par caprice et improvisation d’une manière ponctuelle mettant en péril la cohésion sociale et politique. Le Prophète Mohamed en sa qualité de gouvernant élu par allégeance a reçu l’ordre de gouverner par des lois et des décrets en concertation avec la cité des hommes.
Sur les affaires de l’au-delà, la récompense appartient à Dieu, sur les affaires de ce monde la récompense appartient à ceux qui ont en charge la gestion d’une affaire ou d’une cité humaine par le truchement de lois. Ces lois ne sont pas inventés d’une manière insensée, mais répondent à un besoin social, à une exigence politique, à un impératif stratégique toujours en accord avec l’esprit de justice et d’équité et toujours en conformité avec les us et coutumes du territoire si elles ne sont pas un frein au développement socioéconomique, si elles ne renforcent pas une rente ou un privilège de classe.
Si, pour le Prophète, il s’agissait de gouverner par des lois et des règlements pour la bonne gestion de la cité, il s’agit pour nous, de suivre le même principe réformateur et moderne sauf qu’on ne peut se substituer ni au Prophète ni à son époque ni à sa géographie. Nous pouvons nous inspirer de ses lois, de ses pratiques et de ses préconisations légales si on fait effort de les contextualiser et de les adapter. Autres temps autres mœurs, mais le principe de régulation et de gouvernance reste inchangé. Si le Prophète est tenu de légiférer par le Urf, nous sommes tenus de légiférer par le Maârouf dans le cadre des conditions socioéconomiques réelles de notre géographie, de notre histoire et de nos interactions avec notre environnement c’est-à-dire avec l’ensemble des facteurs qui agissent sur nous ou par lesquels nous agissons sur les autres alliés ou ennemis.
Ainsi la Civilisation impose des conditions morales, des conditions matérielles et des conditions légales ou politiques, ce que les marxistes désignent par l’infrastructure et la superstructure des modes de développement.
4 – Réprimander le Mounkir المنكر
Le Mounkir c’est le contraire de Urf et de Maârouf. Cela va au-delà du sens commun de blâmable et de répréhensible. Le Mounkir est la réfutation, la transgression et la rébellion contre le Urf et le Maârouf établis ou en voie d’établissement. Les partisans du Mounkir sont les partisans de la déconstruction du principe des lois, de l’ordre politique, de la morale, de la solidarité économique et de la cohésion sociale par la corruption, la violence, le désordre, la transgression des pactes et le manquement aux lois.
Pour que la civilisation s’établisse et se maintienne, il faut une véritable culture d’opposition au Mounkir dans la conscience individuelle et sociale, dans la praxis au quotidien, dans tous les registres de l’activité humaine et dans tous les échelons de la vie sociale, culturelle et politique. Gouvernants et gouvernés, élites et gens du commun partagent le même sentiment de refus du Mounkir.
Lorsque cette culture d’opposition au Mounkir faiblit ou disparait alors c’est le cynisme, le nihilisme, l’anarchie, le chaos puis la décadence et enfin l’anéantissement :
لُعِنَ الَّذِينَ كَفَرُواْ مِن بَنِي إِسْرَائِيلَ عَلَى لِسَانِ دَاوُودَ وَعِيسَى ابْنِ مَرْيَمَ ذَلِكَ بِمَا عَصَوا وَّكَانُواْ يَعْتَدُونَ كَانُواْ لاَ يَتَنَاهَوْنَ عَن مُّنكَرٍ فَعَلُوهُ لَبِئْسَ مَا كَانُواْ يَفْعَلُونَ
Ceux des Bani Israël qui se sont montré ingrats (qui ont nié) ont été maudits par la bouche de David et par celle de Jésus, fils de Marie, parce qu’ils ont désobéi et qu’ils ont été transgresseurs. Ils ne s’interdisaient pas mutuellement de commettre des actions blâmables. Leurs agissements étaient abominables ! [5-78]
Refuser la vérité au profit du mensonge, la justice au profit de l’oppression, la réalité au profit de la fiction, l’ordre au profit du désordre, l’effort collectif au profit de la rente, la vertu au profit de la corruption, l’inertie au lieu du progrès sont l’essence du Mounkir.
Les intégristes laïques ont travesti l’histoire en faisant croire que le progrès est l’affaire de rupture avec le religieux et la foi ; Les intégristes religieux ont travesti la réalité en faisant croire que tous les non croyant sont à exterminer. Tous de fausses monnaies qui occultent l’histoire des grecs, des romains, des égyptiens, des Prophètes dans l’opposition entre les tenants du totalitarisme et les tenants de la liberté, les clercs du temple associés aux marchands, à la féodalité foncière et aux tenants du système contre le changement initié par les Prophètes, les laïcs (les intellectuels en marge du temple et du pouvoir politique).
Là où il y a un statu quo, il y a résistance au changement par ceux qui profitent de la rente et de la corruption ou qui veulent leur part ainsi que par ceux qui refusent par paresse et par incompétence tant la concurrence dans la transparence que la récompense du mérite et de l’effort par leur légitimation intellectuelle, sociale, économique, culturelle et politique.
Que dire du Hirak revendiquant des slogans rédhibitoires et ne produisant que de l’énergie dissipée en termes d’effort social sans efficacité ni efficience. Que dire lorsqu’il ne fait émerger que des rentiers facilement et rapidement cooptés par le système en place. Que dire lorsqu’après plus d’un an d’orgiasme stérile on ne voit ni production d’élite ni de programme ni d’organisation ni de revendications crédibles et sérieuses ?
Que dire de la restauration de partis politiques et de figures politiques sans ancrage populaire ? Comment ces vieux partis stériles sans programme social, politique et économique entrent dans la compétition politique sans congrès, sans renouvellement de l’élite, sans bilan. Comment être pris au sérieux lorsque le système des quotas se reproduit de la manière la plus imbécile sans nuances ni maquillage ?
Ceux qui ont boycotté les élections, peuvent-ils continuer à mentir et à se faire des illusions sur leur représentativité au sein des populations hier en liesse aujourd’hui dans le désarroi. Insulter les généraux et leur faire endosser l’entière responsabilité de la situation algérienne est facile, infantile et sans lendemain pour le changement. La civilisation est chose sérieuse, complexe, elle exige du temps et des sacrifices. Il s’agit du sacrifice de son temps pour produire de la pensée, de l’ingénierie, de la stratégie, de la tactique et non le versement de la salive dans les lamentations et les anathèmes.
L’Armée algérienne forte de sa cohésion, de sa conscience pour soi, de sa victoire sur le terrorisme, de sa domination sur les minus habens qui hantent les partis politiques ne fera pas de compromis sur la cession ou le partage du pouvoir, les larbins d’hier et d’aujourd’hui lui suffisent tant en leur qualité de piètres exécutants qu’en leur qualité de piètre opposition. Celui qui avait théoriquement le plus d’atout pour apporter le changement y compris au sein de l’armée n’avait pas eu la compétence de choisir convenablement ses équipes et tisser des alliances efficaces.
L’immobilisme va durer jusqu’à épuisement de la rente et éveil des consciences. Le tragi-comique va être insoutenable puisque le système n’arrive ni à se reproduire convenablement ni à communiquer intelligemment ni à s’adapter aux changements.
Les gens attendent une révolution, mais « Une révolution, ce n’est ni une bourrasque de violence ni un simple changement des équipes au pouvoir ; […] c’est, dans la vie d’un peuple, ce qu’est une « conversion » dans la vie d’un homme, c’est-à-dire un changement radical des fins, des valeurs et du sens de la vie et de l’histoire. (Roger Garaudy). En un mot redevenir humain et se hisser au niveau d’une civilisation en facilitant ses conditions morales, techniques et culturelles.
Les Romains, les Égyptiens, les Perses, les Grecs ont fondé des civilisations qui ont duré des siècles et ont rayonné sur plusieurs peuples et plusieurs territoires malgré qu’ils fussent païens et oppresseurs ! Quel est leur secret ? Quel est le mystère des grandes civilisation musulmanes ottomane, mongole et andalouse ? Quelle était leur élan civilisationnel : réclamer des droits ou s’acquitter des devoirs ? Quel était leur rapport entre l’utile pour les hommes et le devenir de la société par rapport à leurs nuisances militaires et politiques ? Quel était leur agencement du spirituel, du savoir, de la technique, des arts et de la culture, du social, de la politique et du politique ?
Là où on interroge la civilisation, ses livres et ses vestiges on y trouve l’efficacité du travail pensé. C’est cette culture qui a fait dire à JS Bach l’un des monuments de la musique dans le monde :
« J’ai beaucoup travaillé. Quiconque travaillera comme moi pourra faire ce que j’ai fait. »
Omar MAZRI